Pendant ses études, un futur médecin croise des enseignants, des professeurs émérites et des labos pharmaceutiques sans toujours s’en rendre compte. Prenons la faculté de médecine de Marseille, l’une des plus grandes de France. Ici travaillent 375 médecins-enseignants. Nous avons cherché leurs liens d’intérêts avec les laboratoires, des déjeuners ou des voyages financés par l’industrie. Résultat : trois quart des profs ont des liens d’intérêts. Depuis 2012, ils ont reçu près de trois millions d’euros d’avantages en nature.
En informent-ils leurs étudiants ? Ceux que nous avons interrogé n’en ont jamais entendu parler. Pourtant, la loi oblige les professeurs à déclarer leurs liens d’intérêt : "Les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises [...] produisant [...] des produits de santé [...] sont tenus de faire connaître ces liens au public lorsqu'ils s'expriment sur lesdits produits". Une loi rarement appliquée reconnait le président des doyens des facultés de médecine.
Certains professeurs jugent mêmes inutile de déclarer leurs liens d’intérêt comme à la faculté de Lyon Sud. Ici, les labos s’affichent sur les murs. La fac s’appelle Charles Mérieux, des laboratoires BioMérieux. Un amphithéâtre porte le nom de Boiron, l’entreprise d’homéopathie. Nous assistons au cours intitulé "le médecin et l’industrie pharmaceutique", le seul obligatoire sur ce sujet pendant les études des futurs médecins. Celui qui fait cours, c’est le professeur Gilles Freyer. Depuis 2012, il totalise 168 contrats avec des entreprises du secteur de la santé.
Repas au restaurant
Averti de notre présence, un étudiant lui suggère d’indiquer ses liens d’intérêt. C’est non. "En faculté, le jour où je fais ça, j’arrête d’enseigner. Si je commence à vous montrer ici que la première des choses à faire c’est de vous méfier, je pense qu’on rentre de plain-pied dans la société de la défiance" dit-il. Pour ce dernier, les étudiants sont trop jeunes pour aborder cette question.
Quand parler des conflits d’intérêt aux étudiants alors ? Très vite à l’hôpital, les étudiants sont exposés aux laboratoires. Ceux à qui nous avons parlé décrivent les commerciaux qui viennent présenter leurs nouveaux produits à l’hôpital et qui offrent le petit déjeuner. Des repas au restaurant, réglés par les labos ou encore leurs thèses financées par l’industrie. Nous avons rencontré une jeune médecin qui termine sa formation. Elle a côtoyé les labos pendant ses études. Elle reconnaît que leur influence peut être redoutable, surtout au moment de prescrire.
Du côté des facultés, on précise travailler sur des contenus pédagogiques pour mieux préparer les futurs médecins.