Hauts fonctionnaires : certains refuseraient de servir un gouvernement Front national

Marine Le Pen peut-être à l’Elysée. Si la candidate est élue, certains hauts fonctionnaires ont tranché: ils quitteront leur poste. Combien sont-ils à ne pas vouloir servir un gouvernement Front national ?

Un diplomate l’a annoncé publiquement : Thierry Dana, 60 ans, ambassadeur de France au Japon. Au cœur de la campagne électorale, dans une tribune publiée dans Le Monde, il brise son devoir de réserve : « Madame Le Pen, je refuserai de servir la diplomatie du Front National », écrit-il. « La France est conquérante et vous voulez en faire un pré carré. La France est généreuse et vous voulez en faire une boutique repliée sur elle-même.» Un texte salué par l’ambassadeur de France aux Etats-Unis, Gérard Araud, dans un court tweet.

Nous avons contacté plusieurs diplomates, tous ont souhaité garder l’anonymat. Pour certains, le programme de Marine Le Pen heurterait leurs valeurs personnelles :
« si elle est élue, je démissionnerai. Le FN, ce n’est pas un parti républicain pour moi, c’est un parti d’extrême droite et je ne veux pas ça pour mon pays », explique l’un d’eux. Le discours anti-européen de Marine Le Pen est impossible à défendre pour cet autre ambassadeur : « je pense que ce ne sera pas possible d’expliquer aux gens qu’on voit toute la journée que tout ce qu’on a cherché à construire avec eux, on le jette aux orties. Un diplomate, c’est censé être flexible, mais là ce n’est plus de la flexibilité, ça devient de l’équilibrisme et je laisse ça à d’autres. »

D’autres diplomates nous l’affirment, l’élection de marine Le Pen ne serait pas incompatible avec l’exercice de leur mission.

Rester ou partir ?

« Que faire si elle est élue ? » Cette question se pose-t-elle dans d’autres administrations que la diplomatie ?
Nous avons discuté avec un haut fonctionnaire qui travaille avec plusieurs ministères. Lui aussi souhaite rester anonyme : « Qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on reste, est-ce qu’on part ? Moi je ne travaillerais pas une seconde pour un régime d’extrême droite. Il y a une part significative de hauts fonctionnaires qui se mettront en retrait, qui ne se voient pas exercer des fonctions de responsabilité, du type préfets, ambassadeurs ou directeurs d’administrations centrales… et il y a une autre partie non négligeable qui, tout en étant franchement hostile au Front national, dit non, il faut rester pour assurer que la loi républicaine continue à être appliquée.»

Au cœur de la machine de l’Etat, les préfets sont chargés d’appliquer les décisions politiques. Nous en avons sollicités plusieurs. Aucun n’a souhaité s’exprimer publiquement, surtout en période électorale. Mais un proche collaborateur a accepté de se confier, lui est décidé : en cas d’élection de Marine Le Pen, il rejoindrait le secteur privé. Ses craintes? « Si on nous demande d'expulser n'importe qui ou si on nous demande de ne plus accepter les demandeurs d'asile… »

Si certains s’inquiètent, d’autres regrettent les prises de position publiques. Ce n’est pas le rôle d’un haut fonctionnaire, nous disent-ils. L’un d’entre eux, proche de la gauche, tient à rappeler certains principes : « on est dans une situation de démocratie dans laquelle un parti qui est autorisé, qui a déjà beaucoup d’élus dans des exécutifs régionaux et municipaux, se présente. Pour l’instant la démocratie française, elle fonctionne et rien ne dit qu’elle cesserait de fonctionner si Mme Le Pen était élue. »

Il y a quelques semaines, Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères a rappelé les diplomates à leur devoir de réserve et au principe de neutralité.

Publié par L’Œil du 20 heures / Catégories : Non classé