La « monnaie hélicoptère », l’arme ultime de la BCE ?

BCE

Le 10 mars dernier, la BCE (la Banque Centrale européenne) a présenté une série de mesures – conventionnelles pour redresser l’économie européenne (abaissement de ses taux directeurs). Mais durant la conférence de presse, Mario Draghi a aussi jugé « très intéressante » l’idée iconoclaste d’une « monnaie hélicoptère ». Une solution miracle pour une Europe à bout de souffle ?

La « monnaie hélicoptère » est une idée de Milton Friedman, l’économiste et Prix Nobel, qui en 1969 avait pensé à cette solution radicale pour enrayer la déflation. Dans les faits cette « monnaie hélicoptère » est une distribution d’argent directement dans les comptes en banque des ménages européens dans le but de redonner du pouvoir d’achat et de relancer l’inflation. De manière figurée, les hélicoptères inonderaient les villes par de la monnaie.

La « monnaie hélicoptère », ce n’est pas pour demain

« C’est une idée purement théorique », explique Bruno Colmant, économiste et professeur à l’Université Catholique de Louvain-La-Neuve. « Vous imaginez donner de l’argent aux personnes directement ? Ça n’a pas beaucoup de sens ! Techniquement c’est inenvisageable. Cela veut dire que vous allez créer de la monnaie qui n’est garantie par rien du tout et dont les billets ne sont la contrepartie de rien non plus ! ». Un autre problème serait de voir cet argent versé aux européens être épargné et non consommé, ce qui ruinerait l’efficacité de la cette mesure.

Un coup de communication de la BCE

Mais que Mario Draghi juge l’idée intéressante de la « monnaie hélicoptère », ce n’est assurément pas bon signe pour l’économie de la zone euro. « Ce qui m’a inquiété, c’est que quand la BCE annonce qu’elle va « considérer » cette solution, cela montre la gravité de la situation », avance Bruno Colmant. « À partir du moment où on donne de l’argent aux gens, c’est qu’il n’existe plus d’autres recours pour que la monnaie circule. La politique monétaire est arrivée son terme. »

La menace d’utiliser cette « monnaie hélicoptère »  a aussi une autre vertu : celle de démontrer que la BCE est prête à tout pour faire monter les prix et doper les économies du Vieux Continent. « C’est assurément un coup de communication », constate Etienne de Callataÿ, économiste et professeur à l’Université de Namur. La BCE veut montrer qu’elle n’est pas épuisée et qu’elle est décidée à utiliser l’arme ultime. À la fois, elle avoue au grand public l’échec de ses anciennes mesures tout démontrant qu’elle lui reste d’autres atouts dans sa manche. »

Violation des traités européens

D’ailleurs, si la BCE venait à financer elle-même les états-membres, elle violerait les traités européens qui lui interdisent une telle pratique. « Dans ce cas-ci, nous assisterions à l’abolition entre la politique budgétaire et monétaire », souligne Etienne de Callataÿ. « Les citoyens doivent comprendre que cette mesure serait temporaire et que le financement des états par le BCE ne serait pas éternel. Cependant, l’Europe n’a aucune expérience en la matière, nous sommes plus que jamais en territoire inconnu. »

Thomas Lecloux