Idée reçue n°2 : L’Europe est trop technocratique

Il faut dire que la complexité de la structure institutionnelle de l’Union ne facilite en elle-même pas la compréhension de son fonctionnement. Schématiquement, les compétences de chaque institution semblent pourtant claires. Il revient à la Commission d´agir comme initiatrice des propositions. Ces propositions sont ensuite débattues, retravaillées et éventuellement adoptées par les deux chambres législatives de l´Union : Parlement Européen et le Conseil. Il suffit cependant de passer à la pratique pour que les noeuds se renouent. En fait, les Etats membres sont aussi consultés et impliqués dès le commencement du processus législatif. Ainsi, jamais les Etats membres ne découvrent une directive en phase finale comme l´a prouvé la récente polémique sur le vin rosé coupé. La complexité institutionnelle est une réalité, c´est aussi un prix à payer pour faire travailler et avancer ensemble 27 états souverains.
 
A la décharge de la l´Union, il faut en revanche ajouter que la complexité n´est certainement pas une caractéristique proprement européenne. Il est bon de rappeler que la lisibilité des institutions politiques nationales n’est pas forcément beaucoup plus grande qu’au niveau européen. Ainsi, sommes-nous tous au clair s’agissant des compétences du sénat, de l´assemblée nationale ou encore du conseil constitutionnel ? Ce qui importe c’est qu’un certain nombre de relais intermédiaires existent afin de simplifier et d’expliquer les enjeux politiques aux Français. Il est du ressort des hommes politiques et des médias de remplir ce rôle de "traducteurs". Or c'est bien là que le bât blesse au niveau européen : ces « traducteurs» sont pour l’instant, au mieux discrets et au pire absents de la scène publique européenne !
 
Le jargon communautaire ne fait rien non plus pour améliorer la cote de popularité de la Commission. Par ses termes d´initiés, celui-ci renforce l'impression que la Commission ne fait en réalité aucun effort pour se rendre plus accessible et plus compréhensible. Comme si effrayée que l'on empiète sur ces prérogatives, elle se protégeait derrière cette barrière de langage. L´usage d´un vocabulaire technique ou la référence à d´obscures acronymes,  participent donc de fait à la perception d´opacité que peuvent ressentir les citoyens européens à l´égard du travail de l´Union européenne. On touche ici au cœur du problème de la technocratie européenne en ce sens que les fonctionnaires européens sont des experts. Perchés dans leur tour d´ivoire, ces derniers apparaissent comme déconnectés des réalités.
 
Il faut cependant rappeler que les experts ont un rôle indispensable à jouer en démocratie. Comment sans leur travail, assurer une compréhension des problématiques, une force de proposition et une continuité des travaux face aux aléas et aux changements qu'implique la vie politique? D´ailleurs en France, les administrations nationales et autres cabinets ministériels ne sont-ils pas eux même des technocrates au service de leur ministre ?
 
Au final, la Commission apparaît donc, à certains égards, comme technocratique. Faut-il pour autant considérer le terme comme un « gros mot » ? Les enjeux politiques européens et nationaux ne peuvent sans doute pas être détachés d'une forme de technicité. Ce qui compte en réalité, c’est qu'en dernier lieu, il revienne toujours au pouvoir politique de discuter et d’adopter les textes législatifs – certes préparés par des « technocrates ». L’Union Européenne ne fait pas exception à cette exigence démocratique.