Libé et sa « une » nous invitant à « se droguer avec modération » !

Mais qu’est ce qui a pu piquer le rédacteur en chef de Libération pour proposer une « une » aussi provocatrice que celle-ci !?

Surtout quand le journal explique s'être associé à une étude internationale qui promeut une connaissance plus approfondie des drogues, légales ou non, et "leur usage raisonné" et que la répression devrait faire place à l'éducation afin "que chacun soit maître de ses addictions", afin d'apprendre à se droguer avec modération !

Si le journal m’explique comment être « maître de ses addictions », je suis preneur !

Mon seul point d’accord se retrouve dans le positionnement du le directeur adjoint de la rédaction de Libération quiavance que le climat répressif qui tourne autour des drogues "empêche tout débat, toute discussion, toute information auprès des usagers (...). Notamment des plus jeunes et des plus vulnérables".

Voici la réaction de Laurent Karila, psychiatre addictologue, publiée sur huffingtonpost.fr :

« Cette une de Libération m'a tout d'abord sidéré. Je suis psychiatre addictologue à l'hôpital Paul Brousse (94) et en aucun cas, je ne pourrai donner mon assentiment à cette injonction: "Droguez-vous avec modération". En aucun cas. Alors, comment pourrai-je avoir envie de la lire? Et mes patients qui souffrent, ont-ils envie de lire cela également? Personnellement, je ne vois pas ce que ce message apporte au grand public, si ce n'est de vouloir susciter des réactions indignées... et de vendre du papier réel ou virtuel...

De plus, d'un point de vue extérieur, les personnes addicts aux drogues ou à l'alcool, nécessitant des soins constituent-elles à ce point une minorité à peine visible? Alors pourquoi, cyniquement, s'adresser à tous les autres, au plus grand nombre, à ceux qui ne souffrent pas de ces addictions?

Autre élément étonnant, le titre est en inadéquation avec la thèse développée dans l'article auquel il se réfère. Cet article s'appuie sur les résultats d'un sondage européen appelé Global Survey qui est un outil informatif intéressant. Et son auteur principal, Adam Winstock, est un psychiatre anglais connu pour son travail, qui a également développé des applications pour mesurer ses consommations de drogues ou d'alcool...

Il a choisi de s'attacher à relever les opinions des internautes sur leur consommation de drogues (bénéfices, risques). Il a principalement interrogé des personnes de 20 à 30 ans, ayant un certain niveau social, insérées, ayant une bonne pratique du Web. Toute cette étude n'est pas sans limitations méthodologiques... Cependant, interroger les usagers me paraît plus que nécessaire. Les résultats de l'étude sont intéressants.

Mais, ce titre ambigu ne fait pas la part des choses entre les différents usages de drogues et entre les consommateurs...

Extrapolons un peu! Sur le cannabis, par exemple, il faudrait un discours clair dans notre pays et que cela ne soit pas seulement un argument politique. C'est un véritable problème de l'ado et de l'adulte jeune en France, pays le plus consommateur d'Europe. Il faut revoir les stratégies déjà mises en place et inefficaces.

La logique de l'abstinence absolue est certes discutée de nos jours avec l'avancée des données de la littérature médicale et de la pratique clinique avec, par exemple, la notion de consommation contrôlée d'alcool et le développement de médicaments allant dans ce sens. Il faudrait aussi que les salles de consommations supervisées finissent par voir le jour, que des travaux autour de programmes de substitution opiacée injectable ou de substitution pour les drogues stimulantes se développent également... La liste peut être longue... Alors, Action!

En analysant un peu plus la Une de Libé, je me dis qu'elle s'inscrit parfaitement dans une politique de réduction des risques mais sur une population concernée et non le tout venant. Un peu comme ce que l'on peut dire aux usagers comme le fait de réduire leur consommation pour éviter des accidents aigus, de conseiller, par exemple, aux cocaïnomanes qui n'ont pas fait de choix thérapeutique de sniffer plutôt que de se piquer, de ne pas partager leur paille etc.

Pourquoi ce choix de titre de la part du rédacteur du papier? Un tel titre peut être interprété de plusieurs façons, susciter un déchaînement passionnel bipolaire, rendant son message ambigu et perdant de son intérêt face aux différentes interprétations que l'on peut s'en faire.

Revoyons plutôt notre politique de Santé Publique autour des Addictions ! Revoyons cette loi de 1970 qui est inadaptée au contexte actuel et qui doit être mesurée en fonction des différents troubles liés à l'usage de substances ! »