La peur de Dublin

Jose Manuel BARROSO a dû apprécier : alors qu'il était venu soutenir le traité de Lisbonne à Dublin fin Avril, il a été "accueilli" par une manifestation "monstre" de 10 000 agriculteurs venus dire qu'ils voteraient non au référendum du 12 juin prochain. Un mouvement de colère à prendre au sérieux lorsqu'on connaît le poids des agriculteurs irlandais dans leur pays. D'ailleurs, quelques jours plus tard, un sondage est venu confirmer qu'il n'est absolument pas certain que le Oui l'emporte.
Le 27 Avril, cette étude d'opinion montre que le nombre de citoyens irlandais prévoyant de voter pour le traité de Lisbonne dégringole à 35 % seulement (8 % de moins qu'un précédent sondage), contre 31 % pour ceux qui disent qu'ils voteront contre. Le nombre d'indécis s'élevant à 34 %.

Inquiétude à Paris
%%
Cette information n'a pas échappé à Paris. A l'Elysée, le 12 juin est dorénavant une date-charnière, avant laquelle plus aucune annonce importante concernant l'Europe ne sera faite, de peur de déplaire aux irlandais. A Bruxelles, dans les rangs des députés européens français de la majorité, on confirme qu'il serait malvenu de faire naître une polémique avant le 12 juin : la directive Bolkestein et le débat sur la Turquie ayant été du plus mauvais effet en 2005, juste avant le référendum français sur la constitution. De son côté, Jose Manuel BARROSO commence à répéter - comme en 2005 - que "de toute façon, il n'y pas de plan B !".

"Coup de frein" sur la présidence française de l'UE
Cette inquiètude explique - pour partie - que la France ait depuis quelques semaines réduit, sans le dire, le nombre de ses ambitieuses priorités pour la présidence tournante de l'UE. L'immigration et la protection de l'environnement restent bien au programme, mais pour le reste, le "flou" est savamment orchestré. La politique européenne de défense par exemple, pourtant longtemps présentée comme prioritaire, n'ayant aucune chance d'aboutir en 6 mois, va discrètement perdre ce statut. Gordon BROWN, le premier ministre britannique, en grande difficulté après la déroute de son parti aux élections locales, ne pourra de toute façon pas soutenir la France dans ce dossier. D'autant qu'il serait malvenu pour Paris de demander à ses partenaires d'investir massivement dans des moyens militaires, au moment où - courant juin - la France va elle même annoncer une restructuration en profondeur de son armée, pour...faire des économies.

Bref, même s'il est trop tôt pour affirmer que les irlandais vont voter non au référendum du 12 juin, l'hypothèse d'un "accident de ratification" en Irlande ou ailleurs (une expression bien en vogue dans les milieux européens) est dorénavant prise très au sérieux.
Dans ce cas, la France se trouverait dans une position intenable : elle dont le peuple avait voté Non à la constitution en 2005, elle dont le chef de l'Etat s'attribue la paternité du traité de Lisbonne, elle n'aurait plus qu'une seule priorité : gérer l'onde de choc.

Post scriptum : un dernier sondage vient d'être publié aujourd'hui en Irlande. Je vous le livre :
Le nombre de personnes interrogées ayant prévu de voter "oui" est passé de 35 % à 38%, tandis que le non a perdu 3 points passant de 31 à 28%, par rapport au précédent sondage il
y a deux semaines. 34 % des personnes interrogées restent indécises.