Plat de résistance

Je suis la mère d’un futur délinquant, et ce ne serait pas étonnant que ma fille finisse sur le trottoir. Et tout ça, ce sera la faute de mon éducation. Ou plus précisément, de mon absence d’éducation.

C’est du moins ce que pensent une partie des clients des restaurants dans lesquels on se rend régulièrement le week-end. Hochements de tête désapprobateurs, regards méprisants, rictus crispés... rien ne m’épargne quand je passe à côté de leur table en coursant ma fille qui s’entraîne au 100 mètres dans les allées. «JE VAIS GAGNER», hurle le grand pendant ce temps, qu’on ne maintient en place qu’au prix d’une partie de jeu de l’oie. Avouons-le, avec les otites, il a perdu de l’audition et parle vraiment plus fort que la moyenne.

Le resto du week-end, ce n’est pas tout à fait parce qu’on a la flemme de cuisiner et qu’on tient à faire ingurgiter de la junk-food à nos enfants. Mais quand on habite la région parisienne, difficile de faire une activité le matin et d’être rentrés pour le déj à moins que maman-parfaite reste à la maison pour mitonner un petit plat, pendant que papa-parfait arrive à contenir ses deux monstres chez les amis auxquels ils rendent visite et puisse se téléporter au retour pour éviter les embouteillages.

On le sait, le week-end, c’est du sport. Ça fait deux ans que mes baskets moisissent dans le placard, mais quand on regagne la maison sur le coup de deux heures, j’ai le tonus d’un athlète en fin de marathon. Non seulement on tente de faire quelque chose d’intéressant (voir des potes, une expo ou faire une activité de gamins) mais en plus on se prépare à lâcher des thunes pour bouffer en quatrième vitesse dans une chaîne de resto a priori «kid-friendly», éviter le combo tâche de ketchup sur le pull + vol de frites aux voisins + éclatage du crâne sur un coin de table, tout en persuadant nos enfants que c’est quand même mieux de manger avec des couverts.

Pendant ce temps, quelques «adultes» fondent devant la vitalité de mes enfants, et beaucoup d’autres se disent que ce n’est pas étonnant qu’il y ait des émeutes en banlieue aujourd’hui. Alors quand une autre cliente me lâche un glacial «C’est dangereux les escaliers pour les enfants», je me sens extrêmement méritante de ne lui répondre que «C’est bien pour ça que je suis avec elle» au lieu de renverser la cocotte de moules sur son jaquar.

Ça, c'est quand ça se passe bien.