Ce fut en tout cas une réalité par le passé. Il faut bien reconnaître que durant un certain nombre d’années, l´Union Européenne a pu donner l’impression de tout vouloir harmoniser. Les vendeurs de tracteur s´en souviennent encore! En 30 ans, ils auront fait l’objet de 8 directives successives, les premières s’assimilant davantage à un guide de fabrication de tracteur plutôt qu’à une tentative d’harmonisation facilitant la vente de tracteurs français à nos voisins allemands ou italiens et vice-versa.
Cela partait du principe que pour faire un espace de libre circulation des marchandises, il fallait, entre autres, que ce qui circule réponde aux mêmes normes (normes de fabrication, normes de tailles, etc). Or le marché commun a pu s’établir sans harmonisation totale mais grâce à un rapprochement des législations nationales. Depuis presque 20 ans à présent, la Commission en particulier – mais avec le soutien des Etats Membres et du Parlement (la Commission n’agit jamais tout seule, souvenez-vous) – a réorienté sa méthode vers des textes plus légers, moins intrusifs. Cette « harmonisation light » permet de se concentrer sur les objectifs de la réglementation plutôt que sur la manière d´y satisfaire. Finis donc les directives sur l´harmonisation de la courbure de concombres (1988) où l’Europe a frisé le ridicule, il faut bien le dire. Un principe simple s´applique désormais : la reconnaissance mutuelle. Reposant sur la confiance entre les Etats membres, la mise en place de normes minimales permet ensuite à chaque Etat Membre de commercialiser librement ces produits dans le reste de l’Union : Imaginons que vous vouliez vendre du Cassis de Dijon par exemple, eh bien le seul fait que vous ayez eu l’autorisation de le vendre en France vous donne le droit de le vendre dans n’importe quel pays de l´Union.
Si l’on change de logique, quand bien même elle le souhaiterait, l’UE ne pourrait pas se mêler de tout ! Elle est en effet une structure qui repose sur une répartition de compétences entre ses Etats Membres et elle-même. Un exemple : l’UE peut reprocher à la France de ne pas investir assez dans ses universités, mais elle ne peut pas l’obliger à le faire, car elle ne dispose pas de la compétence ! Plus précisément, le niveau communautaire dispose de trois compétences principales « réservées » que sont la politique commerciale, la politique de la concurrence et la politique monétaire. Dans un certain nombre d’autres cas, l´UE doit partager ses compétences avec les Etats Membres, dans des limites déterminées précisément par les traités : c’est le cas de la protection des consommateurs, de la pêche, de l’agriculture, des transports, de l’environnement et de l’énergie pour ne citer que quelques exemples.
Enfin – et même si le terme n’a rien de très sexy - rappelons qu’il y a aussi du bon dans l’harmonisation ! Ce processus a souvent été la première étape permettant ensuite à tous les Européens de jouir d’une liberté. Hier, il a permis à chaque producteur de vendre partout dans l’Union. Aujourd’hui, une harmonisation minimale facilite grandement la mobilité des personnes au sein de l’UE. C’est ainsi que l’harmonisation des paiements bancaires a stimulé les paiements transfrontaliers tout en baissant les coûts pour les consommateurs. Par ailleurs, dans le cadre du développement d’un espace de justice européen, l’Europe et ses Etats Membres travaillent aujourd’hui à l’établissement des règles minimales qui permettront à chaque citoyen de voir ses droits garantis de la même manière sur l’ensemble du territoire de l’Union. L’harmonisation serait-elle donc aussi porteuse de sécurité et de libertés nouvelles?