En matière de transports écologiques, les Allemands montrent l’exemple : aujourd'hui, le parlement berlinois a adopté la première loi de mobilité du pays, qui accorde encore plus d’importance au vélo en ville et que peut faire pâlir d'envie les Parisiens.
C’est une ville de cyclistes : 500 000 vélos arpentent les rues de Berlin chaque jour sur plus de 1 000 kilomètres de pistes cyclables. C’est le mode de déplacement préféré de 15% des habitants - contre 5% des Parisiens, qui n’ont eux que 700 kilomètres à leur disposition. Les deux capitales présentent des “plans vélo” pour favoriser la pratique de la petite reine. Dans le cadre du nouveau Plan Climat, Paris s’est même donné pour but en décembre dernier de devenir “100% cyclable dès 2020”. Mais dans les faits, Berlin semble aller bien plus loin.
La capitale allemande inscrit désormais dans la loi le fait d'offrir de meilleures conditions aux cyclistes. Jeudi, la coalition réunissant les sociaux-démocrates, la gauche radicale et les Verts a adopté la première législation allemande qui équilibre la répartition des surfaces de circulation entre tous les modes de transport, afin d’en améliorer la sécurité et de les repenser dans le respect du climat et de l’environnement. Puisque la voiture ne fait pas le poids dans ce calcul, le premier volet de la législation met l’accent sur - surprise - les bicyclettes!
Plus de place pour les vélos
Le plan s’attaque à deux enjeux du trafic à vélo en ville : l’espace et la sécurité. Soixante nouvelles pistes cyclables doivent être construites dès cette année, dont 100 kilomètres de voies express ou encore des voies prioritaires pour faciliter et accélérer les longs trajets d’un quartier à l’autre. Pas moins de 60 000 places de stationnement doivent leur céder la place. Mesure-phare du plan pour rendre de l’espace aux vélos : l’interdiction aux voitures de l’avenue Unter den Linden, l’équivalent des Champs-Élysées à Paris.
En comparaison, le Plan Vélo de Paris prévoit seulement la construction de 61 kilomètres de voies express. Afin de combler le retard pris ces dernières années dans l'aménagement de nouvelles de pistes cyclables, le plan doit aussi doubler les 700 kilomètres de pistes existantes. À tout petits pas, cependant.
Là où circulent plus de cyclistes, il faut aussi plus de places de stationnement pour les vélos. Berlin annonce au moins 100 000 nouvelles places à l’horizon 2025 : non seulement des portes-vélos, mais aussi des garages et des boxes à plusieurs niveaux. Paris en prévoit 10 000 - un dixième de l’effort berlinois.
Plus de sécurité pour les cyclistes
La nouvelle loi berlinoise se montre également ambitieuse en matière de sécurité. Les pistes cyclables doivent être élargies à 2 mètres afin de faciliter les dépassements. Elles seront teintes entièrement en vert pour augmenter leur visibilité. De nombreux carrefours seront réaménagés avec des files de changement de direction dédiées aux vélos. Des poteaux pour les protéger du trafic aux endroits les plus dangereux entrent dans une phase test de cinq ans. Enfin, l’escadron à vélo de la police berlinoise, qui a déjà pu baisser le nombre d’accidents graves de cyclistes au centre de la ville, sera élargi à l’ensemble des quartiers. Paris, dans un registre plus classique, investit dans la généralisation des zones limités à 30 km/h et dans 7 000 sas vélo aux feux.
Pour mettre en œuvre toutes ces mesures, la mairie de Berlin a fixé le budget 2018/2019 pour l’infrastructure cycliste à près de 100 millions d’euros - c’est plus que le triple des dépenses annuelles effectuées jusque-là. A Paris, la mairie d’Anne Hidalgo prévoit un budget de 150 millions d’euros sur les cinq ans de son Plan Vélo. Soit 30 millions d’euros annuels contre 50 millions à Berlin.
Les cyclistes, maillons faibles du trafic
En France, les cyclistes attendent toujours le vote d'une loi qui prennent en compte leurs besoins. La ministre des transports Elisabeth Borne devrait présenter une loi d’orientation sur la mobilité dans quelques semaines - on l’attend depuis mai. Ce plan national vise plus largement à actualiser la législation en vue des nouveaux modes de transports et fixe surtout les priorités d’investissement.
Si Berlin peut se targuer d'avoir voté la toute première loi de mobilité allemande, c’est notamment grâce à l’engagement d’un mouvement populaire de cyclistes berlinois : Volksentscheid Fahrrad (“Votation populaire pour le vélo”). Cette organisation œuvre pour une législation sur le trafic à vélo depuis plus de deux ans, notamment pour améliorer la sécurité. En 2017, Berlin a enregistré plus de 7 000 accidents impliquant des vélos, soit un toutes les deux heures. Dix cyclistes ont trouvé la mort - dans la capitale, un mort sur la route sur quatre était à vélo. Dans plus de la moitié des cas, ce sont eux qui causent les accidents, le plus souvent parce qu’ils ne respectent pas les distances de sécurité ou parce qu’ils utilisent des voies qui ne leur sont pas destinées (910 et 730 sur 3 599 cas). Ce qui montre à quel point le plan urbain semble les oublier dans les régulations du trafic. L’écrasante majorité des collisions causées par des automobiles (1 526 sur 3 172 cas) est due à des erreurs lors du changement de direction au carrefour - car les pistes cyclables manquent de visibilité.
Nach zweieinhalb Jahren und dank der Mithilfe von hunderten Bürgerinnen und Bürgern und über 40.000 Stunden ehrenamtlichen Engagements ist der Volksentscheid Fahrrad an seinem Ziel angekommen. --> Unser Statement zur Morgigen Verabschiedung des Gesetzes: https://t.co/1hFDLXAQ1J
— Volksentscheid Fahrrad (@radentscheid) 27 juin 2018
La loi adoptée aujourd'hui reprend presque entièrement les propositions de Volksentscheid Fahrrad pour remédier à ces problèmes. Malgré l'opposition des conservateurs de la CDU, des libéraux et de l’AfD, la mairie rouge-rouge-verte de Berlin réalise ainsi l'un de ses projets phares, qui était au centre des promesses de la coalition. Déjà validée par le Sénat (mairie) en décembre dernier et par la commission des transports début juin, la loi a été votée par le parlement sans difficulté dans la matinée. "Une bonne politique des transports s'aligne sur les plus faibles, sur ceux sans protection et sans airbag : les piétons et les cyclistes. Pour cela, la loi de mobilité pose les bonnes bases", s'est félicitée l'adjointe au trafic et à l'environnement, Regine Günther.
Une avancée majeure pour la communauté croissante des cyclistes berlinois, qui pourrait montrer la voie aux autres métropoles européennes.
Par Anja Maiwald