Oscar Pistorius : une tragédie moderne

L'athlète sud-africain Oscar Pistorius lors de son procès à Pretoria (Afrique du Sud), le 17 octobre 2014. (WERNER BEUKES / AFP)

La sentence est tombée ce matin : Oscar Pistorius a été condamné à cinq ans de prison ferme pour l'homicide involontaire de son épouse. Cette condamnation clôt une année et demie d'un feuilleton policier et judiciaire où chaque spectateur a eu tout loisir de se transformer en détective puis en juré amateur. Il faut dire que cette affaire a de quoi interpeller, que ce soit par les circonstances troubles de la mort de Reeva Steenkamp, par les moments forts d'un procès hautement médiatisé et ou par le verdict jugé clément par tous les observateurs (Oscar Pistorius échappant à l'accusation aggravante de préméditation).

Mais plus encore, l'affaire Pistorius fascine car c'est une tragédie, dans le sens classique du terme. L'histoire d'un homme, amputé de ses deux jambes à l'âge de 10 mois, et qui, par la force de sa volonté (aidée quand même un peu par la technologie) s'est hissé au rang de héros moderne. Un demi-dieu du stade, sortant de la prison du handicap où l'avait sans doute plongé un mauvais esprit, et défiant même les champions valides sur leur propre terrain. Plus de handicap, plus de valide, mais juste une poignée de champions prêts à en découdre devant les dieux de l'Olympe (rebaptisés, depuis le siècle de Périclès, d'une manière plus modeste :  "Membres du CIO").  Et puis, la nuit de la Saint-Valentin (vous apprécierez la symbolique ...), Oscar Pistorius tire sur sa compagne mannequin (véritable Aphrodite des temps modernes) de quatre balles de révolver, alors qu'il est justement assis sur le trône ! Et que ce soit celui des toilettes n'y changera rien ! Nous sommes bel et bien là dans une vraie tragédie avec in fine, un Pistorius chutant brutalement des cimes  et retrouvant la prison,  la vraie cette fois. Une prison qu'il s'est lui-même construite par un acte insensé pour le commun des mortels.

Jouant les oracles, les néo-grunges de Creed avaient prédit, sans le savoir, le verdict d'aujourd'hui  dans leur chanson My Own Prison aux airs un peu grandiloquents de jugement dernier.

Avec cette fin cruelle : "Je pleure à Dieu, guettant seulement sa décision / Gabriel se lève et confirme /J'ai créé ma propre prison"