Les vins dits « nature » ou « naturels », c'est quoi ?

La loi de 2005 obligeant la mention « contient des sulfites » sur les étiquettes des bouteilles de vin a éveillé chez le consommateur curiosité mais aussi crainte. Ainsi est née une demande de sa part de vins avec moins de soufre voire sans soufre. De nombreux producteurs se sont intéressés à cette « niche » en élaborant des vins répondant à cette demande.

Avant de voir comment ces vins se distinguent sur le marché, voyons comment le vin se comporte lors de sa vinification.

Nous avons vu dans le texte précédent combien il était compliqué et hasardeux de supprimer simplement l'ajout de soufre dans le vin. En effet, le vin est une matière vivante qui peut facilement s'altérer. Son grand ennemi est l'oxygène qui peut lui nuire de deux façons :

La première en oxydant certains de ses composants comme la couleur, les tanins des vins rouges, la matière aromatique... En conséquence le vin se trouble, la couleur des vins blancs devient jaune foncé, voire ambré et celles des vins rouges brunit fortement. Les arômes sont altérés et laissent place à une forte odeur d'oxydation.

La seconde en favorisant le développement de levures et bactéries avides d'oxygène. C'est le cas notamment des bactéries acétiques qui, transformant une partie de l'alcool en acide acétique, produisent le vinaigre.

Pour éviter ces déviations l'emploi du SO2 a toujours été d'une grande efficacité. Ceux qui aujourd'hui prônent sa forte diminution ou la suppression de son emploi doivent, en contre-partie, faire preuve d'une rigueur et d'une surveillance de tout instant. Il s'agit de maîtriser techniquement l'élaboration et le conditionnement des vins pour limiter la teneur finale de SO2 en bouteille.

La production de tels vins existe, comment les repérer dans les magasins et qu'en est-il de leur qualité ?

Plusieurs mentions, comme « vin nature » ou « vin naturel » ou « vinification naturelle » ou encore « sans soufre ajouté » figurent sur les étiquettes. Le problème qui se pose est qu'il n'existe à ce jour aucune disposition réglementaire concernant ces mentions, d'où confusion possible dans l'esprit du consommateur. En effet, mentionner « vin naturel » ou vinification « naturelle » voudrait dire que les autres vins ne le sont pas, ce qui est totalement faux puisque 99,8% des vins sont naturels.

Il faut signaler la création de l'AVN (Association des vins naturels). Elle a créé un logo que les adhérents peuvent utiliser à condition de s'engager à respecter la « philosophie » de l'association. Elle considère que l'absence de sulfites ajoutés est un objectif et non une obligation, elle autorise donc l'addition de faibles doses de sulfites.

Pour ce qui est de la qualité de ces vins, le moins qu'on puisse dire c'est qu'elle est très hétérogène.

Il y a une réussite, la gamme « Naturae » des domaines Gérard Bertrand dans le Languedoc. Cette réussite est due à trois année de recherche développement en ne négligeant aucun détail, tout est suivi de la vigne jusqu'à la mise en bouteilles. Ces dernières sont sombres, anti-UV, bouteilles noires pour les vins rouges, fumées pour les vins blancs. Bouchons naturels à diamètre large pour les rouges, capsules à vis pour les blancs et rosés. Le domaine a fait de gros investissements dans l'outil de conditionnement pour la maîtrise de l'oxygène (utilisation de l'azote à tous les stades), flash pasteurisation, filtre tangentiel pour garantir l'absence de micro-organismes dans le vin.

J'ai l'occasion, dans les différents salons que je fréquente, de déguster des vins « nature », je dois dire que je suis souvent déçu par les défauts que j'y trouve, défauts justement dus à l’oxydation. Le pire, c'est récemment deux vins blancs, belles bouteilles et très belles étiquettes, mais le vin était franchement « piqué », c'est-à-dire un taux d'acidité volatile élevé au point où je me demande s'il était encore marchand. Il faut savoir qu'un vin dont le taux d'acidité volatile dépasse le seuil de 0,9 grammes par litre n'est plus commercialisable, sa seule destination reste la vinaigrerie.

La tendance à élaborer des vins à faible dose de sulfites ou sans sulfites ajoutés est en route et c'est une bonne chose. Mais visiblement il y a encore beaucoup de progrès à faire pour une bonne maîtrise de ces vins afin qu'ils soient de qualité, car le vin doit rester un plaisir et sans qualité il n'y a pas de plaisir.

Les vins dits « nature » se trouvent chez certains cavistes qui se sont spécialisés, il y en a à Paris chez DIVINO, par exemple, et dans presque toutes les régions. Les achats en ligne sont également possibles. Une liste complète de cavistes sur www.vinsnaturels.fr