McDonald's, moi non plus

Dans les jeux du  McDo © Emma Defaud

Il ne faut jamais dire jamais. Bobo parisienne vingtenaire, j'avais le plus grand mépris pour les fast-foods. D'abord parce que j'y avais bossé et que les machines à glace pullulaient de cafards place de la République. Ensuite, parce que, flirtant avec le bio et le végétarien, le burger représentait nécessairement l'antinomie de mon existence. Et puis, le McDo, c'est pas classe, c'est pas branché, c'est pas bon, bref ça craint. J'ai même rompu avec un mec parce qu'il m'avait filé notre deuxième rencard au McDo. On est une bobo parisienne ou on ne l'est pas.

Dix ans plus tard, la perspective d'un McDo est le petit plaisir du week-end auquel je pense avant, que je déguste pendant et dont je se souviens avec émotion le reste de la journée. Mais trois choses ont changé.

1 - J'ai des enfants dont le mode de garde, la gloutonnerie et la propension à trouer jeans et collants me coûtent la moitié de mon salaire. J'ai donc renoncé depuis longtemps au bio et aux petits plats végétariens sophistiqués et hors de prix. Et je me suis habituée à tout, même au McDo. Je reconnais même qu'ils ont fait des efforts pour les enfants : yaourt bio à boire ou Pompote en dessert.

2 - Déjeuner hors de chez moi le week-end est devenu une bouffée d'air frais vital à mon équilibre mental. Or, les restaurants qui accueillent les enfants sans vous faire passer pour la dernière des merdes sont rares. Une fois qu'ils connaissent mes loulous, ils sont encore plus rares.

3 - J'ai découvert les McDo de province (Je suis restée une bobo parisienne, je dis "province").

Parce que se faire un McDo à Paris, c'est toujours aussi pourri. Peut-être parce que ça s'appelle fast-food, mais je me speede de déglutir, le quart d'une fesse sur une banquette, pendant que les clients debout nous scrutent méchamment pour qu'on se casse. Résultat, j'ai toujours fini en dix minutes, j'ai encore faim tout en étant un peu écoeurée, et je n'ai pas réussi à éviter que la fille lèche son yaourt bio sur la table pleine de microbes.

Mais dès qu'on passe le périph, ça n'a rien à voir. On découvre des tables spacieuses, des fauteuils design. A la belle saison, ils escaladent les jeux en extérieur, quand il fait froid il se replie sur la salle dédiée. Alors, pendant que les gamins cavalent, on prend le temps d'un café latte assez honnête. On lit la presse. On fume des clopes. Et quand on part au bout de deux heures, les petits sont tellement vannés d'avoir couru partout pendant que je finissais leurs nuggets qu'ils me foutent la paix pendant tout le reste de la journée.