26 Oct

« Je voudrais juste qu’il parle… »

 

Ca va faire deux mois que Bouchon va à l’école : 4 matins par semaine, son frère et sa soeur le prennent par la main à la grille et l’emmènent à travers la cour de récréation vers sa salle de classe. C’est le premier rituel de la journée. Jusqu’à 11h30, il est au milieu d’une dizaine d’autres enfants avec Morgane, son Assistante de Vie Scolaire. Puis Nounou vient le chercher et ils passent l’après-midi ensemble à la maison. 

Et depuis deux mois, je découvre mon fils. Lorsque il a été diagnostiqué autiste, le pédopsychiatre m’a dit que l’école lui ferait le plus grand bien. Je l’ai cru mais sans plus : comment un enseignement qui n’est pas spécifiquement adapté à l’autisme pourrait-il aider Bouchon à s’ouvrir au monde ? Qu’il aille à l’école allait de soi parce que c’est un droit et que je ne voyais pourquoi sa différence devait l’empêcher de l’exercer. Mais je ne croyais pas vraiment en la seule vertu de l’école. Ajoutée à toutes les autres prises en charge, la scolarisation de Bouchon ne pourrait pas lui faire de mal… J’étais sceptique…
Mais je dois avouer que l’école fait plus que le plus grand bien à mon petit autiste à moi que j’ai.
En deux mois, il a incroyablement changé : il soutient de plus en plus le regard. Il le cherche même, chose impensable avant les vacances. Il sollicite l’adulte lorsqu’il veut quelque chose. Bon ok !! Quand je ne réponds pas assez vite à sa demande à son goût, il continue à se servir seul dans le placard à gâteaux !! Mais au moins, avant, il a demandé. A sa manière évidemment : il me tape sur la jambe ou bien ouvre le placard et pousse un petit cri en me regardant…. Il ne jette plus son verre à terre quand il a fini de boire : il se déplace jusqu’à moi pour me le donner ou va jusqu’à la table pour le poser. Ce matin, il a même profité que le tiroir de la poubelle soit ouvert pour y jeter la petite bouteille d’eau qu’il venait de vider. Et il m’a regardée bien droit dans les yeux en attendant mon approbation. Je lui ai dit : « Bravo !! C’est ce qu’il fallait faire… » et il m’a souri…
Ca peut vous ne vous paraître rien, toutes ces petites choses que les enfants font bien avant 3 ans. Mais pour Bouchon, tout ça n’est pas naturel. Il a beau nous avoir vu des centaines de fois faire tous ces gestes, il ne les avait jamais intégrés jusqu’à présent. Aujourd’hui, ce petit bout d’homme a passé un cap, que dis-je, une péninsule : il imite… Pas forcément immédiatement. Quoique ça lui soit déjà arrivé de reproduire tout de suite une chose après qu’elle lui a été montrée. Mais en général, il imite avec un peu de retard : quelques heures voire quelques jours après. Mais il imite. Et rien que ça, c’est champagne !!!

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Et J’ai enfin de vrais échanges avec mon fils. Nous rions ensemble, les yeux dans les yeux. Il me prend par le cou pour me faire des câlins et même des bisous !!! Et tout ça avec une vraie douceur… Une vraie tendresse… Je n’aurais jamais pensé être au bord des larmes la première fois qu’il a fermé sa petite bouche sur ma joue, ses mains enfouies dans mes cheveux…. Mes cheveux qu’il repousse maintenant systématiquement de mon visage pour mieux croiser mon regard. Ce soir, après le bain, il a même essayé de remonter seul le pantalon de son pyjama… Ca n’a l’air de rien mais pour un enfant autiste, c’est énorme.
Socialement, il avance à pas de géant. Il agite de plus en plus souvent la main pour dire bonjour ou au revoir. Il se précipite sur les gens lorsqu’il est content de les voir plutôt que de sauter sur place en faisant du flapping (battre l’air des mains). A l’école, il se mêle peu à peu au groupe : n°2, ma petite espionne spécialisée ès-CIA/MI6/DGSE, l’a un jour surpris « jouant » avec une petite fille de sa classe durant la récréation… Avec Nounou, il fait de la peinture avec les mains. Il teint un pinceau, chose inimaginable au printemps : à l’époque, la moindre matière un tant soit peut gluante sur les mains lui était insupportable…
Autant de changements en deux mois… Leurs prémices étaient déjà présents avant l’école mais la scolarisation les a fait émergés bien plus vite. Je suis convaincue que son inclusion dans une école classique y est pour quelque chose… Pour des enfants comme Bouchon, l’inclusion est l’une des clés à leur ouverture au monde… Je le vis chaque jour…

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Tout n’est pas idyllique, loin s’en faut. Il continue à faire des crises lorsqu’il y a du changement dans ses journées. Aujourd’hui, jour de vacances, je suis allée visiter un musée avec ma tribu au lieu de rester à la maison comme d’habitude : il est 22h30, Bouchon ne dort toujours pas et a déjà mis sa chambre 3 fois à l’envers. Il ne comprend toujours pas les inflexions de voix et les émotions sur les visages. Il n’est toujours pas propre. Avec moi, il refuse les morceaux dans ses repas. Il hurle dès qu’il en a dans la bouche et lui donner à manger devient rapidement un enfer. Je ne vais pas le cacher : je reste terrorisée quant à Demain…
Un jour où je n’avais plus assez d’énergie pour faire bonne figure et laisser croire que tout avance merveilleusement bien avec mon Bouchon, un ami m’a laissée m’effondrer sur son épaule. Au bout de forces, j’ai avoué à quel point j’ai la trouille : « je voudrais juste qu’il parle. J’aurais moins peur…». Et voilà ce que ce papa lui-même m’a répondu : «  c’est normal que tu aies peur pour lui. N’importe quel parent a peur pour son enfant. Pour Bouchon, c’est évidemment plus fort. Mais que veux-tu faire de plus ? Tu lui montre des chemins. S’il ne veut en prendre aucun, tu ne pourras pas l’y obliger. » 
 
C’est vrai. On ne peut jamais forcer personne. D’autant plus un autiste. Mais je n’abandonnerai que lorsque je n’aurais plus aucun chemin à proposer à Bouchon. Et pour le moment, j’ai plutôt de la chance : celui des écoliers semble lui convenir…

26 Sep

« Il va finir par se calmer… »

La promesse éditoriale de ce blog, c’est de raconter mon quotidien de maman d’un enfant autiste avec humour si c’est possible… Et je me rends compte que je n’ai jamais vraiment raconté mon quotidien avec Bouchon… J’ai écrit les jolis moments que j’ai partagés avec mon fils, les batailles que j’ai menées, que je mène et que je mènerai très certainement encore pour lui, mes doutes, mes et ses petites victoires comme autant de combats cruciaux gagnés, ses progrès, son rire, ses sourires, sa bonne humeur, ses bouclettes.

Quand je relis mes billets, j’ai l’impression que finalement, ce n’est pas trop galère d’avoir un fils comme mon Bouchon…

Alors je vais raconter une tranche de mon quotidien beaucoup moins idyllique…

Il est 1h30 du matin… Et je suis exténuée … Quand je suis rentrée du bureau ce soir, à 19h, après une journée commencée à 7h en déposant numéro 1 à la gare pour qu’il prenne son train pour le lycée et terminée en allant chercher 2 et 3 au conservatoire, Bouchon était « énervé. Une vraie pile électrique, m’a dit Nounou. Il a à peine dormi à la sieste. Il est fatigué »… Ok… Donc dodo tôt… Il va tomber comme une mouche… Mais pas tout de suite : je l’ai à peine vu de la journée… Mr Mari rentre tous les jours bien après moi. Mais ce soir, il a une réunion. Il sera là tard….

Comme chaque soir, je gère les devoirs, le bain et le repas des aînés. Mais ce soir, Bouchon est énervé… Chez les autistes, il n’y a pas de demi-mesure et énervé est un doux euphémisme. Ce soir, Bouchon ouvre tous les robinets, met les mains dans la cuvette des WC, déroule les rouleaux de papier toilette, jette tous ses jouets en direction des baies vitrées, pousse des cris parce que je ne comprends pas qu’il a soif, court partout parce qu’il refuse que je lui change sa couche, s’acharne sur la barrière de l’escalier et surtout – c’est honnêtement le plus insupportable- claque sans discontinuer toutes les portes, y compris celles des placards, du frigo et du congélateur…

Car, voyez-vous, la grande passion de mon petit autiste à moi, ce sont les portes : il les ouvre et les ferme avec une force qui frise la violence, au point de faire des trous dans les murs avec la poignée ou d’en casser les gonds… Ça doit faire une bonne dizaine fois que je replace sa porte de chambre et que je replâtre le mur de la porte d’entrée qui tient encore debout par je ne sais quel miracle… J’ai bien pensé à mettre des cale-portes mais mon fils est autiste, pas bête… Et un cale-porte en métal qu’on penserait trop lourd pour qu’un enfant de 3 ans ne le déplace, eh bien quand il vole, croyez-moi, ça fait des dégâts !! Claquer les portes, Il peut faire ça des heures si vous ne détournez pas son attention vers autre chose…

Donc ce soir, j’ai la tête comme une citrouille (vous me direz, c’est de saison!!) à essayer de faire entendre raison à Bouchon. A 20h, je finis par lui mettre la main dessus et hop au lit après 3 chansons et 2 livres difficilement lus vu l’énervement de l’auditoire qui est plus intéressé par l’idée de déchirer les pages que par Petit loup qui jardine… Je finis par mettre Bouchon dans son lit… Un câlin, un bisou sur la main, la veilleuse, la musique… « Bonne nuit !! A demain !! » 

Je retourne à 1,2 et 3 qui finissent à peine de manger… Et je m’assois avec eux pour avaler quelque chose… Grosse erreur… Énorme erreur… Colossale erreur…

J’ai couché Bouchon à 20h et à 1h30 du matin, il vient tout juste de s’endormir… Entre-temps, ce fut l’apocalypse…

Il a commencé par sortir de son lit et de sa chambre pour, devinez un peu, claquer toutes les portes qu’il trouvait sur son passage avec une prédilection pour celle sa chambre… qui en est tombée !! Me voilà à 21h30 en train de regonder une porte !! J’avais plutôt prévu une soirée piano/couture mais pas bricolage !! Je remets Bouchon dans son lit, 12 fois, avant de tout barricader pour qu’il n’en sorte plus. Mais c’est sans compter sur son vaste esprit créatif !! Je ne sais pas comment mais il parvient à sortir de son lit et de colère, mon autiste dévaste littéralement sa chambre : armoire, commode, bibliothèque, coffre à jouet, il a tout vidé. Il a aussi démonté sa literie et renversé les meubles qu’il a eu la force de renverser… Impossible de poser un pied à terre…Ce soir, il a fait ça 7 fois… Et le pire, ce n’est pas de remettre tout en ordre après chaque passage de l’ouragan Bouchon, c’est de l’entendre rire quand je lui dis non ou que je lui ordonne de dormir : Bouchon ne comprend pas les inflexions de voix et les expressions des visages. Il ne sait pas ce que ça veut dire. Tout ce qu’il sait, c’est que vachement drôle… Le seul fait que je réagisse l’amuse…

J’opte donc pour le « pas de réaction, pas d’action ». En général, ça marche. Mais pas ce soir. Et quand ça ne marche pas, Bouchon passe à autre chose pour obtenir une réaction de ma part : il frappe. Ce soir, j’ai eu droit aux coups de pieds, aux gifles, au tirage de cheveux, aux morsures, le tout accompagné de grands éclats de rires… Et moi qui suis toujours pleine de ressources, dans ces cas là, je suis complètement démunie. Je ne sais pas comment le calmer, comment lui faire comprendre que non, frapper n’est pas drôle, comment le faire arrêter de rire. 

Et la fatigue physique, nerveuse et psychologique n’aide généralement pas à réfléchir sereinement … Et ses frères et sœur ont besoin de dormir : «tout va bien les enfants ! Votre frère va finir par se calmer »…

Mais en fait, non…

Alors au bout de plus de 4 heures de combat acharné avec mon fils de 3 ans, j’ai lâchement baissé les bras…. J’ai cessé d’aller lui remettre ses draps pour qu’il dorme confortablement… Je ne suis plus allée le voir pour le rassurer de je ne sais quelle angoisse ou imperceptible changement qui aurait pu provoquer cette crise… Et je l’ai laissé pleurer et hurler… J’ai même éteint le baby-phone pour ne pas trop l’entendre… Et j’ai pleuré moi aussi… D’épuisement, de colère contre moi de ne pas être capable de l’aider, de découragement aussi…

Cette soirée a été pour lui une très longue partie d’un jeu qui m’anéantit à chaque fois qu’il a décidé d’y jouer… parce que je n’en connais ni les règles ni les codes… Et depuis plusieurs mois, Bouchon y joue au moins une fois par semaine… Et c’est un peu plus violent chaque fois…

Je n’ai pas mangé mais je n’ai pas faim… Il est maintenant plus de 2 heures du matin et je me lève dans moins de 5 heures pour recommencer une nouvelle journée… Bouchon dort enfin… Et tout à l’heure, quand j’irai le réveiller, il me fera un immense sourire… De ceux qui effacent tout…

Sauf le sentiment de culpabilité d’avoir eu, quelques secondes, envie de hurler sur mon fils autiste de 3 ans. 

16 Sep

« Tout ça, c’est super mais maintenant… »

Ca fait deux semaines que Bouchon va à l’école. Deux semaines qu’il est content quand il voit la grille d’entrée rouge. Deux semaines qu’il s’est bien adapté selon son institutrice. Deux semaines qu’il « observe beaucoup les autres enfants » et qu’il n’a aucun problème de comportement. Bref, deux semaines que tout va bien côté scolarisation.

A la maison, ça fait deux semaines que je trouve mon petit autiste plus présent. Que j’arrive à accrocher son regard plus longtemps et que j’ai même droit à un sourire quand je prononce son prénom. Deux semaines qu’il ne saute plus sur place quand il est submergé par la joie, qu’iI ne fait plus tourner les objets qui lui tombent sous la main et qu’il ne se balance plus pour se rassurer dans une situation angoissante. Bref, deux semaines que j’ai l’impression que mon Bouchon change

Et ce samedi matin, Monsieur est venu. Monsieur, c’est le psychologue qui vient une heure chaque semaine pour travailler avec Bouchon. Ils ne s’étaient pas vus depuis 15 jours. Quand il est arrivé, mon fils l’a regardé bien droit dans les yeux avec un beau sourire et quelques petits cris pour exprimer sa joie de le revoir.

Ils sont partis main dans la main pour aller mettre des cubes dans d’autres cubes et pour poser des ronds rouges sur des formes rondes et rouges.

Au bout de 30 minutes, j’ai vu débouler Bouchon dans le salon en courant et en criant, les larmes au bord des yeux : une demi-heure de stimulation sensorielle et cognitive intensive l’avait épuisé.

Alors on a fait le point, le psy et moi. Un petit bilan des progrès que j’ai observés chez mon extraterrestre.

Et là, je me suis lâchée !! J’ai énuméré la liste longue comme le bras de tout ce qui a bougé chez Bouchon depuis qu’il va à l’école. Monsieur écrivait sur son cahier 21X29,7 à grands carreaux. Et moi, fière de tout ce que je racontais, je bombais le torse parce que « franchement depuis qu’il va à l’école, un tas de choses s’ouvre. Il est resté assis sur sa chaise 20 bonnes minutes au cours d’éveil musical !! L’autre jour, il m’a même sollicitée pour que je lui essuie son nez qui coulait !!! ».

Et je me suis tu, un immense sourire de (auto)satisfaction sur les lèvres. Je contemplais l’évolution de mon fils avec une assurance presqu’arrogante.

Monsieur a terminé sa phrase de notes, en a tapé le point final avec son stylo noir. « Bien… ». Il a levé son visage encore juvénile vers moi et avec sa voix douce, il a dit « Tout ça, c’est super mais maintenant… »

Woh woh woh !!! Comment ça « mais maintenant » ? Quoi « mais maintenant » ? Non non non, on va rester deux minutes sur « Tout ça, c’est super » parce qu’effectivement, tout ça, c’est super…  « mais maintenant, on va travailler la propreté, les séquentiels d’une journée type et surtout, avant tout chose, on va endiguer la violence avec laquelle il commence à exprimer son mécontentement et son désaccord. Il faudra aussi penser à faire une demande auprès de la MDPH pour une prise en charge en Cessad parce que la liste d’attente est longue »…

Tout ce qu’il a dit m’est arrivé aux oreilles de manière floue et cotonneuse. C’est la main que Bouchon a posée sur ma cuisse qui m’a ramenée à la réalité. Une réalité que je venais de prendre en pleine figure et qui avait fait exploser mes illusions : non, tout n’ira pas mieux simplement parce que Bouchon est scolarisé. Non, l’école seule ne suffira pas à aider ce petit bonhomme à être aux autres. Non, le chemin n’est pas fini.

Faire une pause alors ? Une toute petite ? Quelques semaines ? Pour voir si les choses n’évoluent pas davantage ? Non plus : « les choses prennent vite sur lui. L’école a ouvert des brèches. Il faut en profiter. On avance sur tout ça sérieusement samedi prochain. » 

Quand Monsieur est parti, j’ai demandé à n°2 de jouer avec son « petit petit frère ».

Je me suis allongée dans mon jardin, à même l’herbe. J’ai allumé une cigarette. J’aurais bien pris une bière mais il n’était pas encore 11 heures…et j’ai fustigé ma naïveté et mon manque de lucidité : comment avais-je pu croire – ou plutôt me faire croire parce qu’au fond de moi, je connaissais la vérité – comment avais-je pu croire que le simple fait de mettre mon petit autiste à l’école allait tout régler ? Que le bout du tunnel était proche ? Comment avais-je pu succomber à cette facilité ?

L’école n’est en fait que le point de départ. On va entrer dans le dur. Passer à l’étape et à la vitesse supérieures. Fixer de nouveaux objectifs beaucoup plus élevés. Et tout ça sans que je n’aie eu le temps de reprendre mon souffle.

Après avoir bataillé pour une AVS, je vais devoir y retourner. Mais cette fois-ci, il va falloir que je me batte contre mon propre fils pour l’ouvrir au monde. Il va falloir que je me batte contre son penchant naturel à refuser toute contrainte.

Et il va falloir que je me batte contre moi. Contre ce penchant tout aussi naturel qui me pousse parfois à vouloir prendre mon fils dans mes bras pour le soustraire à ce que j’assimile à une forme de violence. A vouloir hurler à tous de le laisser tranquille. Que moi, je l’aime comme il est. Autiste ou pas ou moins.

Quand j’ai eu fini ma cigarette, je suis allée voir mes deux numéros que j’entendais rire aux éclats. Bouchon m’a souri et sa sœur aussi. Et je me suis dit qu’on était sur la bonne voie. Que oui, le chemin allait être long et probablement escarpé. Mais qu’avec les innombrables paires de chaussures que j’ai, j’allais forcément y arriver. J’ai fait un câlin à mes petits bizarres. Et j’ai filé sur internet m’acheter ces si jolis derbys écossais que j’avais repérés la veille…

Histoire d’être parfaitement armée pour affronter ce qui nous attend !

31 Août

« On a trouvé… »

Lundi, c’est la rentrée. Un grand moment pour beaucoup d’enfants dont les miens… Les nouveaux cartables, les nouvelles chaussures, les nouvelles tenues… Retrouver les copains et les copines… Chaque année, à la maison, on fait une photo juste avant de partir à l’école…

Jusqu’à ce vendredi 16h, je n’étais pas sûre d’avoir la force de céder à ce rituel lundi matin : jusqu’à ce vendredi 16h, à 2 jours de la reprise, Bouchon ne devait pas faire sa rentrée… Jusqu’à ce vendredi 16h, le Rectorat ne lui avait pas trouvé d’Assistant(e) de Vie Scolaire.

12 heures par semaine, soit 4 matinées hebdomadaires de 3 heures jusqu’en 2021 (le reste de la journée, Bouchon sera à la maison avec son assistante familiale spécialisée dans la prise en charge des enfants autistes). Mais jusqu’à ce vendredi 16h, l’Education nationale n’était pas capable de respecter le droit de mon fils à être scolarisé.

On sait depuis mi-juin qu’une AVS a été accordée à Bouchon. C’est la Maison départementale des personnes handicapées, qui dépend donc du Conseil départemental, qui a décidé. Mais c’est le Rectorat qui « distribue » les auxiliaires de vie scolaire. Et pour cette rentrée, il n’y en avait pas assez. Il fallait recruter… Un recrutement qui a commencé fin août, à quelques jours de la rentrée.

Ce n’est pas faute d’avoir insisté (et je peux être terriblement insistante quand il le faut, même quand il ne le faut pas !!) « C’est en attente, Madame… »  Jusqu’à quand ? « Je ne peux pas vous le dire… » Il aura quelqu’un le 3 septembre? « Je ne sais pas… » Alors quand après la rentrée ? « Ca peut se débloquer quelques semaines après… » Jusqu’à ce vendredi 16h… « On a trouvé quelqu’un pour votre fils… Il pourra aller à l’école lundi matin »

Jusqu’à ce vendredi 16h, je ne savais pas quoi faire le jour de la rentrée avec mon petit autiste… Personne ne pouvait me le dire… Et c’est assez inhumain : des semaines dans le doute, l’attente : l’emmener à l’école et repartir avec lui sous le bras, faute d’AVS ou le laisser regarder partir ses frères et sa sœur, cartable sur le dos, sourire aux lèvres et joie intense dans l’œil ? Et j’ai été déçue… Et triste… Pas pour moi…. Pour lui…. Pour ce petit bonhomme de 3 ans et demi à qui j’expliquais depuis plusieurs semaines qu’il allait aller à l’école, que ça allait être chouette, qu’il allait apprendre plein de choses, que peut-être il allait se faire des copains et que quelqu’un allait être là spécialement pour lui quand il aurait besoin, peur ou une bouffée d’angoisse… Et j’étais triste de lui cacher que je n’étais pas sûre de lui offrir la chance de pouvoir progresser encore plus… Du moins pas tout de suite… Et que je ne savais pas quand j’en serais capable… J’étais triste de lui mentir en souriant…

Tout ça jusqu’à ce vendredi 16h… À la personne au bout du fil, je n’ai su lui murmurer qu’un « merci« … Et l’angoisse et le stress se sont mis à couler sur mes joues… Ça et le sentiment d’injustice pour tous les autres parents qui sont dans la même situation que celle dans laquelle j’étais jusqu’à ce vendredi 16h….

J’ose croire que Bouchon ne comprend pas les enjeux des défaillances du système… Et que j’ai le droit d’être égoïstement heureuse de cette merveilleuse nouvelle… Que j’ai le droit d’être égoïstement fière d’avoir gagné cette bataille.

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Alors lundi matin, Bouchon mettra un joli pantalon neuf, ses toutes aussi jolies chaussures neuves bleu et orange et le petit sac à dos que sa marraine lui a offert en prévision de ce moment… On mettra Mochat dedans, en prenant bien soin que sa tête dépasse pour qu’il puisse respirer… On mettra aussi une compote et un gâteau… Sans oublier son classeur de pictogrammes pour qu’il puisse exprimer ce qu’il veut… Et son renforçateur, un tube pour faire des bulles parce quand il a bien l’exercice demandé, il a le droit à des bulles… Et je vais lui coiffer ses jolies boucles brunes, à mon Bouchon… Et on fera cette sacro-sainte photo de la rentrée…

On va aller fièrement tous ensemble à l’école, lui, n°2, n°3 et moi… Parce que c’est un jour important… Parce que je veux que tous les parents qui seront là pour accompagner leurs enfants, que tous les instituteurs sachent que si nous, on a pu faire notre rentrée, ce n’est pas le cas de centaines d’enfants handicapés en France.

Et ce n’est pas parce que mon Bouchon a enfin une AVS que je ne vais pas rencontrer le Directeur académique des services de l’Éducation nationale la semaine prochaine pour mon article sur le sujet. Je vais l’écrire, ce papier sur l’attribution des Assistants de vie scolaire… Justement parce que nous, on en a une d’AVS et d’autres, tant d’autres, non.

Lundi matin, sur le chemin du retour, dans le rétroviseur, je vais me remplir du sourire de mon Bouchon et de sa joie de vivre pour oublier quelques instants que ce n’est pas juste qu’il faille toujours se battre… Et je vais l’écouter rire encore et encore…

Je vais l’écouter rire pour me dire que, oui, c’est fatiguant de prendre constamment les armes. Mais que, « bord d’aile de merle », je suis la plus chanceuse des Amazones…

 

06 Mai

« Ne doutez jamais de ses capacités… »

Bouchon a eu 3 ans il y a quelques semaines. Dans l’esprit de tout à chacun, enfant + 3 ans = scolarisation… Et pour Bouchon ? L’équation n’est pas si évidente dans la tête des gens : « et il va aller à l’école ? » est actuellement la question la plus fréquente à laquelle je dois répondre…

Ben oui ! Bouchon va aller à l’école… Pourquoi il n’irait pas à l’école ? Parce qu’il est autiste ? Justement… C’est parce qu’il est autiste qu’il doit aller plus que les autres à l’école… »Et il va aller dans une école normale ? » Re-ben oui… Il n’existe pas d’école spécialisée où nous vivons, en Picardie. Il va aller dans le même établissement que n°2 et n°3. Il aura un(e) Assistante(e) de Vie Scolaire pour l’aider à s’habiller, lui reformuler les consignes et éviter qu’il ne se fasse la malle quand il en aura marre de tous ces mômes bizarres qui veulent absolument jouer avec lui !

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Tel que j’écris les choses, je donne l’impression que la scolarisation de mon petit autiste à moi que j’ai est toujours allée de soi… Non… Je l’avoue… Honteusement… Quand le diagnostic d’autisme a été délivré, le praticien qui m’a fait la restitution des évaluations m’a dit « l’école lui fera le plus grand bien« … Je l’ai regardé avec de grands yeux humides… Et j’ai douté… Le temps de dire « L’école ? Mais est-ce qu’il sera capable d’apprendre? « … 3 secondes montre en main… 3 secondes qui tournent en boucle dans ma tête depuis que je m’attelle à la scolarisation de Bouchon… Cette phrase raisonne à mes oreilles chaque fois que je le vois restituer un nouvel apprentissage… Et chaque fois, je m’en veux d’avoir prononcé ces 11 mots…

« Ne doutez jamais des capacités  de votre fils« … Voilà ce que ce ponte de l’autisme en Picardie m’a répondu… Il l’a fait avec bienveillance, sans me juger, en souriant derrière ses lunettes à fine monture… Mais pour moi, il était trop tard : je n’avais pas eu confiance en toi le temps d’une phrase…

Je m’en veux, mon Fils… Je m’en veux d’avoir douté 3 secondes de tes capacités… De tes capacités d’apprentissage… De tes capacités intellectuelles… De tes capacités d’évolution… Pardon… Chaque jour, je vois à quel point tu avances… Je suis bien consciente que tu te bats contre toi-même pour te conformer à une manière d’apprendre qui n’est pas naturellement la tienne… Que tu te bats aussi contre moi parce que faire des encastrements, empiler des cubes, trier des couleurs que tu connais déjà, ça ne t’intéresse pas (moi non plus d’ailleurs…)… Que tout ce qui attire ton attention en ce moment, c’est d’observer la façon dont différents objets tournent… Que tu pourrais rester des heures à sembler analyser le mouvement des choses.

Et malgré cela, tu apprends…Tu apprends même vite… Tu sais des choses que personne ne semble t’avoir apprises…. Tu emmagasines sans en avoir l’air… Tu fais ce dont j’ai fugacement douté… Et tu le fais mieux que je ne l’aurais jamais pensé… Pardon mon Fils…

Et merci… Merci de me donner tort, à moi qui aime tant avoir raison… Merci de me surprendre chaque jour…

Parfois, je me laisse aller à te rêver dans 20 ans… Tu auras toujours ton visage d’angelot, ton sourire ourlé et tes boucles châtain… Tu seras toujours aussi beau… Tu dépasseras le mètre 80 et chausseras au moins du 42… Tu parleras (Mais s’il te plaît, pas autant que tes frères et sœur !!)… Tu auras fait de cette passion que tu as déjà pour la musique ton métier… Peut-être auras-tu choisi le violoncelle, cet instrument que j’aime tant… Je t’imagine alors jouant la suite n°1 en sol majeur de Bach… Celle qui me fait toujours monter les larmes aux yeux et chavirer le coeur…

Quand cela arrivera, mon Fils, mon Amour, mon Bouchon, et même si cela n’arrive pas, ne m’en veux pas de pleurer… Ne m’en veux pas de pleurer de fierté de te regarder avoir grandi… Ne m’en veux pas de pleurer aussi de bonheur de t’avoir accompagné vers ce que tu auras fait de ta vie… Ne m’en veux pas enfin de pleurer de remord d’avoir, un jour d’été, l’espace de 3 secondes, douter de toi…

 

 

 

25 Mar

« Il est juste un peu plus différent… « 

Quand le diagnostic d’autisme est tombé pour Le Bouchon, il ne m’est jamais venu à l’idée qu’il ne fallait pas en parler. D’abord parce qu’il était flagrant qu’il y avait un problème. Et pour être honnête, je n’avais pas envie que les gens se disent que je n’étais pas une mère suffisamment attentive pour voir que son petit dernier est hors cadre. Dire ouvertement que mon fils est autiste, c’est comme hurler « c’est bon, je sais, j’ai vu…Foutez-moi la paix avec ça« … Couper l’herbe sous le pied des rabat-joie et autres donneurs de leçons, mon loisir préféré !! Je dois dire que Bouchon m’en donne l’occasion plus qu’à son tour !!

Et je ne veux pas avoir honte de mon enfant : il est comme il est, je l’ai fait comme ça… Bon ok, j’ai un peu raté mon coup !! Mais je ne vais pas le cacher dans un placard comme la première robe que j’ai cousue et qui est objectivement importable !! Surtout qu’il est tellement beau !! 😉

Les choses ont été moins simples avec l’entourage : le déni de beaucoup, longtemps, encore maintenant parfois… Et la fratrie ? Que faire ? Que dire ? Et Comment ? Mon mari était favorable à ce que l’on n’en parle qu’à l’aîné parce que 16 ans , parce que plus à même de comprendre… J’ai dit non : n°2 et n°3 étaient tout aussi en capacité de saisir les choses… D’accord, ils avaient 8 et 6 ans à l’époque… Mais j’avais confiance en mes deux petits extraterrestres : à 3 ans, mon fils s’est une nuit levé pour me dire qu’après avoir bien réfléchi, il était convaincu que Dieu et la Nature, c’est la même chose. Ma fille était à peine plus âgée quand elle m’a demandé à quoi sert l’Homme sur Terre… Je crois pouvoir dire qu’ils avaient les références intellectuelles pour appréhender la différence de leur petit frère…

Parce que la différence est le fondement de notre famille. Je l’ai déjà dit : n°1 est « dys » tout et n°2 et 3…ben n°2 et 3, quoi !!! Un jour, ma fille a très sérieusement avoué à notre médecin de famille : « tu sais qu’on est une famille bizarre ? Mon grand frère comprend tout à l’envers. Mon petit frère, Maman et moi, on est super hyper précoces. En plus, Maman est folle. Et mon petit petit frère fait tout dans le désordre. Et Papa ? Le pauvre, il nous supporte «  !!

Alors je me suis jetée à l’eau et j’ai annoncé la couleur. Je n’ai pas voulu que le moment soit solennel. Pas de « conseil de famille » ou de « les enfants, asseyez-vous, on a un truc à vous dire  » : ça aurait mis de la gravité là où je m’échine à ne pas en mettre. J’ai dit ça à table, entre la Vache qui rit et le Flamby. Je n’ai jamais été aussi peu sûre de moi. Je n’avais pas de réponses toutes prêtes, pas de plan d’attaque. Mais j’y suis allée : « vous savez que Bouchon a passé plein d’examens ? On a eu les résultats : il est autiste « . 

Paradoxalement, celui qui a eu le plus de mal à digérer la nouvelle, c’est n°1 : il a pleuré. Pas pour lui : il a eu de la peine pour son petit frère.« Ca va être quoi sa vie ? Alors il est handicapé ? « . J’ai rassuré : « sa vie sera celle qu’on va l’aider à se faire. Non, ton frère n’est pas handicapé. Enfin si, mais pas plus que toi qui es gaucher (je sais, lui aussi cumule!!!) ou que moi en hauts talons dans un champ : quand tu dois couper un truc avec des ciseaux de droitier, tu n’y arrives pas forcément. Bouchon, c’est pareil : il a besoin des bons outils. Et on va lui donner « … « Oui ben d’ailleurs, tu pourrais me racheter des ciseaux pour gaucher steup ? « . Premier écueil passé avec succès…

Je suis très fière de n°1 : ce n’est pas mon fils mais c’est tout comme pour moi. Il a aujourd’hui 17 ans. Mais quand je le vois s’occuper du Bouchon, le changer, lui donner son bain, chahuter avec lui, le virer de sa chambre parce que « nan mais sérieux quoi !! « , je me dis que ça va le faire…C’est comme si l’autisme de son frère l’avait fait un peu plus mûrir. Comme s’il se sentait une responsabilité vis-à-vis de cette jolie frimousse aux cheveux bouclés… »Petit Frère deviendra grand  » comme il dit…

Il fallait passer aux deux autres. Je savais que leur réaction ne serait pas la même : j’allais devoir répondre à une rafale de questions toutes plus analytiques les unes que les autres. Ca m’a pris une heure et j’ai survécu à l’interrogatoire ! A la fin de ma garde à vue, j’ai demandé « Alors ? Qu’est-ce que vous en pensez ? « . N°2 m’a avoué qu’au moment présent, il ne voulait pas dire que Bouchon est autiste : « j’ai peur qu’on se moque de lui et que ça le rende triste « … J’ai repris mon bâton de pèlerin :

« je comprends ta réaction et c’est très gentil de ta part de penser ça. Mais tu n’aurais pas aimé que l’on cache le fait que tu es précoce ? Parce que ça aurait été comme si on en avait honte ?

-Oui

-C’est pareil avec Bouchon…Et si des gens se moquent de lui, c’est qu’ils ne savent pas bien ce que c’est que l’autisme. Ce sera donc à nous de leur expliquer. Et s’ils continuent, alors c’est qu’ils ne sont pas intéressants….

D’accord… on va faire comme quand les enfants de l’ancienne école (j’ai du les changer d’établissement scolaire parce que leur précocité intellectuelle devenait un problème avec les autres enfants) se moquaient de nous : on va se serrer les coudes ! « 

Ma fille a été d’une simplicité incroyable, avec son serre-tête oreilles de chat dans les cheveux: « On avait bien remarqué que Bouchon était encore moins pareil que nous… C’est pas grave :  il est juste un peu plus différent  « .

J’ai quand même été attentive à n°3 et à la façon dont il intégrait les choses… Et je me suis dit que ça roulait quand, au détour d’une fête dans le village, il a énuméré à une ancienne camarade de classe tout ce que savait déjà faire le Bouchon « alors que tu sais, il est autiste « .

Je porte mes 4 enfants comme une fierté, chacun avec leurs différences. Et parce qu’ils sont différents. Une différence qu’ils affichent eux-mêmes comme un étendard. Chez nous, ne pas être typique n’est pas triste ou grave : c’est notre norme. J’ai l’habitude de dire que dans notre monde, nous sommes normaux… C’est lourd, c’est vrai mais le fait qu’ils n’entrent dans aucune case m’allège de facto de la responsabilité de leur faire accepter les différences des autres. Ce qui est pour moi une valeur essentielle. Avec eux, ça c’est fait !! D’office !!

Et quand je les regarde exprimer leur atypicité avec la fantaisie qui les caractérise tous, je me dis qu’ils sont peut-être un peu ratés mais que bon sang, ils le sont comme il faut !!

 

02 Fév

« Il progresse quand les autres grandissent… »

Samedi, le Bouchon a eu sa première séance de travail avec Monsieur… Monsieur, c’est le psychologue comportementaliste qui va désormais prendre en charge mon petit « atypique »… Une fois par semaine pendant une à deux heures… Et ça s’est bien passé ! Ce qui semble avoir passablement étonné Monsieur : « en général, les premières séances, je les passe à leur courir après dans toute la maison »… Mais pas le Bouchon… Y manquerait plus qu’il soit mal élevé !

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Quand le Bouchon a été pris en charge sur le plan psychomoteur, il n’avait pas encore un an. On lui a tout appris : à se retourner, à passer d’allongé à assis, à se mettre à 4 pattes… Ramper à plat ventre, on a lâché rapidement l’affaire : il préférait ramper sur le dos… Résultat : une belle tonsure de moine à l’arrière du crâne !

À force de séances de kiné et de psychomot, il a marché à Noël 2016 : « Le Bouchon marche ! Le Bouchon marche ! » Mon beau-père : « ben oui je vous ai dit qu’il marche depuis 3/4 jours. Vous n’avez pas voulu me croire ». C’est que c’était tellement inespéré… Personnellement, je ne pensais pas qu’il tiendrait debout un jour : il partait de tellement loin. Et bim : il marche… Il saute aussi mais il marche ! Ce qui m’arrange grandement : c’est toujours bizarre de voir un ado de 15 ans ramper sur le dos…

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Et j’en ai déjà un qui passe une partie de son temps vautré dans le canapé.

Un an et demi après la mise en place de tout ça, on s’est dit « allez chiche, il va parler ! » Et une séance d’orthophoniste en plus par semaine ! Il a (et du coup nous aussi) un agenda hebdomadaire de ministre : deux rendez-vous de psychomotricité, deux séances de kiné (il en avait trois jusqu’à peu) et une d’orthophonie… Alors on s’est re-dit « allez chiche, il va aller à l’école !« . Mais pour ça, il faut qu’il développe les interactions sociales avec d’autres personnes que celles de son entourage… En gros qu’il arrête de snober les nouvelles têtes et qu’il noue des liens…Bouchon est dans con monde. Mais son monde se situe souvent assez loin du nôtre. C’est genre Allô Jupiter ici la Terre ! Même distance, mêmes différences de composition. Dans le monde du Bouchon, y a des la musique, des comptines, des lumières de toutes les couleurs, des choses qui tournent… et le petit berger allemand de Pat Patrol, Chase, sur lequel il bloque littéralement… D’où Monsieur, histoire de le ramener un peu avec nous… Il va intervenir avec la méthode comportementaliste ABA (je reviendrai dans un autre billet sur cette méthode).

Et me voilà à faire mon métier de journaliste avec le psy de mon fils : questions/prise de note, prise de note/questions… Le pauvre ! Il a dû avoir l’impression de passer un interrogatoire ! C’est quoi ? Pour qui ?Quand ? Comment ? Avec quels outils ? Pour quel résultat ? Quel objectif ? Et j’inscris tout dans un joli petit cahier qui ne me quitte pas.

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L’objectif du moment, c’est évidemment qu’il parle : « il faut arrêter de le comprendre… Votre mode de communication non-verbal avec lui est bien trop élaboré… Pourquoi voulez-vous qu’il parle si vous le comprenez quand il se tait ?  » CQFD… Mais je me prépare à des tempêtes sous son petit crâne ! Et sous les nôtres !

Entre les premières notes et les dernières, Bouchon a progressé… Pour les autres enfants, on dirait plutôt qu’ils grandissent… Lui, il progresse… Et cette différence de langage me fait de la peine… Mais c’est tellement vrai : je n’ai jamais eu à apprendre quoique ce soit à ses frères et sœur… Ils ont tout fait naturellement… Bouchon, il faut lui tout lui montrer et travailler dessus… Manger seul est en cours d’acquisition : quand, avec des enfants typiques, c’est un jeu dont les ratés font rire, c’est un objectif de travail avec lui… Et quand il rate sa bouche, je ne ris pas : je me dis que nous ne sommes pas encore au bout du tunnel… Il va falloir que je travaille moi aussi… Sur ma façon d’envisager ses échecs… Parce que finalement, quand il se tartine les cheveux de purée, c’est aussi drôle que quand son frère mettait son nez dans sa mousse au chocolat…

 

 

24 Jan

« Heureusement qu’il est beau… !! »

Il va bientôt avoir 3 ans. C’est le dernier d’une fratrie de 4 merveilleux enfants. Et c’est celui qui bouleverse le plus toutes mes certitudes. Mes certitudes de mère. Mes certitudes de femme. Mes certitudes d’être humain. Mon Bouchon (c’est son surnom !!) est autiste…

Illustr Article 1« Oh mais modéré, léger… »…Oui mais quand même…Même si je me doutais depuis longtemps qu’entre lui et moi, les liens seraient différents de ceux que j’ai avec ses frères et sœur…Qu’entre lui et le reste du monde, la connexion serait parfois/souvent brouillée…Ironique quand on sait que mon boulot, c’est l’information numérique !!

A bientôt 3 ans, il ne parle toujours pas. Bon ok…Avec sa sœur qui a un truc à dire toutes les 5/6 secondes (Je sais! C’est pas sympa mais on s’amuse à chronométrer dans la voiture avec son frère aîné !!), ça fait une moyenne largement acceptable ! N’empêche : un « maman » même gloubiboulga de temps en temps, je prends tout de suite…Même un « non » !

Mon Bouchon est autiste…Il a probablement fait un AVC à la naissance qui lui a occasionné une paralysie du côté droit de son corps… Il a enquillé otite sur otite, ce qui l’a rendu sourd à plus de 50% pendant près de 6 mois…Devant ce tableau clinique déjà bien rempli pour le bébé d’un an qu’il était alors, l’une de mes amies m’a lancé un jour avec son humour ultra décalé : « Ha nan mais heureusement qu’il est beau parce qu’il est quand même tout pourri!! ». On a ri à en pleurer !!

Le Bouchon

Ma grand-mère et son bon sens terrien auraient dit de lui qu’il a été fait un jour de lessive !! Euh…Je m’excuse auprès de mon mari, mais honnêtement, je ne me souviens plus !!

Toutes ses petites misères, il les a surmontées avec l’aide des professionnels qu’il côtoie depuis qu’il a un an mais surtout parce qu’il a une volonté et une détermination incroyables pour un si petit garçon…Une sorte d’instinct de survie hors norme…Un vrai guerrier en couche !! C’est qu’il a déjà beaucoup de caractère le Bouchon !! Ceux qui me connaissent diront que les chiens ne font pas des chats…Y a du lion en  lui !!

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Même dans son diagnostic d’autisme, il n’en fait qu’à sa tête : « il ne rentre dans aucune case…Je suis sûre que ça doit plaire à quelqu’un comme vous qui n’aime pas les conventions !» Oui c’est vrai, je suis plutôt « carnaval » ! Mais en fait non !! Parce que des 4, aucun ne rentre dans une case : l’aîné est pratiquement « dys » tout et les 2 suivants à Haut Potentiel Intellectuel…Alors oui, j’en aurais bien pris un petit dernier un chouya formaté !!!

Parfois, souvent, je suis fatiguée…Parce qu’il n’est pas seul, parce que je dois garder la même attention pour ses 2 frères et sa sœur, parce que le boulot, parce que la maison, mon couple…parce que je suis fatiguée et c’est tout…Dans ces moments de découragements, je me dis « Heureusement qu’il est beau !! »…C’est comme ça que je dédramatise, que je prends du recul…

Je le regarde sauter vers moi (eh oui certains autistes se balancent, mon Bouchon, lui, il saute !!) avec ce grand sourire sur ses lèvres ourlées d’angelot pour se précipiter dans mes bras quand je rentre…Je caresse ses fines boucles châtain, je respire son odeur au creux de son cou et je me dis, alors que je n’arrive pas à capter son regard : « Heureusement qu’il est beau !! »…Et c’est vrai qu’il est beau…