Défait à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon tente de se refaire sur le code du travail ! Il est à nouveau en selle ! Le découragement n'a été que passager, le porte-drapeau de la France insoumise repart à l'assaut. Persuadé de figurer au second tour de la "mère" des élections - il s'est finalement classé quatrième au premier tour -, Mélenchon a répété, en boucle, qu'il avait raté le coche... à "600.000 voix près". Les législatives lui ont mis du baume au coeur.
A la tête d'un groupe de 17 députés, l'ex-sénateur PS occupe le devant de la scène depuis le début de la XVe législature de la Ve République. Il multiplie les "coups médiatiques", parle du député Cédric Villani (La République en marche, Essonne), détenteur de la médaille Fields, comme du "matheux à qui on va expliquer le code du travail", arrive dans l'Hémicycle sans cravate, en forme de provocation, mais son port n'est pas obligatoire, fait brandir, tel le "petit livre rouge" de Mao, le code en question par sa troupe, au terme de sa réponse à la déclaration de politique générale du premier ministre...
Au locataire de Matignon, Edouard Philippe, il veut montrer où se trouve sa "vraie opposition". Déjà, il avait pris la main, en refusant de participer avec les députés insoumis, à la convocation du Parlement en Congrès, à Versailles, où le président de la République s'était exprimé un jour avant le chef du gouvernement pour "fixer le cap". Estimant probablement indécent d'avoir à répondre à Emmanuel Macron hors de sa présence - comme le fixe ppourtant la Constitution -, il avait préféré boycotter le Congrès et inviter ses partisans sur la place de la République, à Paris.
La présidente du FN a raté tout ce qu'elle a entrepris
Mélenchon se veut sur tous les fronts. Dans l'Hémicycle et en dehors. A l'Assemblée et dans la rue. Comme la nature a horreur du vide, le chef de file des insoumis veut le combler. Et prendre toute la place. Il aurait tort de se priver au vu de l'état des oppositions. Tout autour de lui, les opposants à la majorité macroniste sont en mille morceaux. Les socialistes, toutes tendances confondues, ont perdu pas loin de 90% de leurs effectifs. Le parti "Les Républicains" a éclaté en deux entités, une Macron compatible et une Macron incompatible trois fois plus puissante. Le Front national, privé d'alliance, s'est fait lessiver et se retrouve avec huit députés... non inscrits.
Alors que le secrétaire général du parti d'extrême droite, Nicolas Bay, promettait de "faire du bruit comme 100" avec huit députés, le FN fait du bruit comme huit. Et encore. Il fait surtout du bruit comme une. Mais il se trouve que sa figure de proue, Marine Le Pen, sa présidente, a raté tout ce qu'elle a entrepris depuis six mois. Elle devait faire 30% au premier tour de la présidentielle et sortir en tête. Elle ne devait faire qu'une bouchée de Macron lors de son face-à-face télévisée avec lui dans l'entre-deux-tours. Elle devait constituer un groupe autonome à l'Assemblée et devenir la principale opposante au chef de l'Etat.
Rien de tout cela ne s'est réalisé. Et pour tenter de le faire oublier, la patronne de l'extrême droite polarise l'attention sur un changement de nom du parti et une guerre larvée avec Florian Philippot, son vice-président, sur le point central du programme du FN, la pierre angulaire du projet souverainiste : l'abandon par la France de l'euro. Tout ce tintamarre est pain béni pour Mélenchon qui voit ainsi s'éloigner de la scène une rivale pour le titre de meilleur opposant. Il s'engouffre dans la brèche et il anesthésie un Front national devenu inaudible.
La CGT acceptera-t-elle de perdre son rôle de locomotive ?
Sur la gauche, il contemple l'éparpillement du PS. Avec un contentement certain. Largement aidé par la stratégie de Macron, Mélenchon est parvenu à ses fins : anéantir la représentation socialiste dans l'opinion. Alors que le Parti socialiste a perdu ses deux finalistes de la primaire de gauche - Benoît Hamon et Manuel Valls -, une guerre de chapelles est en train de prendre forme et aucun dirigeant ne semble en capacité d'imposer son leadership pour recoller les morceaux. De ce côté là aussi, le chef de la France insoumise à la champ libre, pour le moment.
Avec le Parti communiste, qui a formé son propre groupe distinct à l'Assemblée, les relations ne sont pas au beau fixe. C'est le moins qu'on puisse dire. Peu confiant dans les dirigeants du PCF à qui il reproche, implicitement, leur "opportunisme", Mélenchon veut les prendre de vitesse. Il sait que le "Parti" dispose encore d'un réservoir d'élus et d'une structure militante, certes très amoindrie, mais qui savent être efficaces quand la mobilisation sociale est nécessaire. En se plaçant, avant les vacances d'été, comme le champion anti-Macron, il veut donner le "la" à l'appareil du PCF et apparaître comme le leader naturel de la contestation contre la réforme du code du travail.
En clair, Mélenchon souhaite être le phare de l'opposition dedans et dehors. Dans l'Hémicycle et dans la rue. Il veut tenir les deux bouts de la chaine. A côté de la "bataille verbale" à l'Assemblée nationale, il compte diriger aussi la contestation dans la rue, quand le temps sera venu. A l'automne. C'est pourquoi, il multiplie les rassemblements de rodage sur le pavé. Comme ce sera encore le cas le 12 juillet. La question finale est de savoir si la CGT acceptera de gaité de coeur de perdre son rôle de locomotive. De se défaire d'un rôle dont elle estime qu'il lui revient naturellement. Et de droit. Pas sûr.