Face à la crise des réfugiés, elle campe sur ses positions. Et la chancelière allemande se trouve de plus en plus isolée. Vivement critiquée dans son pays, elle perd ou voit s'éloigner à présent ses alliés européens un à un, la France y compris. Tour d'horizon des défections.
Avec la France, c'est compliqué
En septembre dernier, la chancelière pouvait afficher un large sourire après avoir arraché l'un des rares compromis à ses partenaires européens: un programme de relocalisation des réfugiés visant à répartir 160 000 personnes depuis la Grèce et l'Italie. La France s'engageait alors à en accueillir 30 000 sur deux ans. A ce jour, elle est bien loin du compte. Seuls 300 personnes ont déjà été prises en charge. Ce démarrage très poussif du programme est attribué par le gouvernement français aux fameux « hot spots », ces centres d'enregistrement de migrants chargés de faire le tri entre les réfugiés. Une critique indirecte envers la chancelière qui avait avancé la création ces fameux centres comme un début de solution, sans parvenir à en accélérer la mise en œuvre. Autre critique, cette fois-ci sur la méthode employée par la chancelière avant le sommet extraordinaire UE-Turquie du 7 mars: Angela Merkel a travaillé étroitement, et dans le plus grand secret avec Ankara, sans en avertir Paris qui a découvert le "marché" le Jour J...
Mais le point d'orgue du peu d'élan de la France pour épauler Angela Merkel s'est produit lors de la conférence sur la sécurité de Munich à la mi-février. Manuel Valls y avait ouvertement critiqué la position allemande, jugée intenable sur la durée : « La position de la France n'a jamais été de dire “venez tous ! ». Pour le Premier ministre, l'Europe (et donc la France) « ne peut pas accueillir tous les migrants en provenance de Syrie, d’Irak ou d’Afrique ». A Berlin, on ne dit pas le contraire, mais la méthode, une déclaration aussi franche sur le sol allemand, a choqué.
Avec l’Autriche, c’est très compliqué
Sur la même ligne qu'Angela Merkel depuis le début de la crise, l'Autriche a changement complètement de bord en quelques jours. Premier coup de semonce, au mois de janvier dernier : elle fixe des quotas d'accueil de demandeurs d'asile tout en se concertant en catimini avec les États des Balkans pour tarir les passages de réfugiés. Deuxième estocade portée le 5 mars dernier par le chancelier autrichien Werner Faymann qui réclame également de l'Allemagne un quota annuel de réfugiés. « L’Allemagne doit enfin dire les choses clairement, sinon les réfugiés vont continuer à prendre la route ». Traduction : l'Allemagne doit arrêter d'attirer les migrants. Des migrants qui passent par l'Autriche.
Un virage à 180 degrés alors que Frontex, l’agence européenne de gestion des frontières extérieures de l'Union européenne, prévoit l’arrivée d’un nouveau million de réfugiés en 2016. Hasard du calendrier ou pas, l'élection présidentielle autrichienne se déroulera le 24 avril prochain. Avec la peur qui monte de voir le candidat du FPÖ, le parti d'extrême-droite, se qualifier pour le second tour.
Avec les pays de l'Est, c'est terminé
Ou le fameux du groupe de Visegrád composé de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovaquie et de la Hongrie. Véritable noyau dur de la fronde anti-Merkel sur le continent, il est mené par le premier ministre hongrois Viktor Orban qui ne cesse de fustiger une Europe « sans défense et faible ». À longueur de réunions, le groupe de Visegrád dénonce le programme de répartition des réfugiés instauré par l'UE sous l'impulsion d'Angela Merkel. Beata Szydlo, la Première ministre polonaise, n'en démord pas : « Nous n'accepterons pas un tel mécanisme ».
Et pour consolider leurs positions, les quatre de Visegrád draguent des pays comme la Bulgarie et la Macédoine, eux qui sont aux premières loges de l'afflux des réfugiés. Ils sont désormais invités à participer aux réunions du groupe pour obtenir une fermeture des frontières des pays des Balkans. Selon le Premier ministre tchèque, Bohuslav Sobotka, il est urgent de « de se concentrer sur la route des Balkans occidentaux et de montrer de la solidarité avec les pays de ces régions en les aidant dans la protection de leurs frontières ». Pour le groupe de Visegrád, l'Allemagne a tout simplement abandonné les pays de l'Est et un pays comme la Macédoine.
Angela Merkel n'a plus vraiment le choix. Il ne lui reste plus comme solution que de se tourner vers la Turquie (ce qui explique son cavalier seul avant le sommet du 7 mars) et, ironie de l'histoire, vers... la Grèce.
Par Julien Mechaussie