Pour comprendre la logique et les avancées majeures proposées par le traité de Lisbonne c’est pourtant bel et bien du projet constitutionnel qu’il faut partir. Pour faire simple, on observe que le projet de Constitution proposait 3 axes principaux : 1) L’adaptation des institutions européennes au passage à une Union à 27 membres – une réforme reportée depuis presque 15 ans par les gouvernements européens 2) La simplification du droit de l’Union déjà en vigueur et enfin 3) la reconnaissance juridique de certains des emblèmes de l’Union – drapeau, hymne, etc – d’où, entre autres, l’utilisation du terme même de Constitution…
Idée reçue n°8 : Le traité de Lisbonne est une copie conforme de la Constitution
Le processus de ratification du traité tout le monde s´en souvient, sera pourtant fatal à la Constitution européenne. En France, mais aussi au Pays-Bas, le traité ne suscitera pas l’adhésion populaire. Trop loin ! Trop vite ! Trop ambitieux… ? Peut-être ! Mais une fois le traité rejeté, restaient pourtant certains impératifs. Les règles du traité de Nice étant jugées impraticables, le casse-tête institutionnel demeurait entier et il s´agissait de trouver d’urgence les moyens de faire fonctionner une Union à 27 Etats-membres tout en lui permettant de développer ses politiques ! Les propositions de plan B furent diverses mais convergèrent toutes vers une même nécessité : garder les avancées institutionnelles du projet constitutionnel et en supprimer les éléments qui ont causé sa perte. L’un dans l’autre, c’est ce que fait le traité de Lisbonne.
Par exemple, le nouveau traité permet d’abord de reprendre les apports de la Constitution en matière de simplification du droit communautaire. Il rend également le système de vote au sein du Conseil de l’Union européenne – chambre législative représentant les Etats membres – plus lisible et plus égalitaire. De plus, il étend le régime de la majorité qualifiée (réduisant l´unanimité) empêchant ainsi un Etat seul de bloquer l’ensemble du processus décisionnel. Autre changement notable, le traité crée le poste de président permanent du Conseil Européen. Celui-ci remplacera donc la présidence tournante et devra veiller à la continuité et la visibilité de l’action de l’Union Européenne. Enfin, le Parlement Européen aura un pouvoir de décision plus important sur plus de sujets, en particulier sur la nomination de la Commission. Le rôle des parlements nationaux dans le processus législatif communautaire, lui aussi, sort renforcé. Par contre, la référence aux symboles de l’Union et de son intégration politique est donc passée à la trappe. Idem pour l’idée de transformer l’actuel Haut Représentant pour la Politique Etrangère en Ministre des Affaires Etrangères de l’Union. Propositions trop fédéralistes pour certains…
Mais que retenir de ce rapide aperçu ? Premièrement, que Lisbonne – probablement au même titre que le projet constitutionnel – n’est sans doute pas le monstre décrit par certains. Certes, il s’inspire en grande partie des éléments de réforme proposés par le traité constitutionnel. En l’occurrence, il reprend les aspects qui visent à simplifier le fonctionnement de l’Union et en fluidifier les mécanismes. Deuxièmement, que les gouvernements ont bien été obligés de prendre acte des réticences populaires exprimées lors des votes et, que celles-ci continueront d’imprimer la façon dont procédera l’intégration européenne à venir. Il faut enfin ajouter qu’en l’état actuel du droit communautaire, la procédure menant à la ratification des traités de l’UE est laissée au libre choix de ses Etats membres. En France, c’est le président de la République (démocratiquement élu) qui a souhaité qu’il n’y ait pas de nouveau référendum et c’est le parlement (démocratiquement élu lui aussi) qui a ratifié le traité.
Est-ce donc anti-démocratique ? Non. Même si on comprend que les opposants au traité de Lisbonne se sentent légitimement privés de leur droit d’expression. Les gouvernements européens ont-ils donc eu peur ? Oui évidemment ! La logique d’un traité européen ne devrait-elle pas alors imposer la tenue d’un referendum… à l’échelle européenne ? L’idée mérite en tout cas réflexion.