La justice allemande sanctuarise la redevance audiovisuelle

dpa

Chaque foyer allemand doit payer la redevance pour les médias publics, qu’il les utilise ou non. C’est le verdict très attendu de la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne, une décision qui assure la pérennité des chaînes, parmi les mieux dotées d’Europe.

Après le référendum en Suisse, l’Allemagne a souligné l’importance des médias publics avec ce jugement emblématique : la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe a statué ce mercredi que tout le monde, même les particuliers qui ne consomment pas les médias publics, doit payer la redevance, pour avoir la possibilité d’accéder à une information de qualité. Le tribunal a ainsi rejeté en grande partie la plainte de trois particuliers et de l’entreprise allemande Sixt, qui avaient contesté la constitutionnalité de la redevance.

La même redevance pour tous les foyers

Les plaignants critiquaient le fait que la redevance fasse abstraction de la consommation réelle des médias publics : depuis 2013, chaque foyer doit payer la même participation mensuelle de 17,50 euros, et plus un montant individuel calculé en fonction du nombre de téléviseurs et de radios dans le ménage. Les entreprises paient elles en fonction du nombre de filiales et de véhicules commerciaux - on comprend pourquoi cela peut poser problème à un service de location de voitures comme Sixt. Sous cette forme, la nouvelle redevance s’apparente aux yeux des plaignants plus à un impôt qu’à une taxe et se déroberait ainsi à la compétence juridique des Länder, qui récoltent pourtant cet argent.

La résidence secondaire exemptée

Mais le tribunal a tranché. La redevance audiovisuelle n’est pas un impôt et n'est pas anticonstitutionnelle. Seul un paragraphe de la plainte a été entendu : désormais, les propriétaires d’une résidence secondaire peuvent se faire dispenser de la deuxième redevance, pour garantir l’égalité des charges.
L’inégalité persistante des coûts pour un célibataire et pour un foyer familial ne pose pas problème aux juges. 
La cour considère qu'il est justifié de lier la redevance aux foyers, puisque ce serait là que les gens consommeraient l’information habituellement. L’ancien modèle prenant en compte la possession ou non d'appareils audiovisuels avait atteint ses limites, puisque de plus en plus de personnes accèdent aux émissions sur les réseaux sociaux et en ligne sur leurs téléphones et tablettes. Que Sixt paye une taxe sur chacune de ses voitures a aussi été jugé légitime, puisque l’entreprise fait des bénéfices grâce à la radio, qui divertit ses clients et les informe du trafic.

La Cour constitutionnelle fédérale mercredi 18 juin, lors de l'annonce du verdict sur la redevance audiovisuelle. (dpa)

Bonne nouvelle pour un modèle en crise

C’est un succès important pour le système de financement des médias publics allemands, qui est régulièrement sous le feu des critiques. 40% des Allemands trouvent la redevance trop chère, d’après un sondage de YouGov. Les trois quarts de la population souhaitent un référendum sur son maintien, comme l’ont fait les Suisses en mars - et nombreux sont ceux qui voteraient contre (39% à 77%), si l'on en croit certains sondages réalisés récemment.
Ces dernières années, plusieurs tribunaux régionaux ont déjà dû confirmer la constitutionnalité de la redevance après avoir été saisis par des contribuables. Avec le verdict de la cour de Karlsruhe, le débat juridique est désormais clos.

L'une des redevances les plus chères d’Europe

La redevance est la première source de revenus pour l'ARD, la ZDF et Deutschlandradio. Chaque année, elle récolte 8 milliards d’euros, qui permettent de produire 90 programmes gratuits sur le territoire allemand. Les chaînes publiques allemandes sont les deuxièmes mieux dotées d’Europe après le Danemark : à l’année, un foyer allemand paye 210 euros, contre 138 en France. Le système de financement par redevance doit assurer l’indépendance journalistique - et en effet, Reporters sans frontières liste l’Allemagne en place 15 sur 180 du classement mondial de la liberté de la presse, loin devant la France (33).
Désormais, ce modèle est gravé dans le marbre juridique. Le directeur de ARD s'est félicité que la décision de la cour de Karlsruhe confirme "la grande importance de l'audiovisuel public dans une démocratie".

Par Anja Maiwald