Une exposition à la fondation Folon en Belgique retrace avec des documents rares le parcours de Peyo, auteur de BD dévoré par ses personnages.
Ces petits lutins aux bonnets blancs ont une notoriété planétaire. Les chiffres l’attestent. Ils sont traduits en 25 langues. Ils ont vendu 25 millions d’albums. Plus de 3000 produits dérivés ont été créés. Trois adaptations récentes au cinéma et une série de dessins animés avec 256 épisodes produite par les studios Hanna-Barbera. C’est d’ailleurs cette série diffusée le samedi matin sur la chaine américaine NBC entre 1980 et 1989 qui va propulser les Schtroumpfs all around the world. Et rapporter gros à son créateur Pierre Culliford alias Peyo. Cependant derrière la success story, il y a toute une vie de labeur, de sacrifices et, in fine, l’assèchement créatif du formidable conteur qu’était Peyo.
C’est la belle idée de cette rétrospective Peyo de n’être pas centrée qu’autour des Schtroumpfs. L’exposition qui se tient à la Fondation Folon, à une trentaine de kilomètres de Bruxelles, propose un parcours chronologique. Planches, dessins, photos et documents rares extraits des archives privées de Peyo y sont présentés. Tels ces dessins préparatoires du Chat Poussy qui fut publié dans le quotidien belge Le Soir dès 1949 et, quelques années plus tard, dans Spirou. Peyo est à l’origine de Benoît Brisefer, petit garçon à la force surhumaine sauf quand il est enrhumé. Avec son béret sur la tête, Benoît Brisefer est un super-héros en culotte courte. Dessinée dans un style purement franco-belge, Peyo avait conçu la série comme une douce parodie des comics avec leurs super-héros.
Sont exposées aussi des planches de Johann et Pirlouit, la série que Peyo affectionnait le plus. Celle qu’il aurait voulu développer et prolonger. Johan et Pirlouit voient le jour dans le Journal de Spirou en 1952. L’action se situe dans un moyen-âge imaginé et magique. Les Schtroumpfs sont d’ailleurs à l’origine un spin-off de cette série. Johan et Pirlouit font la connaissance de ces petits lutins dans l’album La flûte à six Schtroumpfs (1960). Succès fulgurant auprès des lecteurs, les Schtroumpfs vont très rapidement s’émanciper. Avec le merchandising et les adaptations télé ou cinéma, Peyo avait vu plus loin que ses cases. Il va y consacrer beaucoup de temps et d’énergie. Peyo tentera de revenir à cette série après le gigantesque succès des Schtroumpfs. Les années ont passé, Peyo connait des problèmes de santé et le succès ne viendra plus. Les explications avec les deux commissaires de l’exposition, José Grandmont et Hugues Dayez.
Entre Johan et Pirlouit et les Schtroumpfs, il semble bien que ce soit les plus petits qui aient gagné ?
Hugues Dayez : Il a réalisé seulement douze albums de sa série préférée Johan et Pirlouit. Le treizième et ultime épisode, Le sortilège de Maltrochu, tardera à venir car Peyo n’est en fait plus maître de son destin. Il a créé par accident les Schtroumpfs. Et tout le monde, lecteurs comme publicitaires, vont très rapidement en raffoler.
Est-ce qu’il a regretté de ne plus avoir fait d’autres albums de Johan et Pirlouit ?
José Grandmont : Il a toujours eu envie de reprendre la série mais les Schtroumpfs ont pris la vedette. Pourtant, dans son processus créatif, Johan et Pirlouit sont plus importants pour Peyo. Il va connaître la gloire mondiale avec les Schtroumpfs et il va perdre toute liberté de création. Il va devoir déléguer pour contrôler les dessins animés et tous les à-côtés. Il ne fera plus que de la gestion.
La Schtroumpfmania n’a-t-elle pas aussi occulté le talent de Peyo ?
H.D. : Elle fera de lui un homme riche mais aura pour effet pervers de ruiner sa santé et de ternir son image d’auteur de BD. Débordé de travail, Peyo va engager des assistants, mettre en place un studio. Dans les années 80, les nouvelles générations de lecteurs ne verront dans les albums dessinés par une armée anonyme que des prolongements des séries animées d’Hanna-Barbera.
Pourtant Peyo est un auteur majeur du 9ème art ?
J.G. : Peyo est un autodidacte. Il n’est pas un surdoué du dessin comme Franquin. Il n’avait pas les mêmes facilités. Il est laborieux, il se considère comme un forçat du dessin. Il va devoir se chercher et il va réussir. Car le grand talent de Peyo se situe dans la narration. Son plaisir, son ambition est d’abord de raconter. Il va placer la narration à un très haut niveau. Franquin était d’ailleurs admiratif de ce talent. Il disait qu’en se mettant même à trois mètres d’une planche de Peyo, on arrivait avec une grande lisibilité à comprendre ce qui s’y passe.
On ne peut tout de même pas en vouloir aux Schtroumpfs car Peyo a aussi réalisé quelques chefs-d’œuvre avec eux ?
H.D. : C’est vrai, notamment les albums qu’il réalisa avec Yvan Delporte, le rédacteur en chef de Spirou à l’époque. Le Schtroumpfissime reste un sommet par exemple.
J.G. : Les premiers albums s’adressaient en plus aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Un double niveau de lecture qui restera jusqu’au douzième album, Le Bébé Schtroumpf. Après, sous l’influence du dessin animé, les récits s’orienteront de plus en plus vers un public d’enfants.
L’exposition se tient jusqu’à la fin du mois d’août à La Fondation Folon. C’est à La Hulpe, à 40 minutes de Bruxelles. Tarifs de 5 à 9 euros. Plus d’infos sur les horaires et l’accès en cliquant sur ce lien.