"La belle Hélène" séduit aussi le jeune public

L'arrivée de la "galère de Cythère" avec Pâris déguisé C) Maîtrise des Hauts-de-Seine

 

Tous les ans le théâtre des Champs-Elysées présente un spectacle pour les jeunes publics. Une version adaptée pour eux, évidemment. Cette année c'est "La belle Hélène" de monsieur Jacques Offenbach....

Un théâtre comme celui des Champs-Elysées a rarement l'occasion de se réveiller à dix heures du matin dans un tel brouhaha. Et tant pis pour les derniers arrivants, des classes encore qui ne peuvent plus s'asseoir à l'orchestre, il est plein, à la corbeille, pleine aussi, et qui doivent vite filer vers le premier balcon, car Hélène va apparaître. Les plus jeunes regardent la salle, fascinés ou inquiets. Les plus âgés (treize ou quatorze ans) se donnent des airs d'habitués, ce qui est peut-être le cas: l'initiative des spectacles pour le jeune public a déjà été prise l'an dernier avec l' "Enfant et les sortilèges" de Ravel; et les écoles, de Paris ou de banlieue, qui y avaient assisté se sont réinscrites en masse.

UNE ADAPTATION INTELLIGENTE

Sauf que cette année, c'est "La belle Hélène"; et si "L'enfant et les sortilèges" durait le temps idéal que supporte l'attention d'un enfant (50 minutes), "La belle Hélène", c'est bien plus long. L'adaptation a donc été faite de manière très intelligente: on entend le maximum d'airs, pour la plupart des "tubes", mais un seul couplet à chaque fois au lieu des deux ou trois de l'original.

Elle est belle, Hélène (Alix Le Saux) C) Maîtrise des Hauts-de-Seine

Elle est belle, Hélène (Alix Le Saux) C) Maîtrise des Hauts-de-Seine

COMMENT RACONTER CETTE HISTOIRE D'UNE REINE QUI TROMPE SON MARI?

D'être là m'amusait d'autant que j'ai chanté "La belle Hélène" dans un groupe d'opérettes il n'y a pas si longtemps (je faisais "le bouillant Achille") et qu'outre le plaisir de la réentendre, mais cette fois depuis un confortable fauteuil, je me demandais bien comment raconter à de jeunes et pures oreilles cette histoire d'une reine qui, sans scrupules et sous prétexte que c'est "la fatalité", trompe son époux avec le premier berger venu, simplement parce qu'il est beau gosse.

Eh! bien, la réponse est simple: on ne change rien à l'histoire, on fait confiance aux enfants pour ne pas voir malice aux choses, en plus cette reine un peu fofolle et ce roi (Ménélas) en costume blanc qui passe son temps à glisser de son canapé par terre, ils ne ressemblent pas à papa et maman.

(Ou ils leur ressemblent trop mais là, on est dans "Génial, mes parents divorcent!")

DES CLASSES PREPAREES DEPUIS OCTOBRE

Les classes et les écoles en question, comme celles que j'avais à côté de moi, des élèves de CM 2 de la rue Sorbier, dans le 20e arrondissement, se sont préparés à cette sortie depuis octobre avec leur professeur de musique, ou avec leur institutrice qui leur a expliqué, on suppose, la guerre de Troie, la géographie de la Grèce, les différents dieux grecs et romains. Et le joli livret qui est distribué leur permettra après coup de réviser les fondamentaux de cette lointaine histoire.

Calchas couvert de fleurs: si vous le reconnaissez? C) Maîtrîse des Hauts-de-Seine

Calchas couvert de fleurs: si vous le reconnaissez? C) Maîtrîse des Hauts-de-Seine

HELENE EN ROBE DOREE, PÂRIS EN FASHION BERGER

Donc les lumières s'éteignent puisque Hélène arrive. On est dans un décor stylisé de palais blanc très "Grèce des meilleurs designers", aux jolies colonnettes rouge et blanc. Les costumes sont blancs aussi, contemporain chic, avec quelques coiffures plus étranges, style boîte de nuit à Benidorm. Hélène est en robe dorée, tous les interprètes sont juvéniles, Ménélas, lui, un peu plus âgé avec une belle barbe sombre. Pâris a une jolie tenue de fashion berger et, quand il revient déguisé en oracle de Vénus, il a des chaussures lumineuses et un blouson scintillant qu'il ouvre sur un T-shirt, "I love Paris". Ce genre de clin d'oeil bon enfant passe sans doute au-dessus de la tête des plus jeunes mais réjouit les plus vieux comme moi! En revanche ils adorent les glissades de Ménélas, les selfies du grand oracle Calcas et la très bonne idée de transformer le "concours des rois de la Grèce" en... battle.

JOYEUSE MISE EN SCENE ET JEUNES CHANTEURS DE TALENT

Cette mise en scène, signée Julien Girardet et musicalement orchestrée par Gaël Darchen et David Thénard, est joyeuse et bien adaptée au public, sans jamais en exclure les plus grands; elle se double d'une qualité musicale très louable, sous la houlette de Gaël Darchen lui-même, aussi attentif à ses musiciens en formation réduite qu'à ses nombreux choristes et chanteurs. Dommage qu'Alix Le Saux, qui se montre en Hélène une fine comédienne, ait un vibrato dans les aigus pas vraiment agréable et qui pollue son chant; la ligne vocale n'est pas non plus toujours fluide. Car les autres sont globalement très bien: le Ménélas barbu, un Calcas fort jeune, une bien jolie Oreste (Oreste est chanté par une mezzo) Pâris, à la tessiture très tendue, exige une voix de ténorino: le Pâris du spectacle passe joliment en voix de tête, malgré parfois quelques dérapages, mais sa technique est évidemment encore perfectible. On aurait envie de le réentendre, comme certains autres, si l'on savait leur nom. Mais il semble que la politique suivie soit de ne pas nous les communiquer, car ils ne seraient pas des professionnels, ce qu'est Alix Le Saux. Ce sont des mystères qui nous dépassent un peu, et qu'on ne comprend guère.

UN CHOEUR RAVISSANT MAIS FAIRE CHANTEUR, C'EST PAS FACILE

J'a gardé le choeur pour la fin. Il est très présent dans "La belle Hélène" et je n'ai que des compliments à faire à la jeune Maîtrise des Hauts-de-Seine qui fait preuve d'enthousiasme, de talents dans la chorégraphie (la très belle idée des bras qui se tiennent pour symboliser la galère de Vénus avançant vers Nauplie), et d'une très grande musicalité. A cet égard, le "C'est le devoir des jeunes filles..." du début, chanté uniquement par les voix de femmes, est absolument ravissant.

Hélène exaspérée par Ménélas; derrière, Calchas et Agamemnon C) Maîtrise des Hauts-de-Seine

Hélène exaspérée par Ménélas; derrière, Calchas et Agamemnon C) Maîtrise des Hauts-de-Seine

A peine ai-je noté un peu de confusion à la fin de l'acte 1 dans les enchaînements du fameux "Pars pour la Crète", tout ce petit monde se reprenant très bien à la fin du 2. Ces finals d'Offenbach sont toujours délicats car le choeur et tous les solistes chantent en même temps avec des petites phrases parlées qu'il faut caler, et cela réunit les difficultés rythmiques du théâtre et vocales de l'opéra. Rien toutefois pour que je boude mon plaisir. Plaisir que pourront partager les grands adultes, avec leurs propres enfants ou non, vendredi 10 mars à 20 heures: la représentation sera spécialement pour eux! Les autres sont pour le public scolaire mais on nous a promis que pour l'année prochaine il y aurait plus de représentations "pour tout le monde"

Et à la fin on a tous repris le dernier choeur, "Pars pour Cythère, pars pour Cythère" que les enfants de chaque école avaient eu mission d'apprendre.

Avec des bonheurs divers. Comme nous ont dit Samuel et Matthieu: "Faire chanteur, c'est pas facile. Et alors chanteuse...!"

"La belle Hélène" d'Offenbach, mise en scène de Julien Girardet, adaptation musicale de Gaël Darchen et David Thénard. Soli, Choeur d'Unikanti et Maîtrise des Hauts-de-Seine, Ensemble instrumental des Hauts-de-Seine sous la direction de Gaël Darchen. Représentation tout public le 10 mars à 20 heures, représentations pour les scolaires les 14, 17, 22, 23 mars à 10 heures, 10, 16, 20, 24 mars à 14 heures. Théâtre des Champs-Elysées, Paris

Et voici enfin la jolie Oreste! C) Maîtrise des Hauts-de-Seine

Et voici enfin la jolie Oreste! C) Maîtrise des Hauts-de-Seine