ll fallait au Nouvel Obs sa dose mensuelle de Macron. La dernière fois, c'était il y a longtemps, le 5 janvier dernier. 40 jours sans lui. Six lettres vous manquent et la Une est dépeuplée. Cette fois-ci, ce sont dans les pages culture que nous retrouvons Manu Iscariote, avec une interview accordée à Jérôme Garcin. C'est sûr que ce n'est ni avec Hollande ni avec Sarkozy que Garcin aurait pu avoir ce genre de discut. Avec notre candidat anti-système, élève des classes préparatoires du très anarchique lycée Henri IV, tout aussi réputé pour ses audaces pédagogiques et idéologiques que ne l'est l'ENA, tout de suite ça a une autre gueule. Une autre gueule dans le genre gueule de bois.
Après avoir dragué au début du mois de septembre dernier les prêtres engagés contre le mariage pour tous, voici donc notre Manu continuant la pêche aux gros poissons de la droite conservatrice, en déshérence depuis la trahison du candidat Fillon. Et le moins que l'on puisse écrire, c'est que le chemin électoraliste n'est pas toujours pavé de bonnes intentions. La dernière de Manu, toujours plus empressé de faire oublier qu'il en a été du quinquennat de François Hollande, c'est d'épingler l'une de ses "erreurs fondamentales", selon lui, qui a consisté à «ignorer une partie du pays qui a de bonnes raisons de vivre dans le ressentiment et les passions tristes. C'est ce qui s'est passé avec le mariage pour tous, où on a humilié cette France-là. " Entre repentance et affranchissement, Manu ose tout, c'est à ça qu'on le reconnaît d'ailleurs.
Emporté par sa magie mystique indécente, @EmmanuelMacron a-t-il oublié la fonction qu'il occupait en 2013 ? #ONLR https://t.co/0k70ep2aFi
— La Manif Pour Tous ن (@LaManifPourTous) 16 février 2017
Pour une fois, et je crois que ce sera la seule et l'unique fois, me vient à l'esprit la même question que celle que se pose LMPT. Manu, où étais-tu en 2013 ? Plus exactement où étais-tu entre le début du mois de novembre 2012 et le mois de mai 2013 ? Pas encore ministre du gouvernement Hollande, c'est vrai, mais depuis le 15 mai 2012, secrétaire général adjoint de l'Élysée. Où étais-tu pendant ces neuf mois où le gouvernement - via sa ministre de la Justice Christiane Taubira - a accouché dans les heurts d'une loi nécessaire, juste et égalitaire ? Sans doute depuis ta maison du Touquet avais-tu les oreilles ensablées et les yeux bandés pour ne pas voir ni entendre
- Les slogans, les témoignages, les interventions humilant-e-s et injurieux-ses des partisan-e-s de La Manif pour Tous
Un triste aperçu, pour plus on court ici #teamhumiliés (que je préférerai hastagué #teamhumilié-e-s)
https://twitter.com/search?q=%23teamhumilies&src=tyah&lang=fr
- Les Frigide Barjot invitées partout, des émissions sur les chaînes publiques comme ONPC laisser pendant cinq ans la parole à un Eric Zemmour, d'abord en binôme avec Eric Naulleau puis ensuite invité régulièrement pour présenter ses ouvrages
- Les témoignages d'hommes et de femmes humili-é-es, insulté-e-s, agressé-e-s parce qu'homosexuel-les, humiliations, insultes, agressions boostées par c la déferlante de LMPT, perçue comme une invitation à lâcher les chiens. Le rapport annuel sur l'homophobie est plein de ces témoignages, il est consultable en ligne ici
- La condamnation de Christine Boutin, présidente du Parti Chrétien démocrate jusqu'en mai 2013 pour avoir traiter l'homosexualité d'"abomination" ?
Manu, toi qui aimes tant les Belles-Lettres, toi l'écrivain à ses heures perdues (selon l'heureuse expression de cet enragé de Léon Bloy), toi le spinoziste évoquant "les passions tristes" de nos manifestants-tes pour tous et toutes - c'est-à-dire la haine, la peur, l'anxiété, l'acédie à l'inverse de la posture du sage cultivant la joie, l'affirmation de la vie et non la rumination de la mort - ne me fais pas croire que tu ne connais pas le sens du verbe "humilier"
Humilier, v.t : Faire apparaître quelqu'un (dans tel ou tel de ses aspects) comme inférieur, méprisable, par des paroles ou des actes qui sont interprétés comme abaissant sa dignité. Synon. rabaisser; anton. exalter, glorifier, louer
Humilier, c'est rabaisser, mettre à terre, écraser. Il n'y a que les cathos intégristes pour aimer cette posture. Humilier, c'est un verbe aussi de la vulgate chrétienne : s'humilier devant Dieu, faire l'aveu de son humilité face au Très-Haut
"Humiliez-vous devant le Seigneur et il vous élèvera.» Jacques 4.10
« Humiliez-vous donc sous la puissante main de Dieu, afin qu’il vous élève au temps convenable » Pierre 5.6
Le verbe parle à ceux et celles qui ont les passions des grenouillères et des bénitiers. Qu'à cela ne tienne. Premier de tes commandements électoralistes : Tu parleras leur langue. Et tant pis pour la vérité. Elle s'en remettra.
En attendant je me souviens. Le 23 avril 2013, au soir d’une journée de travail, nous nous laissions traîner jusqu’à la place Tibourg par notre fils Nathan qui venait d’entrer en sixième. Il faisait beau. La loi Taubira venait d'être adoptée par l'Assemblée nationale. Les cafés et les restaurants étaient pleins. De longues tablées s’alpaguaient. Ni triomphalisme ni drapeaux. Mais les bons mots et les rires comme des fusées. Par pudeur, on se réjouissait d’avoir obtenu le droit de divorcer. A côté de nous dînait une famille : les enfants dessinaient sur le papier de la nappe, papa et maman les renseignaient sur les raisons de la liesse générale. Avec bienveillance et tendresse.
De retour à la maison, sur une chaîne d’infos en continu, des hommes et des femmes s’accrochaient aux grilles de l’Assemblée nationale, la bave de l’invective aux lèvres. Des images d’une France divisée plutôt que d’une France réunie, c‘était sans doute plus vendeur. La semaine suivante, Nathan de retour chez son père, demandait à y retourner. "Là-bas, sur la place où tout le monde était heureux." avait-il dit. Humilié-e-s mais heureux-ses.