Congé parental et couches : j'ai demandé à un père s'il préférait s'occuper "de problèmes plus compliqués"

Mon homme et son fils dans un moment "un peu compliqué". © Emma Defaud

Attention, une loi sur l'égalité homme-femme arrive sur le devant de la scène, on va encore prendre cher. La loi remanie entre autres le congé parental, le scindant en une période de deux ans et demi pour le deuxième enfant au lieu de trois. Seul le deuxième parent (les regards se tournent vers les messieurs) pourra prendre les six mois restants. De quoi compliquer le mode de garde jusqu'à l'école maternelle, souligne Valérie Pécresse dans une interview au site internet Le Journal des femmes. Elle n'a pas tort. Si le deuxième parent ne veut/peut pas prendre de congé parental, trouver une nounou pour six mois, c'est bien relou.

Mais ce n'est pas ce qu'on retiendra des propos de l'ancienne ministre de droite. Parce que la dame a aussi longuement expliqué : "Pensez-vous que le plus grand nombre sont les pères qui ont envie de changer des couches ? Si on veut rééquilibrer les responsabilités des pères et des mères dans l'éducation, il faut certes inciter les pères à prendre un congé, mais ils le prendront d'autant plus volontiers avec un enfant un peu plus âgé, et cela sera socialement mieux vécu par les entreprises de voir les pères s'impliquer dans des problèmes un peu plus compliqués."

Cette sortie est une insulte à plusieurs égards. Penser que je dois sacrifier mon vernis dans la merde de mon bébé et pas son papa (d'autant qu'il ne porte pas de vernis, donc c'est moins gênant), c'est une insulte. Penser que seule une femme est indiquée pour la garde d'un bébé, c'est une insulte. Penser qu'un homme est plus légitime à s'occuper de choses compliquées est une insulte. Et penser qu'une entreprise comprendra qu'un papa prenne un congé parental parce que son fils est "en décrochage scolaire ou en crise d'adolescence" est aussi bien naïf.

Soyons clairs : j'ai pris un congé parental de trois mois pour mon deuxième enfant, afin de faire la soudure avec la rentrée car c'était trop compliqué de trouver une nounou en juin. Ça m'arrangeait bien aussi, parce que je voulais changer de travail. Je n'avais plus beaucoup de crédibilité dans ma boîte : trois mois d'arrêt maladie + le congé maternité + le congé parental, je suis passée pour une bonne glandeuse. J'ai encore aujourd'hui des collègues qui sont persuadés que mon arrêt maladie était un arrêt de travail de complaisance. Mais de là à dire que "les femmes souhaitent en général prendre un peu de recul pour s'occuper de [leurs enfants après la deuxième naissance]", il y a un pas que je ne franchirai pas.

Alors j'ai voulu avoir l'avis d'un homme. J'ai appelé Benjamin, alias Till The Cat, Père au Foyer et jolie plume du web.

Bonjour Benjamin. Est-ce que tu as changé beaucoup de couches ?

En fait, j'ai commencé à m'occuper de mes filles dès la naissance de la première. Elle a désormais 8 ans. L'autre a 6 ans. Je n'ai pas pris de congé parental : on venait de changer de région et je n'avais pas encore trouvé de job. Comme aides de la CAF, on touchait seulement le complément de libre choix d'activité.

Donc oui, j'ai changé beaucoup de couches. S'occuper d'un bébé, c'est toute une part de travail nécessaire et pas épanouissant. Mais pour moi, le truc le plus difficile, ce sont les nuits hachées. Quand tu en as deux en bas âge, c'est vraiment compliqué. Bref, c'est difficile mais c'est aussi des moments top : faire en sorte que l'enfant s'éveille. Clairement, j'ai aimé le fait d'être là à chaque petite étape de leur évolution, chaque petit truc qui fait qu'on s'émerveille, qu'on se dit "le bébé est capable de faire ça, c'est fou".

Mais maintenant que tes filles ont grandi, tu t'occupes de "problèmes un peu plus compliqués" j'imagine ?

Aujourd'hui, la journée est rythmée par l'école. J'habite un village. Je les récupère le midi, je leur fais à manger. Je les récupère à 16h30. Donc c'est beaucoup d'allers-retours. Je les aide le matin à choisir les bons vêtements quand elles veulent mettre une robe alors qu'il fait dix degrés. Je suis là pour les devoirs, répondre à leurs questions, leurs besoins, ou simplement quand elles ont envie d'un câlin, de moments de jeu. Elles ont encore besoin d'une présence. Elles pourraient gérer si on bossait, mais elles kiffent autant que moi.

Est-ce que tu as eu l'impression qu'on te jugeait mal, du fait que tu fasses une chose aussi simple que "garder des enfants" ?

Moi, je n'en ai jamais souffert. Même, comme il y a peu d'hommes qui le font, il y a un côté "pionnier", "wahou", alors qu'on dit souvent aux femmes au foyer qu'elles ne font "rien".

Et puis, le monde de l'entreprise est revenu vers moi grâce à cette période-là. Parce que j'ai parlé de mon expérience sur mon blog, ça m'a ouvert les voies de l'écriture sur le web. J'écris désormais pour plusieurs sites. Je suis donc en légère reprise. C'est une période de transition: la balance va s'équilibrer, voire s'inverser à un moment. Mais je suis certainement un peu une exception.

Pour autant, les quelques témoignages que j'ai de pères au foyer prouvent qu'ils ont réintégré le monde du travail. Ça n'a pas été compliqué, en fait. L'un a lancé sa boîte. L'autre a réintégré son poste après son congé parental (qu'il aurait bien aimé prolonger, mais bon).

Publié par Emma Defaud / Catégories : Actu