Retrouver son enfant après les vacances passées (avec son père), c'est toute une affaire.
Ça démarre par une séquence émotion avec les cœurs serrés et les cents bisous d'affilée qui valent tout l'or du monde.
Puis vous prenez le RER, vous vous installez avec valises et cadeaux et l'enfant se contrarie dont on ne sait quoi, peut-être mon refus de déballer le maxi cadeau de son père dans le wagon, c'est précieux et fragile, l'endroit n'est pas approprié. En face, je n'ai plus qu'une mine renfrognée, des "pffff" et des "t'es pas sympa" et tout va de travers jusqu'à la maison.
Chacune de mes questions sur les vacances reçoit en réponse le minimum syndical monosyllabique et mes remarques agacées soulèvent des "oh c'est bon j'ai compris!" totalement déplacés qui mériteraient plus que mes calmes "tu ne me parles pas comme ça, je vais me fâcher". Mais je me dis qu'elle a beaucoup vu ses cousins dont un ado, qu'elle vient de quitter son père et toute sa famille paternelle et que, ma foi, elle a le droit d'avoir un peu les glandes. Je tire donc les valises, les cent-vingt mille cadeaux et ma gosse dans les couloirs du métro tel l'âne bâté pour oublier que moi aussi j'ai sacrément les glandes.
A la maison, le sapin penche sévèrement et les boules dorées traînent sur le sol, "on pourrait l'illuminer ensemble une dernière fois avant de le défaire, non?" Ce à quoi on me répond : "ben moi je le déferai pas!" qui me fait monter les abeilles comme on dit, mais je ne dis plus rien justement : puisque tout est si contrariant, mieux vaut se taire. Noël est bel et bien enterré.
Il faut boucler les derniers devoirs, l'école reprend demain, et c'est des soupirs sans fin à te tirer les larmes, des "j'y arrive pas" et des "c'est chiant" qui me font bondir. L'enfant comprend que ça sent le roussi mais n'a pas baissé les armes.
Le "qu'est-ce qu'on mange?" insupportable et le scandalisé "Quoiiiii? Oh non pas de la soupe!" finissent d'achever ma supra-sainte patience. Elle est y est donc arrivée, à me faire sortir de mes gongs. Un "Tu la vois venir, ta rouste?" glacial fait cesser les hostilités et nous passons donc notre dîner de retrouvailles en silence le nez dans nos assiettes.
Il a fallu longtemps, longtemps, ce soir là, avant que la poulette se jette dans mes bras en me disant des mots d'amour d'enfant, manière de s'excuser, le chagrin de séparation d'avec son père passé. Ou manière aussi de reprendre pied dans le quotidien, la routine, notre petit train train bien rôdé de famille solo dont elle avait tout oublié.