Vous avez du entendre les reportages, (radio, télévision, presse écrite...), à juste titre alarmants sur l’alcoolisation des jeunes. Je vous propose de relire deux posts à ce sujet : «Les Français et l’alcool» du 15 avril 2013, et "Binge Drinking et Héroïne, même shoot ?" du 28 avril 2013, ainsi qu’un reportage de BFMTV sur ce sujet :
Difficile d’analyser et comprendre les raisons d’une telle évolution des consommations. Crise, chômage, avenir incertain, banalisation parfois de l’alcool chez les adultes… ? Voici la reprise d’un article de l’AFP qui fait intervenir plusieurs Addictologues de renom, dont le Dr BATEL et le Pr Michel DETILLEUX :
Le constat émane du dernier numéro du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, (B.E.H.), consacré à l'alcool. Marginales jusqu'en classe de 5ème, les ivresses déclarées lors du mois écoulé progressent rapidement jusqu'à la classe de 1ère, passant de 7% à 27% des élèves, rapporte le B.E.H. qui réunit une série d'études.
Chez les étudiants, ce n'est guère mieux : en cinq ans, de 2005 à 2010, ils sont deux fois plus à s'adonner à des ivresses répétées. L'ivresse est précoce et progresse avec l'âge. Ce n'est pas nouveau et c'est presque +physiologique+. Cela suit le processus habituel de l'adolescence, l'expérimentation, a expliqué à l'AFP le Dr Philippe BATEL.
Mais pour ce spécialiste, il y a là deux points marquants :
"Le doublement des ivresses répétées" : elles ne sont plus accidentelles mais désormais programmées, organisées, banalisées, intégrées dans le fonctionnement +habituel+ de l'alcoolisation", et "le retard rattrapé par les filles".
Le Dr BATEL a souligné la "grande inquiétude" que peuvent générer de tels comportements, "car les représentations des dangers sont erronées ou minimalisées chez les jeunes comme chez leurs parents".
Les filles aussi... Les filles ont tendance à se rapprocher des garçons, avec une petite différence : les garçons préfèrent la bière. Si parmi ces dernières les plus jeunes sont encore deux fois moins nombreuses que les garçons à boire régulièrement, ce n'est plus le cas parmi celles de 18 à 25 ans. Dans cette tranche d'âge, le comportement des filles tend à se rapprocher de celui des garçons, avec un doublement des ivresses répétées féminines, (2005-2010).
L'alcool reste de fait la "substance psychoactive la plus précocement expérimentée à l'adolescence", souvent en famille, note le B.E.H. Pour le Pr Michel DETILLEUX, la vraie question est : "quelles sont les conséquences pour ces jeunes ?" : est-ce que cela va altérer leur fonctionnement mental ou les faire verser dans la dépendance en plus grand nombre?". "Le cerveau d'un adolescent est en croissance", a expliqué ce spécialiste. Et "le développement du cerveau se poursuit jusqu'à 20 ans".
Or, "de nombreuses études expérimentales sur des rats sont extrêmement inquiétantes", a-t-il expliqué. Ainsi, selon une étude de l'INSERM, une consommation d'alcool à forte dose à l'adolescence perturbe le développement normal du cerveau et rend les sujets adultes plus vulnérables à l'alcool. L'un des facteurs prédictifs de la dépendance est le début de la consommation régulière, a précisé le Pr DETILLEUX. C'est d'ailleurs depuis longtemps l'un des objectifs des tabacologues de faire reculer l'âge du début de consommation, a-t-il ajouté.
Selon le B.E.H., l'usage régulier d'alcool, (au moins 10 fois lors du mois précédant l'enquête), passe de 3% en 4ème à 24% en terminale.Certes, la consommation d'alcool a diminué de moitié en 50 ans en France, pour autant, attention à l'arbre qui cache la forêt. Car, quel que soit leur âge, "les Français boivent trop !" a rappelé l'Epidémiologiste CatherineHILL, qui, avec ses collègues de l'Institut de Cancérologie Gustave-Roussy, a estimé que l'alcool est responsable de 49.000 morts par an en France, dont près d'un décès sur quatre entre 15 et 34 ans. Accidents, chutes, violences, relations sexuelles non protégées, viols, cancers et maladies digestives, (cirrhoses, hémorragies...), toxicité cardiovasculaire, l'impact de l'alcool sur la société est considérable.
Mais, pour Mme HILL, se focaliser sur les jeunes, les femmes enceintes et les buveurs excessifs, c'est "faire le jeu de l'industrie de l'alcool" en masquant "les effets maléfiques de l'alcool" pour la population qui boit trop. Plus de 100.000 passages aux urgences sont dus à des intoxications éthyliques aigües, dont près de 18.000 concernent des 15-24 ans, (17%), et 25.500 des 40-49 ans, (25%), selon les données 2011 du réseau Oscours. Par ailleurs, les hospitalisations pour troubles liés à l'alcool ont augmenté de 30% en trois ans, selon une récente étude».