Homo dyslexicus

ross.jpgTricératops, ptérodactyle, gallimimus, tyrannosaure... Quelqu'un peut m'expliquer comment mon fils, que je soupçonne d'être dyslexique comme sa mère, arrive miraculeusement à citer une dizaine de dinosaures à 3 ans et demi, alors qu'il a encore du mal à articuler son prénom? Il inverse tous les "teu" et les "keu" dans ses phrases les plus banales, mais lorsqu'il parle Jurassik avec son père, rien ne manque. Et celui qui m'écrit dans les com's que le tricératops a vécu au Crétacé et pas du tout pendant l'ère jurrassique sera black-listé d'office de ce blog. Faudrait pas trop me faire chier le mézozoïque, non plus.

Bref, quand je prends un peu de recul, je m'aperçois que mon fils ne sait pas jouer au foot, qu'il pleure quand son cousin plus jeune que lui le taquine et qu'il kiffe les monstres d'il y a 220 millions d'années. Ça me rappelle quelqu'un mais qui? Ah oui, Ross, dans Friends. Bizarrement, dans mes rêves, je n'avais pas imaginé mon fils en Ross. "C'est mieux que Joey", m'a répondu mon frère.

 

Mon stress de maman

Ils ont mené l'enquête auprès de 2000 mères et déteminé très exactement la minute à laquelle elles étaient le plus stressées. A 8h25. A 8h25, on est déjà en retard à l'école, les enfants râlent de se faire houspiller, avec un peu de chance la petite a fait caca juste avant de partir et on va devoir feindre l'étonnement au moment de la déposer chez la nounou, et en plus on n'a pas eu le temps de se maquiller entièrement et on ne sait vraiment pas quand on pourra finir l'oeil droit. Bref, la gueule asymétrique et laissant un léger fumet sur notre passage, on slalome entre les crottes de chien avec la poussette.

Enfin, c'est ce qu'ils disent dans l'étude britannique. Une étude judicieusement commandée par une marque de pneu qui souligne les risques décuplés de collision.

Moi, je voudrais plutôt parler des cinq minutes avant et du quart d'heure après. Les cinq minutes avant, c'est quand je tache d'enfiler sa combi à la petite qui hurle pendant que le grand enlève son blouson, le jette par terre et court se cacher sous le bureau, c'est quand je transpire dans mon manteau pour choper le grand pendant que j'attache la petite dans la poussette tout en me demandant si j'ai pris mon portable-mes-clés-le bip-ma carte de métro, c'est quand arrivée au rez-de-chaussée, je me rends compte que j'ai oublié le doudou au 6e... C'est là que je stresse parce que j'ai l'impression qu'on n'arrivera jamais à partir. Une fois dans la rue, il me reste toujours la possibilité de courir et si j'écrase une déjection canine, je pourrais toujours régler ça sur le paillasson de l'école maternelle. Je plaisante. Enfin, le cas de figure ne s'est pas encore présenté.

Mais vers 8h45, quand je redescends de chez la nounou et m'envole vers les aventures professionnelles de la journée, loin des régurgitations et des privations de dessins animés, je crois que c'est mon plus grand moment de légèreté. Il est peut-être encore plus savoureux que l'instant où les mômes sont enfin couchés et où je peux me repaître d'Internet.

 

Le club des warriors

On a toutes une ou deux amies exceptionnelles qui ont accouché sans péridurale, sans qu’on sache si ça relève du courage ou de la folie. Ma copine bio (les couches lavables, c’est elle) avait choisi sa maternité en fonction de ça. «Je pourrai accoucher accroupie ou debout, et sans péridurale.» Parce qu’accoucher accroupie, c’est vachement plus naturel qu’allongée, rapport à l’expulsion.

Mon autre amie warrior n’a pas eu le choix, elle. Elle a mis bas en Slovénie, et là-bas, ils ne la pratiquent pas, la péridurale. Une anesthésie pour un accouchement, mais pour quoi faire madame? Un antalgique après l’épisio, mais pour quoi faire madame?

infirmiere.jpgQuand même, j’aimais bien cette idée d’un accouchement naturel. C’est plus rapide, on a une totale maîtrise de la chose, et je connaîtrai peut-être les joies de l’orgasme de la naissance. Moi qui fantasme sur l’allaitement longue durée (rendue impossible en raison de mon alcoolisme larvé, quel dommage) et la préparation à l’accouchement par le yoga, ça me parle, les choses naturelles.

Et ben la semaine dernière, j’aurais baisé les pieds de n’importe quelle personne venue m’annoncer une césarienne, là, dans la minute. Après un déclenchement, vingt-quatre heures de contractions et une nuit blanche, le scalpel me semblait la façon la plus naturelle de mettre fin à mon calvaire. D’ailleurs, Rachida Dati s’en est très bien sortie.

Parce que de péridurale, il n’était d’abord pas question : mon col (de l’utérus, pour ceux qui ont du mal à suivre) était toujours fermé. Alors, j’ai continué à insulter la terre entière et un peu le futur papa quand il m’a proposé de «serrer sa main quand j’avais mal». J’ai aussi souhaité une colite hépatique à mon beau-père quand il a téléphoné pour me demander de me retenir jusqu’au lendemain, comme ça, la petite naîtrait le même jour que son arrière-grand-mère.

Puis quelques (longues) heures plus tard, quand je suis descendue en salle de naissance, la sage-femme a fait «oups».  Finalement, j’étais dans la dernière phase du travail. «On peut faire ça toutes les deux très rapidement», m’a-t-elle susurré, excitée à l’idée de faire un accouchement naturel (ou d’être libérée pour l’heure du déjeuner, va savoir). NAAAAAN, je veux la péridurale, je veux la péridurale. Parce qu'elle est gentille quand elle dit «toutes les deux», mais c'est pas elle qui est sur la table.

Finalement, ils n’ont jamais eu le temps de me poser l’anesthésie. Il ne me restait plus qu’à « libérer la femme sauvage qui est en moi », comme disait ma prof de yoga. Alors j’ai poussé mes cris de guerrière en répétant «C’est pas mon choix, moi, je voulais la péridura-a-a-a-le».

Voilà comment j’ai rejoint le club des warriors. Sans le vouloir.