Quatre petites contrariétés de la rentrée

D'accord, la rentrée s'est bien passée, l'école est chouette, mon fils a plein de projets et ma fille ne semble pas être traumatisée de ne plus être dans la classe de ses copines pestouilles. Mais est-ce une raison pour ne pas râler ? Certainement pas.

1Je perds du temps

Je voulais trouver le moyen de gagner cinq minutes sur le chemin de l'école, histoire d'arriver plus tôt au boulot. Évidemment, cette année, la classe de ma fille se trouve dans le bâtiment le plus éloigné, à l'étage, tout au fond du couloir. Évidemment.

2Etiquette et imprimante

Comme stipulé dès cet été par écrit, je me suis fais chier à mettre des étiquettes sur tous les feutres et les stylos de ton fils. Je souligne qu'il y a des jeux sur iPhone dans lesquelles ce genre d'épreuve m'aurait valu de décrocher un badge et de passer au niveau supérieur. Pas à l'école élémentaire. A l'école élémentaire, le jeudi soir, les parents ont eu un "devoir à la maison" : donner deux photos des vacances à leur enfant pour le vendredi matin. Ou comment se retrouver à prier ton imprimante en chemise de nuit pour que le magenta ne lâche pas, là, maintenant.

Et puis, c'est une obligation légale de prendre des photos quand t'es parent ? Et puis, si des gamins ne sont pas partis en vacances, ça va leur coller la honte ! Et puis... Putain imprime, s'il te plaît l'imprimante, il est 23 heures, j'ai passé ma soirée avec toi et je veux dormir.

3Chaussons à la con

Déjà, il faut une paire de chaussons pour entrer dans la classe. Chaque matin, c'est l'embouteillage dans le minuscule couloir pendant que les maternelles enlèvent leurs chaussures et que les parents transpirent dans leur manteau. Je passe sur les photos ridicules faites tout au long de l'année avec les enfants en jolies tenues, mais en pantoufle Mickey ou à pois roses. Non, ce qui m'agace, c'est que cette année, il faut aussi une paire de rythmiques pour la gym. Sachant que ma géante a changé quatre fois de pointure l'année dernière et a refusé deux autres paires parce que "ça tenait trop chaud" et "ça faisait mal là", je suis exaltée à l'idée de passer mon budget vin blanc du vendredi soir dans des chaussons immondes.

4Couvertures torture

Franchement en emballage cadeau, j'assure. Je peux même les faire sans scotch si on me donne un ruban et un peu de temps. Mais ces saloperies de trucs plastifiés dont on doit recouvrir les livres est une invention de pervers. Ça cloque, ça glisse, ça plisse... Au bout de dix minutes, j'ai envie de déchirer le livret de français en deux et on en parle plus. Après tout, a-t-il vraiment besoin d'apprendre à lire ? Et si je l'emballe avec du papier alu, ça passe ?

Et vous, qu'est-ce qui vous a fait râler cette année ?

Ce blog est en sursis

Ce blog est en sursis. D'accord, j'ai déjà fait mon coming-out : je ne suis plus tout à fait une mauvaise mère. Mais ce blog est en danger pour une autre raison. Le temps qui passe et qui fait grandir mes enfants. Alors qu'hier mon fils était encore ce bébé glouton qui me réveillait à 6 heures du matin et vomissait dès qu'il toussait, c'est aujourd'hui un joli petit garçon à lunettes qui a appris à lire et est obsédé par le jeu Angry Bird Star Wars (oui, un esprit maléfique et mercantile a pensé à réunir les deux EVIDEMMENT).

Déjà, je suis obligée d'expliquer à mon enfant pourquoi je passe plus de temps que lui devant un écran ("Pourtant maman, tu me dis que les écrans, ça rend le cerveau liquide non ?"). Bientôt, il sera en mesure de déchiffrer ce que j'écris sur lui. Et, dans trois ans, il googlisera mon nom et découvrira que j'ai tenté de m'enrichir en riant de lui dans un livre ou deux (et qu'en plus, j'ai lamentablement échoué à gagner beaucoup d'argent). Que se passera-t-il à ce moment-là ? Benoît, un lecteur adepte du site jeuxvideo.com, m'avait écrit il y a quelque temps pour me le demander :

"Comment pensez-vous qu'ils vont prendre tout ce que vous pouvez écrire sur eux et sur les enfants en général ? Ils vont finir par grandir suffisamment pour aller sur internet seuls et donc voir que leur mère, et aussi leur père dans une moindre mesure, ont admis aimer moins leurs enfants quelques fois et qu'ils ont été exaspérants dans certains cas. Selon le moment où ils vont le découvrir, cela pourrait être relativement terrible pour eux, non ?"

Terrible angoisse. Il est certain qu'un jour mes enfants passeront au crible toutes les notes que j'ai écrites sur eux. Il faudra peut-être que je supprime ce blog pour éviter de leur faire trop de peine, une vanne au second degré n'étant pas toujours très accessible aux moins de 18 ans (y'a qu'à me voir aujourd'hui, j'ai encore beaucoup de mal à comprendre). J'imagine la prise de tête au repas du soir en mode : "Comment as-tu pu écrire que je me perçais les boutons !" En imaginant qu'il y ait encore des repas du soir. Sans parler des potes qui vont débusquer l'anecdote de ses 2 ans et demi pour le couvrir de honte.

Récemment, mon boss me demandait si je connaissais des blogs de maman d'ado, et je me suis rendu compte que je n'en avais jamais entendu parler. Certainement parce que je n'en suis pas encore à ce stade. Mais aussi... Va raconter la vie de tes mômes alors qu'ils sont en mesure de stalker tes faits et gestes en ligne, voire de hacker tes comptes.

C'est donc une certitude, ce blog est en sursis. Un jour prochain, pas encore daté, je devrai cesser d'écrire pour ne pas les empêcher de vivre leur propre vie. Dans l'idéal il faudra aussi que je supprime ce que j'ai déjà écrit.

Adolescente, j'ai eu un journal intime. J'ai, dans un carton, une dizaine de cahiers qui racontent mon émoi en croisant un certain garçon dans les couloirs du collège, mes disputes avec mes copines, la première fois que j'ai fait le mur, les livres que j'ai préférés, le jour de mon dépucelage ou ma dérive après m'être fait larguer. J'y ai disséqué mon quotidien pour tenter de le comprendre, de le dépasser aussi, et enfin de m'en souvenir sans mensonge.

Alors, au fond de moi, je ne peux pas m'empêcher d'espérer que mes enfants se foutent de mon blog, puis qu'ils comprennent que ce journal pas très intime est la chronique d'un long et passionnant apprentissage de mon rôle de mère. De la façon dont j'ai tenté de comprendre cette nouvelle identité, de la dépasser et de m'en souvenir.

Merci M. Miyazaki

Il a un nom imprononçable et travaille à l'autre bout du monde, mais il fait partie du vôtre. Hayao Miyazaki, 72 ans, maître de l'animation japonaise, prend sa retraite. Vous avez sûrement montré l'un de ses dessins animés à vos enfants et, vous ne le savez peut-être pas, mais il vous suit depuis votre enfance.

C'est à lui qu'on doit les meilleurs épisodes de Sherlock Holmes et vous avez certainement croisé Conan, le fils du futur dans le Club Dorothée, capable, entre autres, de tuer un requin pour sauver son amie Lana.

Bref, s'il fait partie de ma vie depuis longtemps, j'ai gravé son nom dans ma mémoire le jour où j'ai vu Princesse Mononoké. J'avais trouvé l'homme idéal : il cumulait goût du merveilleux, force des convictions, romantisme total.

Alors qu'on nous rebat les oreilles depuis vingt ans avec Le Roi et l'oiseau, soi-disant chef-d'œuvre français, j'ai découvert une façon magnifique de raconter les histoires, très différente de ce que fait Disney, et d'une efficacité stupéfiante. Un monde merveilleux s'ouvre dans chaque film, d'une originalité sans cesse renouvelée. Qui peut se targuer d'inventer un hydraviateur transformé en cochon, des petits esprits de la forêt à la tête tournante ou encore un poisson magique qui choisit de devenir petite fille par amour ? Cerise sur le gâteau, les héros de Miyazaki sont souvent des filles. Pas des princesses, mais des héroïnes responsables, capables de faire bouger les lignes, de se battre pour elles-mêmes et pour les autres plutôt que de se contenter d'être belle, de chanter et d'être sauvée par un prince charmant (suivez mon regard).

Chez Miyazaki, un tsunami, la recherche d'un mystérieux animal dans la forêt ou une petite sorcière qui ne parvient plus à faire décoller son balai, c'est déjà une histoire passionnante qui mérite d'être racontée avec tous les détails nécessaires. Il nous dit que tout peut devenir une aventure et le soin qu'il apporte à la musique et la bande-son en général (bruits de la nature, choix des voix pour les enfants) la transforme en épopée. Peu importe s'il y a beaucoup d'herbe qui ondule, de maisons alsaciennes et toujours quelque chose de l'Europe des années 30.

Plusieurs fois, mon cinéaste préféré a déjà annoncé qu'il raccrochait. Mais il a toujours fini par reprendre un crayon. Je ne désespère donc pas qu'il m'offre encore quelques films inoubliables.

Depuis ma découverte de Princesse Mononoké, j'ai renoncé à séduire monsieur Miyazaki et j'ai rencontré le père de mes enfants. S'ils n'ont pas encore regardé l'angoissant Voyage de Chihiro, ils connaissent et adorent ses autres films. Alors ne laissez pas les vôtres passer à côté de cette magie. Dix ans plus tard, je continue de rejoindre les monstres sur le canapé quand ils commencent un Miyazaki. Je resterai toujours un peu amoureuse de Hayao.