A la piscine dimanche matin je n'étais pas seule. Dans le vestiaire - mixte - des hommes et des femmes, accompagné-e-s de leurs enfants, s'affairaient. C'était joyeux du côté des bambins, dans l'impatience d'être déjà dans l'eau. C'était attentionné et vaguement inquiet du côté du papa ou de la maman. Des impératifs tendres. Des conseils plutôt que des ordres, des souhaits plutôt que des exigences. "Ne courez pas", "Nina, attache-toi les cheveux", "Prenez une douche", "Attends ton petit frère "... Dans le bassin des grand-e-s, il y avait aussi un papa et sa fille, elle devant lui nageant la brasse. J'ai nagé avec eux, les yeux frappés par le soleil de la verrière à chaque prise d'air. Une fois, Nathan petit m'est apparu, en slip bleu, avec ses lèvres violettes et ses cils gouttes d'eau. Il a dix-sept ans à présent. A l'heure où je nage, le dimanche, il en est à la moitié de sa nuit.
A aucun moment je ne me suis demandé de quels bras s'étaient arraché-e-s ces papas et ces mamans. Ils pouvaient très bien dormir seul-e-s, ils pouvaient aussi dormir avec quelqu'un-e. Dormir avec un amour de leur sexe ou de sexe différent, peut-être même avec un-e autre qu'ils/qu'elles n'aimaient plus tout à fait mais avec lequel/laquelle ils/elles dormaient encore "parceque". La seule chose que je peux dire, c'est que je n'ai vu que des parents attentifs au bien-être et à la joie de leurs enfants. Comment les avaient-ils faits ? Je ne me suis pas posé la question non plus, et quand cette maman, dans le vestiaire du retour, le bonnet sur la tête et les lunettes autour du cou, a souri à mon attendrissement, j'ai souri de plus belle. Deux mamans se souriaient et c'était tout.
L'ouverture de la procréation médicale assistée aux lesbiennes, attendue en France depuis longtemps, est promise à nouveau par l'exécutif. Son entrée en vigueur acterait le fait qu'en 2018 toutes les femmes pourraient donner la vie en toute légalité et en toute sécurité. Donner la vie quelle que soit leur orientation sexuelle.
Après l'aval du comité d'éthique, c'est au tour des politiques de se prononcer. A quand les mots des expertes en la matière, les mots de ces femmes ensemble, mamans et amoureuses ? A-t-on déjà vu une assemblée de chats débattre des vies des souris ? Dans les semaines qui viennent, je m'en vais donner ici la parole à celles qui vivent au quotidien leur vie de maman et d'homosexuelle. A suivre.
"Et une femme qui portait un enfant dans les bras dit,
Parlez-nous des Enfants.
Et il dit : Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même,
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
(...)
Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L'Archer voit le but sur le chemin de l'infini, et Il vous tend de Sa puissance
pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
Que votre tension par la main de l'Archer soit pour la joie;
Car de même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime l'arc qui est stable.
Khalil Gibran, Le Prophète.