États généraux de l’alimentation : l’agro-industrie en première place !

A écouter le ministre de l’Agriculture, les États généraux de l’alimentation permettront de trouver « des accords qui soient valables, durables et qui servent les filières ». Mais à y regarder de plus près, entre petits producteurs, industriels et consommateurs la négociation semble un peu... déséquilibrée. Certains prennent plus de place que d’autres…

Les États généraux, ce sont plusieurs tables rondes présidées par 21 personnalités. Parmi elles : quelques parlementaires, une association de consommateurs, mais surtout : 10 représentants de l’agro-industrie, très bien placés pour défendre leurs intérêts.

Prenez l’atelier 5. Son intitulé : « Rendre les prix d’achat des produits agricoles plus rémunérateurs pour les agriculteurs ». Qui le préside à votre avis ? L’un des patrons de Danone, François Eyraud, et Serge Papin, le PDG de Système U. Un industriel et un patron de supermarché pour défendre les agriculteurs… Sodeh Hamzehlouyan, militante associative, n’en revient toujours pas :

« Quand on écoute les syndicats majoritaires et les interprofessions, ils parlent des Français en disant “les marchés”, dénonce celle qui a participé à l’atelier 5 et qui défend les petits producteurs dans les réseaux Amap. Ils sont déconnectés par rapport aux besoins de la population. On est en colère et déçus. »

Un lobby du blé pour parler bio

Dans d’autres ateliers, l’agro-industrie avance parfois masquée. Rémi Haquin par exemple. Il copréside l’atelier 3, sur l’économie bio. Dans son communiqué, le ministère le présente comme le patron d’Adivalor, une entreprise spécialisée dans le recyclage. Mais surprise, Rémi Haquin est aussi vice-président de l’Association générale des producteurs de blé (AGPB), le principal lobby des céréaliers. Pas franchement les meilleurs défenseurs du bio selon les ONG.

« Je suis pas là en tant que membre de l’AGPB !, se défend l’intéressé. C’est pas parce que je suis producteur de blé que je devrais être interdit de cet atelier. De toute façon, l’équilibre on n’y est pour rien. »

Et le top 3 des organismes les mieux représentés est…

L’équilibre, ou plutôt le déséquilibre, nous l’avons calculé. Nous nous sommes procurés la liste des 800 participants. Voici le podium :

  • 1er ex-aequo : l’Ania, principal lobby de l’agro-industrie
  • 1er ex-aequo : la FNSEA, syndicat majoritaire des agriculteurs, connu souvent pour ses positions productivistes
  • 3ème : le CLIAA, qui regroupe les interprofessions agricoles

Loin derrière, on retrouve la société civile, beaucoup moins représentée. Nous avons montré ces chiffres à Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture :

« Moi ce qui m’intéresse à la fin, c’est pas de savoir si on avait une ou deux personnes de trop dans tel ou tel groupe, c’est que chacun ait pu poser un diagnostic », évacue-t-il.

Le diagnostic des associations et des petits producteurs le voilà : ils viennent d’envoyer une lettre à Emmanuel Macron pour qu’il prenne mieux en compte leurs propositions. On saura dans son discours ce mercredi si le chef de l’État l’a lue...

Publié par L’Œil du 20 heures / Catégories : Non classé