Avec Détonations, Tsutomu Takahashi (Soul Keeper, Bakuon Rettô) nous entraîne dans un Japon interlope où tout se règle par la violence. Une œuvre profondément sombre et émouvante qui nous a bouleversés.
Ça parle de quoi
Sur l’île d’Hokkaïdo, l'existence du jeune Satoru semble uniquement rythmée par le bruit d’une balle contre un mur, celle que lance chaque mercredi Genji Segawa, son vieux voisin alité. Gravement malade, il lui confie un jour être mourant et lui propose un marché. Contre cinq millions de yens, cet ancien yakusa lui demande d’abord de mettre un terme à ses souffrances en le tuant avec son arme. Ensuite, il lui suggère de rendre visite aux familles des trois hommes qu’il a buté alors qu’il était yakuza pour leur faire une offrande. Réticent, le jeune Satoru finit par accepter cet étrange marché, conscient que ce drôle de contrat moral risque de le faire basculer dans une vie de violence.
Pourquoi on adore
"Noir, c’est noir, il n’y a plus d’espoir" chantait feu Johnny Hallyday, et nul doute que ce sentiment doit être partagé par Tsutomu Takahishi dont l’œuvre tout entière se distingue par son incommensurable noirceur. Dans Détonations, sa série terminée en trois tomes au Japon en 2015, le prolifique mangaka aujourd’hui âgé de 53 ans nous entraîne dans un vortex de violence pure. En cavale, Satoru découvre un quotidien sordide et brutal peuplé de personnages en marge où l'alcoolisme, la drogue et la prostitution sont légions. Mais dans son désir de mener à bien la requête de Genji, comme un but ultime à son existence désœuvré, le jeune garçon va peu à peu se métamorphoser et finir par trouver sa propre raison de vivre après une rencontre qui va bouleverser son existence.
Livré à lui même jusqu’alors (on ne sait rien de ses parents ou de sa famille), Satoru va prendre sous son aile Daigo, une jeune femme transgenre et son neveu Kaiya. Sous d'épaisses couches d'un noir bien opaque, Takahashi continue malgré tout de croire en l'amour. Notre salut viendra des autres, même si le prix à payer peut être effrayant. Un récit grave et triste sublimé par le trait ultra nerveux du mangaka qui s'éclate avec sa galerie de gueules cassées. Seul regret, que le personnage de Daigo soit considéré tout au long du récit par le traducteur (à moins que ce ne soit l'auteur ?) comme un homme et non comme une femme. C’est vraiment dommage, d’autant qu'on ne cesse de louanger cette collection Pika Graphic qui fait beaucoup de bien au manga en France en proposant aux lecteurs des titres en grand format avec une couverture souple, et donc toujours abordable.
C’est pour vous si..
Vous ne voulez pas vous lancer dans un série à rallonge. Détonations se clôt en deux très beaux volumes (soit environ 600 pages) et se dévore d’une traite. A réserver aux amateurs de polars poisseux qui ne craignent ni les scènes de violence, ni le sang (même en noir et blanc).
Détonations de Tsutomu Takahashi, série terminée en deux tomes, coll. Pika Graphic aux éd. Pika, environ 304 p. et 20 euros le tome.