Zizanie à l'UMP parisienne : Roxane Decorte ira-t-elle seule aux élections ?

Roxane Decorte, au marché de l'olive, dans le 18e arrondissement de Paris.

"Je ne touche plus terre". Depuis que Roxane Decorte a été éjectée de la liste UMP du 18e arrondissement, et a promis de monter la sienne "100%" locale, avec sa "dreamteam", elle se dit assaillie de coup de fils. C’est que le temps est à la dissidence au sein de l’UMP depuis que Charles Beigbeder a lancé sa liste “Paris Libéré”.

 

Cuir sur le dos, elle déboule dans un café du marché de l’Olive (à deux pas de la Goutte d’Or) où elle a ses habitudes. Elle partage son plus large sourire, serre quelques mains, s’assoit promptement sur une banquette et parle à 200 à l’heure.

Roxane Decorte, 43 ans, est une enfant de l’arrondissement. Elle est née à La Chapelle et ne manque jamais de rappeler qu’elle vient d’un milieu populaire dans un parti où ce n’est pas vraiment la règle. Son parcours militant commence à 17 ans. Elle croise Benoist Apparu, puis Philippe Séguin, "celui qui m’a donné ma chance".

Depuis, la prof d’histoire-géo est devenue une figure de la droite dans le quartier, où, quand on est à l’UMP, "il ne faut pas avoir de problème d’ego". Aux dernières municipales, la gauche a raflé 12 des 14 sièges de l’arrondissement. Tête de liste, elle a arraché le sien. En 2012, aux législatives, face à Daniel Vaillant, elle a été écrasée, ne récoltant que 27,16% au second tour (pdf).

"NKM m’a collé une balle dans la tête"

Le 21 décembre, quand Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM) et ses alliés publient les premières ébauches de listes par arrondissement, tout roule pour Roxane Decorte. Elle est numéro 2 derrière Pierre-Yves Bournazel. Si tout se passe bien, elle gardera son siège.

Le 24 décembre, les deux femmes se retrouvent lors d’une journée au cirque, pour les enfants, "que j’organise depuis 15 ans. NKM cherchait une photo. Elle s’est greffée sur mon opération". Sur sa banquette, Roxane Decorte enrage : "Elle a tenu la main de ma fille pendant une demi heure".

https://twitter.com/RoxaneDecorte/statuses/418457171714531329

Car, une semaine plus tard, quand elles se reparlent, le ton n’est plus du tout le même. "Le 1er janvier, à 16h52, Nathalie Koscisuko-Morizet m’appelle. Elle ne me dit pas bonne année". D’après Roxane Decorte, NKM a un problème avec sa candidature. L’UDI de Jean-Louis Borloo aurait grincé des dents après le communiqué du 21 décembre et il faut rebattre les cartes. Fadila Mehal (UDI) doit prendre sa place de numéro 2. Decorte éjectée, elle semble la victime collatérale d’un jeu de chaises musicales. La candidate à la mairie de Paris lui aurait alors proposé "un job" de chargée de mission au groupe UMP avec rémunération équivalente à celle de conseillère de Paris, affirme l'ex-candidate. Bref, "NKM m'a collé une balle dans la tête le 1er janvier pour bien commencer l’année".

Roxane Decorte se défend de vouloir défendre son mandat mordicus. Elle vante son "ancrage local" et dénonce les parachutages, "encore plus si on a voté Hollande". Pour elle, c’est "faire le jeu du FN".

 

Une condamnation

En face, NKM explique au JDD vouloir faire les choses comme elle "les sent". "Je propose un double mouvement, de renouvellement et d’élargissement. Le choix que j’ai fait est peut être compliqué aujourd’hui, reconduire les anciennes listes aurait été plus simple. Mais je ne peux pas remplacer un clan par un autre".

En "off", des responsables UMP se font bien plus directs auprès de France 3 Paris Ile-de-France pour expliquer son éviction. Ils pointent une récente condamnation à 4 mois de sursis et 6 000 euros d’amende pour abus de confiance, d’une association prenant en charge des personnes âgées.

"Abus de confiance, ce sont des mots qui parlent aux gens et à nos électeurs. Et en plus dans une affaire qui concerne des personnes âgées. Ce n’était pas possible", glisse un conseiller de Paris. Un partisan de Fillon, comme Roxane Decorte, ajoute qu’"à Paris, on aime bien Roxane mais cette condamnation était un problème". Et un membre de l’équipe de campagne de lâcher que "Nathalie apprécie Roxane, mais elle a toujours dit que cette condamnation était un problème. Elle a voulu lui laisser une dernière chance de s’expliquer pendant les vacances. Mais Roxane est toujours dans une forme de déni, elle ne voulait pas s’expliquer ni s’ouvrir sur sa négligence. Ca devenait un problème."

Dans le café, Roxane Decorte brandit une photocopie du chèque de 32 300 euros qu’elle a adressé à l’association dont elle dit être toujours présidente. Elle parle d’une “erreur juridique” dans sa gestion de l’association, rappelle qu’elle a choisi un “plaider coupable”, que sa condamnation ne concernait pas son mandat et qu’elle n’a pas été frappée d’inélligibilité.

Reste que l’élu communiste Ian Brossat ne manque pas une occasion de rappeler sa condamnation.

 

 

Ira-t-elle seule aux élections ? Elle semble hésiter. "Je ne veux pas faire 100 voix”, mais "je ne risque pas de faire perdre le 18e arrondissement, je veux laisser le choix aux habitants". Sur Twitter, elle distille les noms de ceux qui seraient prêts à la suivre. Mais elle rappelle que son exclusion de l’UMP n’est qu’à titre préventif car elle n’a pas encore décidé si elle allait mener une liste.

 

 

Quant à Beigbeder, "je regarde, je suis intéressée par la démarche, mais je dois réfléchir encore un peu". En sortant dans la rue, elle se fait alpaguer par les passants : "Qu’est-ce qu’ils vous ont mis avec votre condamnation". Elle tutoie, garde le sourire, argumente. "Non, non, je ne suis pas une dissidente. Oui, oui, je vais lancer une liste 100% 18e arrondissement".