La BD de la semaine : "Alexandrin ou l'art de faire des vers à pied", la poésie au quotidien

Chaque année, la rentrée littéraire offre aux lecteurs la nouvelle production de la loufoque romancière, Amélie Nothomb. Au même moment, et avec la même régularité quasi métronomique, le dessinateur et scénariste Pascal Rabaté délivre la sienne, côté bandes dessinées. Evidemment, l'analogie s'arrête là, et pas juste en raison des écarts de volumes de vente. Car, qu'il soit fait en solo ou avec un dessinateur de talent, le Rabaté nouveau est toujours un très bon cru et Alexandrin ou l'art de faire des vers à pied ne déroge pas à la règle.
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Ça parle de quoi ?

Alexandrin de Vanneville est un poète itinérant. Engoncé dans son long manteau à carreaux bleus, il arpente routes et rues en faisant du porte-à-porte. Oui, Alexandrin est SDF, mais plutôt que la mendicité, il a choisi, pour subsister, de démarcher. Son objectif : échanger quelques vers contre une petite pièce ou un repas. Un jour, sa route va croiser celle de Kevin, un adolescent en fugue qu’il va prendre quelque temps sous son aile. Tout en le préservant de la violence de la rue, il va lui inculquer quelques astuces et, surtout, l’art de faire rimer précarité avec joyeuseté.

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Pourquoi on adore ?

On savait Pascal Rabaté habile avec les mots. Après ses truculents dialogues à la Audiart dans La Déconfiture (dont le second tome paraîtra aux éditions Futuropolis en début d’année prochaine) et les expressions populaires avec lesquelles il jongle avec dextérité dans Vive la marée ! (avec David Prudhomme, chez le même éditeur), le voici donc poète. Car Rabaté imagine son héros doté d’une étonnante singularité (même pour un poète) : il ne s’exprime qu’en faisant des rimes. Un exercice de style que l’auteur tient parfaitement tout au long du récit et qu’on ne peut que saluer. C’est subtil, souvent drôle, et cela accentue l’émotion suscitée par la drôle de rencontre entre Alexandrin et Kevin.

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Au dessin, on retrouve Alain Kokor, pourtant habitué aux albums en solo. Avec la sensibilité que ses lecteurs lui connaissent, il crayonne avec une fausse simplicité un élégant clochard qu’il rehausse de teintes délavées, adoucissant la triste réalité.

Car Rabaté l’avoue à la fin de l’album. Cette histoire lui a été inspirée par une furtive rencontre avec un alter ego d’Alexandrin, dont il a conservé les deux poèmes. En hommage, il lui a inventé une jolie vie. Dure certes, mais débordante de charme. Une vie inspirante qui nous susurre à l’oreille que la poésie est partout, tout le temps, pour celui qui sait prendre le temps.

C’est pour vous si…

Vous pensez qu’on peut parler de marginalité sans misérabilisme et que le deuxième tome d’A coucher dehors, d'Aurélien Ducoudray et AnLor, sorti récemment aux éditions Bamboo et qui met en scène des SDF, ne vous a pas convaincus.

 

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Alexandrin ou l’art de faire des vers à pied d’Alain Kokor (dessin) et Pascal Rabaté (scénario), éd. Futuropolis, 96 p., environ 22 euros.