Les "cures gay" inquiètent le Brésil

Crédit journal El Pais, Brasil

 

Crédit journal El Pais, Brasil

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Et voilà que les psychologues brésiliens peuvent désormais proposer des thérapies de réorientation sexuelle, destinées aux personnes homosexuelles. Une décision qui fait polémique dans ce pays connu pour son homophobie. Beaucoup y voient un retour vers le passé et la progression des conservateurs.

« Vous ressentez un manque d’empathie et la volonté de prendre des décisions archaïques concernant la sexualité des autres ? », la solution : une « campagne de vaccination contre l’hétérosexualité ». L’appel, lancé par la manifestation sportive mensuelle "Gaymada" de São Paulo adopte un ton ironique. « On adore faire des blagues. C’est une satire à la décision du juge », explique Lucas Galdino, organisateur de l’événement.

Cette fausse campagne de vaccination est un moyen, grâce à l’ironie, de dénoncer l’absurdité de la résolution prise par le juge Waldemar Claudio de Carvalho. Il a en effet autorisé les psychologues à proposer des thérapies de réorientation sexuelle. Une pratique qui va à l’encontre de la résolution du Conseil fédéral de la Psychologie (CFP) brésilien, prise en 1999, et qui interdit les professionnels de traiter l’homosexualité. Depuis 1990, l’Organisation Mondiale de la Santé a retiré l’homosexualité de la liste des maladies. Même si le juge Carvalho n’a pas annulé le décret de 1999 du CFP, la situation des homosexuels au Brésil régresse selon Lucas Galdino. « On n’a pas de législation qui criminalise l’homophobie… En 2016, ce sont 343 homosexuels qui ont été assassinés. »

Cette décision de la justice brésilienne vient d’une proposition, formulée par une vingtaine de psychologues, dont Rosangela Alves Justino, missionnaire évangélique. « Il y a une vague conservatrice, qui vient notamment des évangéliques dont certains ont des sièges au Parlement », poursuit Lucas Galdino.

Depuis la décision du juge, de nombreux articles pullulent sur la toile, intitulés « Etre gay n'est pas une maladie », soutenus par de nombreuses célébrités nationales et même des religieux. L'humour toujours en bannière, certains postent sur les réseaux sociaux, des messages raillant la flemme légendaire du Brésilien « Ah désolée je ne pourrai pas allé au travail aujourd'hui, j'ai attrapé une homosexualité carabinée, je reste au lit ».

Quitter l’homosexualité
Ernandes Almeida tient un blog, destiné à ceux qui ne veulent plus être homosexuels. Lui-même se revendique comme un « ex-gay ». Agé aujourd’hui de 25 ans, il a « quitté l’homosexualité » il y a cinq ans, grâce à sa « foi en Dieu ». Pourtant issu d’une famille non-croyante, c’est vers l’Eglise et sa foi qu’il s’est réfugié lorsqu’il s’est rendu compte qu’il ne voulait pas être gay. « J’ai été abusé sexuellement quand j’avais cinq ans et entre huit et neuf ans », raconte-t-il. Des épisodes qui auraient marqué son orientation sexuelle.

Adolescent, Ernandes Almeida a des petits-copains. Une situation pourtant, selon lui, très bien acceptée par sa famille, mais il ressent un mal-être : « c’était du conformisme, ce n’était pas la personne que j’étais ». Alors il tente de voir des psychologues, en vain, raconte-t-il. « Personne ne s’est intéressé à mes antécédents et n’a voulu savoir si je vivais bien mon homosexualité ». Il préfère donc se tourner vers une « relation spirituelle » pour se « sortir de l’homosexualité ». Le jeune homme diplômé en communication sociale accuse les psychologues et les professionnels de santé de ne pas aider ceux qui ne veulent plus être homo.

Vers un bourrage de crâne? 
La décision du juge, il la soutient donc à 100 %. « C’est destiné aux personnes qui, délibérément, vont aller voir un professionnel parce qu’elles souhaitent changer ». Mais le CFP, qui va faire appel, et les mouvements LGBT craignent un autre effet, plus coercitif, comme l’explique Lucas Galdino : « il y a des parents, religieux par exemple, qui ne comprennent pas la sexualité de leurs enfants et qui vont pouvoir emmener leurs enfants voir un psychologue, lui-même conservateur, et ce sera du bourrage de crâne… ». En Amérique latine, d'autres pays ont été accusés d'avoir ouvert des cliniques illégales de "cure" gay, se vendant comme cure de désintoxication aux drogues, comme en Equateur. Les mouvements homosexuels craignent que le Brésil ne voit naitre sur son territoire une flopée d'institutions du même genre, qui forcent les jeunes fragiles à revenir dans le "droit" chemin. Le conseil de l'ordre fédéral de psychologie vient de déposer un recours contre la décision du juge.
Louise Raulais pour Fanny Lothaire