Pour la "Folle journée", mes coups de coeur dansés

Les musiciens de l'Oural dans leur Folle journée/ AFP PHOTO / LOIC VENANCE

C'est un choix personnel, évidemment. Voici pourtant quelques oeuvres, incontournables est un bien grand mot, en tout cas que j'aurai un immense plaisir à réentendre et à vous conseiller, en-dehors de toutes celles que je vous ai citées dans mon précédent article.

 

Ravel: tout sauf le "Boléro"

Contrairement à ce qu'indique la brochure, on cherchera en vain le "Boléro". Mais on est surpris, dans le cadre d'une programmation comme celle-ci, de voir combien l'oeuvre de Ravel fait appel à la danse, lui qui avait un physique sec de danseur de flamenco, ce qu'il n'était pas. On entendra évidemment son unique ballet, "Daphnis et Chloé" (dir. Pascal Rophé, jeudi, 19 heures) mais aussi "La Valse" (dir. Dimitri Liss, vendredi, 11 heures) comme les moins connues "Valses nobles et sentimentales" (mercredi, 18 heures, par l'Ensemble Da Camera). Les danses anciennes sont à l'honneur, le peu joué "Menuet antique" (dir. Pascal Rophé, vendredi, 19.15), la "Pavane pour une infante défunte" (Quatuor Eclisses, vendredi 11 heures et samedi 10.45; dir. Valérie Payet avec le conservatoire de Nantes, concert gratuit samedi, mais tôt: 9 heures 15). "Le tombeau de Couperin", avec sa gavotte ou son rigaudon, ce sera samedi par la jeune pianiste Nathalia Milstein, à 15.45. Enfin la "Rhapsodie espagnole, tout ou partie, avec sa habanera et sa feria, par le duo de pianos Jatekok (mercredi 19 heures, jeudi 14.15) ou par la Philharmonie de Nantes (dimanche, 11.45). Mais pas le "Boléro"...

Chausson: Concert op. 21

Pour sa merveilleuse "Sicilienne" si tendrement balancée et tout le reste de ce chef-d'oeuvre ambitieux pour piano, violon et quatuor à cordes et parce que Chausson est un immense compositeur. Par Dumay, Neuburger et les Modigliani -belle affiche! (samedi 15.45) et dans une étrange version vraiment concertante par le... Trio Chausson (samedi 16 heures -c'est malin!) Dans le même genre les si délicats et poétiques "Masques et bergamasques", une suite ancienne de Fauré (vendredi, 9.30, avec Philippe Cassard qui jouera des concertos de Mozart, Mendelssohn et Ravel, dir. Nicolas Simon)

Richard Galliano sera là aussi C)GEORGES GOBET

Richard Galliano sera là aussi C) GEORGES GOBET

Rachmaninov: Danses symphoniques

Une oeuvre orchestrale très ambitieuse, de la longueur d'une symphonie, qui est le testament de Rachmaninov et montre qu'il est bien autre chose qu'un pianiste. Mais c'est son univers, sa mélancolie, sa troublante morbidité et l'inspiration d'un homme qui savait manier l'orchestre aussi bien que le piano (enfin, presque...) (dir. Andris Poga, mercredi, 19.15, et Frédéric Oster, samedi, 10.15)

Bach: suites pour violoncelle seul

Ce monument du violoncelle n'est jamais autant "Suites de danses", semble-t-il, que dans les suites 2 et 5 de cet ensemble de 6. On les entendra donc jusqu'à plus soif, en se livrant à des comparaisons entre excellents violoncellistes français: Anne Gastinel (mercredi, 20.30), Ophélie Gaillard (jeudi, 14.15), Xavier Phillips (jeudi, 21 heures), Henri Demarquette (lui, on ne sait pas: la 2? La 5? Il jouera aussi la magnifique sonate du Hongrois Kodaly!). Enfin un Russe, pour conclure: le grand Alexandre Kniazev (dimanche, 20.45, le dernier concert de cette "Folle journée"). Notons aussi que Gérard Caussé jouera la 5e suite dans une version pour alto (jeudi, 19.45). Dans le même genre, "Bach le danseur", un programme très explicite par le splendide et austère claveciniste Pierre Hantaï (vendredi, 21.30, samedi, 21.45, dimanche 20.15) Et Francesco Tristano qui jouera les "Suites françaises 1, 2 et 3"... à sa manière

Debussy; danse sacrée, danse profane

Dans le style archaïsant de la Grèce antique (ce que l'on en imagine) une exquise partition d'une dizaine de minutes, commande de la maison Pleyel qui voulait développer un certain type de harpe. La harpe qu'on entendra peu dans ce programme, sinon, par ses ruissellements, dans "Le lac des cygnes". Profitons-en pour aller découvrir en plus un jeune harpiste français, Sylvain Blassel, sûrement de grand talent (avec l'excellent Quatuor Psophos, dimanche, 16.30)

Enesco: Rhapsodies roumaines

Là encore il y a quelque chose de bizarre, puisque ce sont des oeuvres annoncées et qu'on n'entendra pas. Ou quasiment pas. Sinon, partiellement et dans une version violon-piano par des membres du Trio Karénine (samedi, 9.30) Dommage pour nous, pour Enesco, grand violoniste avant tout mais aussi excellent compositeur dont les "Rhapsodies roumaines", très accessibles, sont un grand bain de nostalgie est-européenne composé de magnifiques mélodies populaires!

Boris Berezovsky, un incontournable de la Folle journée C)AFP PHOTO / FRANK PERRY

Boris Berezovsky, un incontournable de la Folle journée C) AFP PHOTO / FRANK PERRY

Dvorak: Trio "Dumky"

C'est une des partitions des plus inspirées de Dvorak, comme son trio n°3 (celui-ci est le numéro 4). La "dumka" est une danse populaire venue d'Ukraine jusqu'en Bohème mais aussi une mélodie mélancolique. Dumka, furiant, les oeuvres des compositeurs tchèques sont irriguées de ces rythmes si particuliers (souvent à contre-temps), et comme on n'entendra ce Trio qu'une seule fois (avec les Karénine et l'oeuvre d'Enesco, samedi 9.30), on élargira l'écoute aux compositeurs hongrois (Bartok et ses "Danses populaires roumaines") ou aux "Mazurkas" de Chopin: toute cette Europe centrale et orientale regorge de mélodies ou de danses villageoises (Bartok et Kodaly étaient partis les recueillir, en ethno-musicologues), sous divers noms, alors que la valse, pourtant proche géographiquement, (dans la version Johann Strauss) était, elle, de caractère aristocratique et bourgeois.

Honegger: Le roi David

Oratorio rare (d'Honegger, on entend davantage "Jeanne au bûcher" qui a permis de briller à des comédiennes-récitantes, Marthe Keller, Isabelle Huppert, Marion Cotillard) Il y a pourtant un comédien-récitant dans "Le roi David", j'ai souvenir de Jean-Louis Barrault dans un enregistrement légendaire dirigé par Charles Munch. Donné deux fois sous la direction de Daniel Reuss (samedi, 12.45, dimanche 15 heures) "Le roi David", d'une puissance et d'un souffle... honeggeriens verra l'inconnu Christophe Balissat dans le rôle de Barrault, et quelques bons solistes suisses... comme l'était Honegger.Brahms: Liebesliederwalzer et Neues (nouveaux) Liebesliederwalzer

Ou, littéralement, "valses en forme de chants d'amour". Par l'ensemble vocal de Lausanne, dirigé par Daniel Reuss (vendredi 17.15, dimanche,12.30), le choeur de Lettonie (pour les "Neues liebesliederwalzer", samedi, 12.30), le choeur du Conservatoire de Nantes et Valérie Fayet pour un mélange des deux (samedi, 14.45). Oeuvre merveilleuse, peu donnée (elle exige un quatuor de voix qui se marie amoureusement ou des choeurs ad hoc), qui fait d'une valse une déclaration d'amour. A rapprocher de l'autre merveille de Brahms, les brèves "Valses opus 39" (Hervé Billaut et Guillaume Coppola, vendredi 9.30), guirlandes de rythmes continus en forme de 16 mini-valses. Brahms, auprès de Johann Strauss, lroi de la valse?

Le fameux "Kiosque à musique" où se succèdent les interprètes C) FRANK PERRY

Le fameux "Kiosque à musique" où se succèdent les interprètes C) FRANK PERRY

Khatchaturian; Danse du sabre// Borodine: Danses polovtsiennes

Je les réunis parce qu'elles seront souvent données ensemble: dirigées par Andris Poga (samedi, 22.15, dimanche, 17.30 et 19.45 dans les concerts de clôture diffusés par Arte) Les "Polovtsiennes" dans leur version deux pianos (Duo Jatekok, mercredi 19 heures), la "Danse du sabre" dans une version violon-piano (Olivier Charlier-Emmanuel Strosser, dimanche 19 heures) ou dirigée par Dimitri Liss (dimanche 14 heures), dans un concert où Boris Berezovsky jouera le peu joué, et très facile d'accès, concerto pour piano. Les "Danses polovtsiennes"; c'est incontournable tellement cela nous prépare à l'Orient, mais cela nous préparera aussi à ce "Prince Igor" donné à l'Opéra-Bastille durant la saison 2018-2019 pour connaître enfin dans quel contexte elles se jouent! Khatchaturian est un peu oublié. Sa musique est populaire, facile d'accès (un péché selon certains), il est surtout victime d'avoir été considéré en Occident comme un des compositeurs officiels de l'Union Soviétique. C'est injuste car même là-bas on le regardait avec un peu de suspicion: trop défenseur de son Arménie pour un pouvoir qui détestait les régionalismes, assimilés à des tentatives de sédition. Cette "Danse du sabre", dans sa sauvagerie rythmique, est incontournable, comme le serait (mais on ne la donne plus) la suite du ballet auquel elle appartient, "Gayaneh". Ballet qui pourrait faire une alternative intéressante, pour nos danseurs de l'Opéra, en matière d'exotisme, à la "Raymonda" de Glazounov.

CELA M'INTRIGUE

  • Un concert du très bon pianiste israélien Matan Porat qui réunit Bach et Bartok. C'est assez inédit, la confrontation promet: des Partitas de l'un, des danses roumaines, bulgares, hongroises de l'autre. Pour bien commencer ce samedi, dès 10 heures.
  • Un quatuor à cordes, le second, de Szymanowski, le plus grand polonais après Chopin. Une oeuvre jamais jouée (et même enregistrée?), qui le sera par quatuor Psophos. Avec un John Adams inconnu, "John's Book of Alleged dances" (samedi, 21.15)
  • Et justement la musique répétitive ou minimaliste américaine sera très présente. Avec John Adams ("The chairman dances"), avec Steve Reich ("Music for eighteen musicians", jeudi 21 heures, vendredi 21.15) et Phil Glass ("Concerto-fantaisie pour deux timbaliers et orchestre", et une oeuvre du japonais Ishii pour taïko, une sorte de tambour, samedi 15 heures)
  • Des monuments latinos atypiques: la "Misa Tango" de Martin Palmeri, direction Gérard Baconnais, mercredi 21.30 et jeudi, 19.30, une vraie messe composée par l'Argentin sur des airs de tango. Et sur le même principe, celle de Luis Bacalov (samedi, 17 heures). Dans le même genre le très vaste "Romancero gitano" de Castelnuovo-Tedesco par l'excellent Ensemble vocal de Nantes que Gilles Ragon a repris en main (samedi, 20.45)
  • Cela va bientôt commencer! C) Jacques Loic, Photononshop

    Cela va bientôt commencer! C) Jacques Loic, Photononshop

POUR LES ENFANTS

On privilégiera plutôt, me semble-t-il, en tout cas pour ceux que la musique n'a pas encore saisis, les concerts où il y a beaucoup de pièces courtes: différentes valses, des marches, des chansons populaires. Par exemple le "Chants et danses d'Europe centrale" de Joël Suhubiette (samedi, 14 heures), les marches de la Musique de l'Air (vendredi,12.45, dimanche 13 heures) Et, pour les petites filles, "Le lac des cygnes", "Casse-Noisetrte", etc (même une ou deux danses!). Dommage que nos merveilleux chanteurs d'oiseaux, Johnny Rasse et Jean Boucault soient si tard (vendredi 22.15, samedi 22.45 Il y a heureusement dimanche à 15 heures) Reste enfin ces concerts d'un étrange instrument, le marimba: on découvrira son interprète, Simone Rubino, dans un programme de Bach à... Xenakis (vendredi 11 heures, samedi, 10.45) Je signale enfin qu'il y a, le vendredi, beaucoup de concerts avec des tarifs de 4 euros pour les scolaires; trop long de les citer tous, il y en a pour tous les goûts, sous toutes les formes, dans toutes les salles, mais du matin au milieu de l'après-midi (16 heures au plus tard)