Déradicalisation en prison - le début du commencement

©PHOTOPQR/LE REPUBLICAIN LORRAIN ; Thionville 02 juin 2015.Dossier sur la « déradicalisation » des jeunes jihadistes . Stop-djihadisme.gouv.fr. Le site officiel du gouvernement contre le terrorisme et les réseaux djihadistes et l'embrigadement djihadiste. Photo Julio Pelaez (MaxPPP TagID: maxnewsworldthree765442.jpg) [Photo via MaxPPP]
©PHOTOPQR/LE REPUBLICAIN LORRAIN ; [Photo via MaxPPP]

©PHOTOPQR/LE REPUBLICAIN LORRAIN ; Thionville 02 juin 2015.

Comme c'était attendu, le groupe terroriste Daesch a diffusé, la semaine passée, ses vidéos de propagande revendiquant les attentats de novembre dernier, sur le sol parisien.Sans aller jusqu'à parler de hasard du calendrier, expression qui rapprocherait des évènements "classifiables", l'administration pénitentiaire a lancé, le 25 janvier dernier, ses premières unités dédiées "contre la radicalisation en prison".

L'histoire récente nous a démontrée qu'une partie de la radicalisation trouvait sa source dans les établissement pénitentiaires. Une réaction s'imposait Il aura donc fallu construire quelque chose qui n'existait pas. Et c'est ce qui a été fait à Osny (95), qui a donc servi, par certains aspects, de laboratoire, avant d'étendre un dispositif avec ces unités, désormais en place à Fresnes, Osny, et Lille, avant ouverture prochaine à Fleury-Mérogis.

Certes, je me dis que l'on tâtonne encore... difficile de savoir quels seront les résultats. Il s'agit, avant tout, de cerner les profils et, individuellement, d'avoir une approche qui ne vise pas, à proprement parler, d'un matraquage psychologique qui n'aurait aucun sens.

On dénombrerait à ce jour environ 700 détenus susceptibles d'être concernés par ce désendoctrinement (j'ai une préférence pour ce terme, plutôt que "déradicalisation", qui véhicule quelque chose de très négatif, dès le départ).Les unités dédiées intégreraient quelques dizaines de détenus, parmi ceux dont on peut estimer qu'il y a quelque chose à tenter, afin de les réinsérer, au départ dans des unités pénitentiaires dites "classiques" puis, à l'issue de leur peine, dans la société.

Il ne va pas falloir attendre de ce programme qu'il soit "magique", et que tous, presque du jour au lendemain, saluent les mérites de la démocratie française. D'abord, parce que tous ne sont pas concernés par le programme. Mais aussi, forcément, parce qu'il y aura nécessairement un taux, plus ou moins important, d'échec.

Pourtant, il faut bien tenter quelque chose. La très grosse majorité de ces détenus seront, à plus ou moins long terme, libérés. Donc, potentiellement dangereux. C'est la première chose. Pour cela, il faudra donc que tous les maillons "jouent" le jeu de la communication. Je pense notamment aux magistrats chargés de l'application des peines, à ceux qui gèrent la détention, et bien évidemment à toute la hiérarchie de l'administration pénitentiaire... Tous ces gens vont devoir se parler, et surtout ne rien se cacher. Sous peine d'erreur quant à certains profils. Aux conséquences potentiellement importantes.

Ne nous voilons pas non plus la face; les prisons, et le prosélytisme qui y sévit, tendant vers le radicalisme, ne sont que la partie immergée de l'iceberg! Et probablement, avec toute la difficulté de ce que cela représente, ce sur quoi il est encore le moins complexe de travailler. les détenus sont présents, surveillés, quasi "à disposition". Le recensement de ceux qui sont concernés est à la portée d'une administration qui s'en donne les moyens.

La lutte contre la radicalisation: l'un des plus gros défi d'un futur proche

Il en est tout autre à l’extérieur. Nous devons être en capacité de "cibler" les foyers d'endoctrinement, donc les isoler de ceux qui seraient susceptibles de succomber à l'appel de ces néfastes sirènes. Et c'est précisément là un autre chantier que notre société doit mettre en branle. Il faut, à la fois lutter contre le terrorisme qui sévit en France, en identifiant ceux qui complotent, c'est une nécessité. Les juger au regard de ce qui peut leur être reproché l'est tout autant C'est le rôle des services de police et de justice que de s'y atteler. Mais il faut aussi s'occuper, en amont, de ceux dont on peut se dire que l'esprit est perméable aux discours idéologiques empreints de déstruction.

Pour cela, il va falloir se poser les bonnes questions. Qu'est-ce qui fait que notre société puisse voir certains jeunes hommes, ou femmes se retourner contre la France? C'est peut-être l'analyse la plus difficile à faire, puisqu'il s'agit d'une auto-critique. Et que celle-ci risque de se perdre dans les clivages politiques. C'est pourtant un des champs d'action qu'il va falloir occuper. Sans intervenir en amont, nous ne ferons toujours qu'écoper un bateau qui prend l'eau.

"il ne s'agit pas de la radicalisation de l'islam, mais de l'islamisation de la radicalité".

La phrase est intéressante et mérite que l'on s'y arrête. C'est Olivier Roy, spécialiste de l'islam, qui l'a livrée. Cette jeunesse, en perte totale de repères, se tournait, il y a quelques années encore, vers la délinquance "classique" voir, pour les plus ardus, vers la criminalité organisée. Il semblerait que cela ne suffise plus. Il y aurait, chez ces révoltés, un besoin d'appartenance, à quelque chose. Ce quelque chose vient nécessairement en remplacement de ce qui a été perdu. Peut-être la famille. Peut-être aussi, plus généralement, le lien qui lie une génération avec son pays.Et, tout cela trouve, dans les conflits qui se jouent sur le continent africain, un prisme qui renvoie, à la fois, cette possibilité d'appartenance à quelque chose, tout en luttant contre ce qui les a "déçu" voir rejetté. Que ces raisons soient objectives ou non, d'ailleurs. Cette violence peut donc s'exprimer par le biais de la religion, qui apparait comme un vecteur.

Un essai clinique

C'est typiquement ce que fait l'administration pénitentiaire. D'ailleurs, on peut aussi se rendre compte que c'est la première fois que des moyens vraisemblablement importants, sont mis en place pour lutter contre ce qui est, en plus d'un endoctrinement psychologique, une forme de récidive, pouvant avoir des conséquences dramatiques. Peut-être cela sera-t-il aussi l'occasion d'étendre ce dispositif à d'autres typologies de condamnés! Puisque, une chose est certaine, l'on ne sait pas lutter contre la récidive. Mais, probablement que par là, une question de moyens aura eu raison de quelque idée.

Quoi que l'on pense du programme qui va être mis en œuvre, et même pour ceux qui pensent ces détenus "irrécupérables", je dirai qu'il faut bien tenter quelque chose. La très grosse majorité des individus concernés sont susceptibles d'être libérés dans les cinq prochaines années. l'on ne peut donc rester les bras croisés. Au risque de connaitre des situations bien pires que celles de cette année 2015. Et j'ai toute confiance dans ceux qui ont été choisis pour mener ce projet à bien. Je ne doute pas qu'ils sauront tirer conséquence de ce qui marchera ou non, et qu'ils adapteront leur dispositif qui ne pourra qu'être en perpétuelle amélioration.

Que chacun joue sa partition. Et on avancera.