"A vélo, vite !" Plaidoyer pour une révolution cyclable

Le vélo, révolution silencieuse du XXIe siècle ? Dans A vélo, vite ! la secrétaire générale du Club des villes et territoires cyclables, Véronique Michaud, détaille le retard pris par la France sur ses voisins d’Europe du Nord. Son ouvrage plaide pour une révolution cyclable car la bicyclette, explique-t-elle, est un mode de transport:

Rapide

 Même si c’est contre-intuitif, les cycliste le savent: "A Paris en vélo on dépasse les autos...". S'appuyant sur de multiples enquêtes, l'ouvrage confirme la ritournelle de Joe Dassin."Si l’on prend en compte la vitesse effective de chaque mode de déplacement (en voiture, le temps de stationnement, en transport public, le temps de rabattement), le vélo est le grand gagnant en ville dense en comparaison avec la marche, le bus et la voiture".

Certaines villes réfléchissent d'ailleurs aux moyens de doper cette rapidité, avec des autoroutes à vélo. Copenhague a ainsi créé en 2012 une première voie express vélo sur 18 km. En France, Strasbourg a présenté en  2013 Vélostras, réseau d'autoroutes cyclistes qui devrait mailler le réseau de la communauté urbaine d'ici 2020, comme l'explique Rue89 Strasbourg. Quant à la ville de Londres, elle enflamme le web depuis un an avec un projet de piste cyclable aérienne. Une  fausse bonne idée  selon le journaliste du Monde Olivier Razemon : "Le cycliste ne traverse pas la ville, il la vit", estime-t-il.

Car faut-il rééditer avec le vélo, à l'intérieur des villes, les mêmes erreurs qu'avec la voiture, et dévorer l'espace avec des voies dédiées ? Ou réfléchir davantage à des voies mixtes et surtout à l'intermodalité des transports, insuffisamment développée dans l'hexagone ?

En France, écrit Véronique Michaud, seuls "3% des usagers du train accèdent aux gares à vélo contre 30 à 40% dans beaucoup de gares en Suisse, en Allemagne et aux Pays-Bas". Pour augmenter ce taux, il faudra, entre autres, créer des parkings à vélos sécurisés, où les cyclistes laisseront leur vélo en toute confiance.

Nul doute que la question sera posée aux maires des grandes communes, d'ici mars ... même si le problème n'atteint pas l'acuité de celui d'Amsterdam.

Sain

Les spécialistes le répètent à tout bout de champ : plus encore que le sport, ce qui compte, c'est l'activité physique au jour le jour. Or, note Véronique Michaud, "en trois siècles on est passé de huit heures d’activité physique quotidienne en moyenne à moins d’une heure." 

Le vélo ? Une "garantie santé". La preuve ? "Les économies réalisées sur les dépenses de santé qui représentent déjà 5,6 milliards d’euros par an pourraient atteindre les 15 milliards par an si la part modale [part prise par les différents modes de transports dans la mobilité des grandes villes]  du vélo s’élevait à 12 à 15% des déplacements (soit une moyenne de 250 à 300 km par an et par personne)."

Au point que députés de gauche et de droite membres du club des parlementaires du vélo ont déposé en octobre dernier un amendement pour favoriser son usage. Ils proposaient que "l'employeur prenne en charge à la fois une partie de l'abonnement aux transports en commun de ses salariés et une partie de l'abonnement à un système public de location de vélos", selon Challenges. En vain.

Un second amendement "de repli" prévoyait la création d'une "indemnité kilométrique vélo" que l'employeur pourrait verser à ses salariés comme participation aux frais de déplacement entre le domicile et le lieu de travail.  Refusé également, mais une porte a été laissée entrouverte: ce second amendement "aura toute sa place", selon le député socialiste Gérard Bapt  dans la loi de santé publique attendue courant 2014 dans l'hémicycle.

Economique

Faut-il le rappeler ? Entre prix de l'essence et coût d'achat et d'entretien, l'automobile grève le budget des ménages. Remarquons au passage que la population parisienne, une des plus riches de France, est aussi celle qui possède le moins de voitures : 60% des habitants de la capitale s'en passent, remarque Le Journal du dimanche. Véronique Michaud évalue à "300 à 500 euros par mois" le budget récupéré "si on économise une deuxième voiture dans un ménage."

Encore faut-il faciliter et sécuriser la pratique du vélo, ce qui réclame d'importants investissements. Les collectivités territoriales dépensent déjà 500 millions d’euros d’aménagement chaque année, mais "l’Etat participe peu", note-t-elle.

Et d'enfoncer le clou : "Le niveau qui manque en France c’est celui-là.  L’Etat devrait assurer la mise en musique de la politique du vélo" et aider à "reconstruire un système qui s’est délité car on a tout fait pour la voiture en ville. C’est ce qui nous distingue de l’Allemagne où la voiture n’a pas façonné l’espace urbain comme chez nous. Nous, on a dû repenser l’espace de la rue pour réintroduire le vélo."

Futuriste ?

La propriété d'une voiture individuelle appartient-elle déjà au passé, dans un certain nombre de pays occidentaux ? Suivons les statistiques : "Les jeunes achètent de moins en moins de voitures en France, en Europe, aux USA" , constate l'auteure d'A vélo, vite !. Même les Américains utilisent de moins en moins leur voiture . En avril dernier, le Journal du dimanche actait "la fin de la voiture reine" en Île-de-France. Son usage commence à décroître, comme dans la plupart des pays de l'OCDE.

"La voiture, assène Véronique Michaud, est en voie de déclassement. C’est de plus en plus un service de moins en moins un objet de valorisation sociale. Il faut désormais penser les combinaisons de transport avec beaucoup de réalisme, ne pas se cantonner à des discours incantatoires" .

Changer de modèle, donc, et faire de "la ville du XXIe siècle" "une ville fluide, passante et accueillante". "Encore faut-il, conclut-elle, que l'Etat engage sans délai un scénario de rattrapage pour atteindre les 10% de part modale du vélo qui ont été fixés pour 2020", alors que celle-ci atteint déjà 18 au Danemark et 27% aux Pays-Bas.

 "Au-delà d’une vitesse critique, avertissait déjà l'intellectuel Ivan Illich, personne ne "gagne" du temps sans en faire perdre à quelqu’un d’autre. Celui qui réclame une place dans un véhicule plus rapide affirme ainsi que son temps vaut plus cher que celui du passager d'un véhicule plus lent. Au-delà d'une certaine vitesse, chaque passager se transforme en voleur qui dérobe le temps d'autrui et dépouille la masse de la société".

-> A vélo, vite ! de Véronique Michaud (fyp éditions, 16 euros)