- Bilan de la saison 2017
La saison 2017 aura vu la formation sur les bassins Atlantique Nord, Mer des Caraïbes et Golfe du Mexique, de 17 cyclones nommés, 7 tempêtes tropicales et 10 ouragans dont 6 ouragans majeurs : 2 catégorie 3 (Lee et Ophelia), 2 catégorie 4 (Harvey et JOSE) et 2 catégorie 5 (IRMA et MARIA).
- IRMA, un ouragan majeur pas comme les autres ?
IRMA est né le 30 août 2017 à proximité de l'archipel du Cap Vert (type « Cap-Verdien »). Cette tempête tropicale est peu à peu devenue un ouragan majeur de catégorie 5 exceptionnellement puissant avec des vents moyens (sur 1 minute) de 295 km/h. Cela le classe au 2ème rang pour le bassin (ex æquo avec Gilbert en 1988 et Wilma en 2005), juste derrière Allen en 1980 (vents moyens de 305 km/h). Mais IRMA détient également un triste record lié aux dégâts catastrophiques qu’il a engendrés de Barbuda à la Floride en passant par le Sud des Bahamas et le Nord de Cuba : il est l’ouragan avec la plus longue durée observée de vents moyens maximum proches de 300 km/h : 75 heures... soit plus de 3 jours. Si l’on considère l’ensemble des îles de la Caraïbe, c’est le 4 ème atterrissage d’un ouragan catégorie 5 après celui de 1924 (Cuba), de 1928 (Puerto-Rico) et de David en 1979 (République Dominicaine).
- IRMA, catégorie 5
Evolution et pays touchés
Le 30 août 2017, la tempête tropicale IRMA naît à l’Ouest des îles du Cap Vert.
Pendant 24 heures, elle va suivre une trajectoire vers Ouest-Nord-Ouest et s’intensifier rapidement en ouragan catégorie 2 puis catégorie3 le 31 août, ce qui en fera le 2ème ouragan majeur de la saison 2017 après Harvey.
Aux environ du 40ème degré de longitude et à plus de 19 degrés de latitude, IRMA infléchit sa route vers l’Ouest-Sud-Ouest en faiblissant légèrement (catégorie 2). Il devient alors une menace sérieuse pour l’arc Antillais. IRMA va alors se renforcer continuellement pour atteindre la catégorie 5 sur l'échelle de Saffir-Simpson le 5 septembre, et son maximum d’intensité dans l’après-midi du 5 avec des vents moyens de l’ordre de 295km/h (estimation par un avion de reconnaissance). Il gardera cette incroyable intensité à son
passage sur Barbuda, St-Barth, St-Martin/Anguilla et les îles Vierges jusque dans la nuit du 6 au 7 septembre.
Il longe ensuite les côtes Nord de Puerto-Rico, République Dominicaine et Haïti à une distance de plusieurs dizaines de kilomètres ce qui limitera un peu l’impact sur ces pays.
Par contre, il n’épargnera pas Cuba, surtout le littoral nord du Centre du centre de l’île.
Son virage vers le Nord plus tardif qu’anticipé, le fera atterrir sur les côtes Ouest de la Floride et non à proximité de Miami.
Conditions de formation
Une semaine après HARVEY, IRMA se forme le 30 août 2017 au large de l'Afrique, à partir d'une onde tropicale comme une classique tempête tropicale.
Entre l'après-midi du 31 août et le matin du 1er septembre, IRMA a stoppé sa phase d'intensification rapide. Puis, une nouvelle phase d'intensification démarre, alors qu'IRMA se trouve encore à 2500 km de l'Arc antillais.
Le samedi 2 septembre, IRMA se trouvait à environ 2000 km des Petites Antilles. Et présentait un petit cœur d’environ 1,5° de diamètre et restait sensible aux variations d’environnement .
Le matin du dimanche 3 septembre, à 1500 km du nord de l'Arc antillais, IRMA présente toujours un petit cœur d’environ 1,5°. Le petit œil est assez mal défini en fin de nuit de samedi 2 à dimanche 3 septembre. Sous l’influence du flux directeur de Nord-Est, IRMA suit toujours une trajectoire globalement orientée vers l’Ouest-Sud-Ouest.
Le matin du lundi 4 septembre, IRMA est de nouveau dans un environnement favorable à son intensification. Sa structure s’est nettement améliorée ce lundi matin, le cœur central est très symétrique et s’est un peu étendu (2° de diamètre) et l’œil est bien mieux défini.
Les vents forts s’étendent plus loin du centre que précédemment estimés. IRMA se situe alors à environ 1000 km des Îles du nord des Petites Antilles.
IRMA évolue alors sur des eaux à haut contenu énergétique en hausse (température de surface de l’océan autour de 29°C) et dans son déplacement vers l’Ouest, IRMA va progresser vers des eaux de plus en plus chaudes à l’Ouest de 55° Ouest (plus de 30°C).
Le matin du mardi 5 septembre, bénéficiant de conditions environnementales très favorables, IRMA s’est très brutalement intensifié. L'oeil se trouve alors à 0900UTC à 460 km de la Guadeloupe et 630 km des Îles du Nord.
Une reconnaissance avion américaine de la fin de nuit montre que IRMA s’est intensifié jusqu’au stade catégorie 5 avec des vents moyens de 150 kt (280 km/h) près du centre accompagnées de rafales de 185kt (340 km/h).
Sur l’imagerie satellite, il commence à infléchir sa trajectoire qui l'amènera directement sur les Îles du Nord des Petites Antilles. Sur cette trajectoire, les conditions sont encore plus favorables au creusement à l'approche de l'Arc Antillais.
Une reconnaissance aérienne du 5 septembre a permis d’analyser IRMA à l’intensité ahurissante de 160kt (295 km/h) en vents soutenus près du centre avec des rafales atteignant 195kt (360 km/h).
L'intensité atteinte par IRMA dépasse ce qui était prévu par les prévisions. Même si les projections tablaient rapidement sur un système de forte intensité, la catégorie 5 n'était pas envisagée. Les conditions environnementales très favorables permettent d’expliquer cela. D’abord, le potentiel thermique disponible est important, dans la mesure ou l'ouragan évolue sur des eaux sous-jacentes dont la température de la surface est particulièrement élevée (plus de 30°C). Mais c’est surtout dans la situation en haute troposphère que se trouve les explications majeures.
L'ensemble de ces facteurs combinés ont donc conduit à faire de IRMA le cyclone de tous
les superlatifs.
Conséquences de l'ouragan IRMA
Les postes de mesures de Météo France de Saint Martin et Saint Barthélémy s’arrêtent de fonctionner avant le passage de l’œil avant donc que ne survienne la partie la plus intense qui est le quadrant nord-est de l’ouragan. Toutefois, la dernière mesure à la station météo de Gustavia de St Barthélemy indique 244 km/h en vent maximal instantané à 4h07 locale (voir graphique ci-dessous), témoigne de l’intensité du phénomène. Au même moment, on relève 176,8 km/h à l’aéroport de Saint-Jean. Les seuils de 215 km/h sont largement franchis sur les deux îles.
Le passage du mur de l’œil intervenant peu avant 5 h, il est vraisemblable que les rafales aient atteint ou dépassé les 300 km/h.
Les mesures de la station de Météo France à Saint-Martin aéroport s’arrêtent malheureusement bien trop tôt (13 heures locales la veille) mais des données de la station de l’aéro-club de Saint Martin donnent une valeur maximale de vent de 135 kt en rafales soit 243 km/h, quasi identique à la dernière valeur mesurée à St Barthélémy.
Aucun pluviomètre (hors service pendant l’événement), ni de radar local (non présent sur l’île) n’ont permis de mesures directes des précipitations. Une lame d’eau sur 6 h du radar de l’île de la Guadeloupe nous permet de voir le phénomène lors de son passage au plus près des îles du Nord. Les cumuls maxima alors observés (en rose sur l’image) sont de plus de 150 mm en 6 h. De telles valeurs ont des durées de retour anormales pour les îles du Nord.
Compte tenu des pluies extrêmes survenues notamment au passage des murs du cyclone, les inondations majeures par ruissellement se sont additionnées à la submersion marine anormale inondant le littoral qui est déclenchée par l’effet des vagues et de la marée de tempête.
L’arrêt de transmission des données du marégraphe de Saint-Martin à Marigot le 6 septembre à 0800UTC n’a pas permis d’avoir des observations pendant la phase la plus extrême du phénomène. Les mesures ont pu être analysées plus tard. Une surcote de 2,50 m a été mesurée à Barbuda au passage de l’œil. Toutes les simulations faites aux échéances d’approche d’IRMA ont convergé et révélé une surcote totale anormale. Les trains de vagues très grosses (les creux avoisinent 12 m) se sont donc propagés dans les
zones côtières. A l’approche du littoral, la chute de pression atmosphérique au centre de l’ouragan (mesuré à 917hPa à Saint-Barthélémy Aéroport) et le vent de surface soutenu ont entraîné une marée de tempête maximale (simulée de l’ordre de 3 mètres sur la partie nord du littoral) et une élévation du niveau d’eau conjuguée à la réaction dynamique de l’océan. Marigot, Grand-Case et Gustavia ont été particulièrement impactés. C’est donc un événement de submersion marine majeure qui s’est déroulé au passage d’IRMA sur les îles de Saint-Barthélémy et Saint-Martin.
Quant à l’archipel de la Guadeloupe, il aura subi l’importante houle cyclonique d’IRMA, ainsi que des précipitations intenses dues aux bandes convectives spiralées de l’ouragan.
- Aspect exceptionnel de la saison 2017
La saison cyclonique 2017 aura vu 17 cyclones baptisés, ce qui est assez rare. La normale de la période 1981-2010 se situe autour de 12 cyclones nommés par an et le record lors de la saison 2005 est de 28. Voir évoluer 10 ouragans dont 6 majeurs en une saison est également rare mais pas exceptionnel : cela s’est produit 8 fois auparavant sur ce bassin (depuis que les données sur les cyclones tropicaux sont enregistrées), le record étant de 15 ouragans en 2005 dont 7 ouragans majeurs.
Le mois de septembre sur les Antilles a quant à lui été exceptionnel à plus d’un titre : C’est la première fois depuis 1850 que 3 ouragans majeurs menacent et impactent l’arc Antillais sur une même saison. Encore plus exceptionnel : cette activité cyclonique s’est concentrée sur 2 semaines.
On retiendra notamment l'image satellite des ouragans KATIA, IRMA et JOSE, tous présents au même moment, ce qui est assez rare.
Pour IRMA, il s'agit de la première fois qu’un cyclone de catégorie 5 atterrit sur une île des îles de Petites Antilles depuis le début des mesures météo en 1850. Cet événement a été suivi du passage de MARIA, également cyclone de catégorie 5, sur la Dominique. De plus, une intensification aussi rapide que celle de MARIA n'avait jamais été observée aux abords des Petites Antilles. Les ouragans majeurs qui passent proche de ces territoires proviennent de perturbations cap-verdiennes qui ont cheminé sur tout l'Atlantique tropical et se sont intensifié progressivement. Les cyclones barbadiens, qui naissent directement aux abords des Petites Antilles, sont souvent assez délicats à prévoir au niveau de leur trajectoire, mais sont des phénomènes qui d'ordinaire n'atteignent pas le stade d'ouragan majeur.
Dans le bassin Atlantique-Nord, 33 cyclones de catégorie 5 ont déjà vu le jour depuis les années 1920, mais aucun n'avait directement atterri sur une île des Petites Antilles. Dans l'histoire plus ancienne de ces îles, seul le Grand Ouragan de 1780 qui a dévasté la Martinique et fortement touché la Guadeloupe (l’œil serait passé sur Sainte-Lucie) pourrait avoir atteint la catégorie 5 au moment de son passage sur les îles, au vu des témoignages des dégâts et de la violence des vents.
Sources
Note de synthèse du projet C3AF (Météo-France)
Retour interne d'expérience IRMA-JOSE du 11 janvier 2017 (Météo-France)
Rapport CatNat IRMA du 7 septembre 2017 (Météo-France)
Communiqué de presse IRMA du 12 septembre 2017 (Météo-France)
Synthèse chiffrée de la saison cyclonique 2017 (Météo-France)
Cadrages techniques internes IRMA, JOSE et MARIA (Météo-France)
NHC Tropical Cyclone Report IRMA du 9 mars 2018 (National Hurricane Center)
https://www.nhc.noaa.gov/ (NHC, NOAA)
http://www.hurricanehunters.com/mission.html (Hurricane Hunter)
http://www.meteo-spatiale.fr/src/infos_eumetcast-info-104.php (Météo-France)
Remerciements :
Thierry JIMONET, responsable du centre de Météo France de la Guadeloupe.