Cette semaine vient d’être lancé le premier site de fact-checking dédié à l’éducation : « Les déchiffreurs ». Ce collectif regroupe des professionnels de la statistique, des parents d’élèves, des syndicats, diverses associations, observatoires et groupes de recherche. Leur objectif est « de présenter des données scientifiquement fondées qui permettent de contrer les allégations mensongères ou fantaisistes que certains font circuler sur notre système éducatif, de faire connaître les données utiles au débat public qui pourraient être occultées ou censurées ».
Si le fact-checking explose en France durant cette campagne présidentielle (le bobaromètre issu du Désintox de Libération, le Guéantomètre de Slate, le Véritomètre d’iTélé & Owni mènent la chasse aux mensonges et aux approximations des candidats), de nombreux blogs et sites web tentent de rétablir depuis plusieurs années certaines vérités mises à mal par la communication madrée des politiques, et singulièrement du gouvernement en place.
L’histoire retiendra que c’est durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy que ce besoin s’est fait sentir chez de nombreux citoyens s’emparant d’un outil Internet parfaitement adapté (ressources disponibles, audience immédiate et illimitée). Ce n’est pas un hasard : on sait à quel point l’ère Sarkozy aura été celle de la communication millimétrée, des chiffres en toute subjectivité, des « éléments de langage » et des trouvailles sémantiques à visée désinformative (la semaine dernière encore le Président vantait « la baisse de l’augmentation » du chômage, qui m’a aussitôt rappelé l’oxymore culotté de la « croissance négative »). La méthode Sarkozy aura donc engendré son propre remède.
Ce n’est pas un hasard non plus si le premier site de fact-checking entièrement dédié à un domaine spécifique concerne l’éducation. Xavier Darcos et plus encore Luc Chatel ont piloté le ministère de l’Education Nationale par la communication, le contrôle de l’information et la manipulation chiffrée. L’Insee, la Cour des Comptes, le Haut Conseil de l’Education (HCE) ont entre autre eu à rétablir certaines vérités contre le ministère, dont la dérive communicationnelle (données retardées, dissimulées, études jamais parues…) a été maintes fois dénoncée.
Parmi les fondateurs des « déchiffreurs » figurent des statisticiens issus de la DEPP (Direction de l’Evaluation, de la Prospective et de la Performance), lesquels se sont insurgés à plusieurs reprises contre l’opacité de la communication ministérielle et le transfert des études à la DGESCO (Direction Générale de l’Enseignement Scolaire), service interne d’un ministère devenu juge et partie… Face à ce brouillage du signal le HCE avait tiré la sonnette d’alarme : « Il est essentiel que, dans notre démocratie, les données concernant les résultats de notre système éducatif soient objectives, donc incontestables ».
C’est précisément ce que « les déchiffreurs » se proposent d’apporter au débat public pour la fin de cette campagne électorale.
Nota : les premiers articles sont déjà en ligne (sur les chiffres gonflés des bacheliers professionnels et du nombre de « décrocheurs », sur la hausse des effectifs scolaires).
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