On se dit qu’il pourrait être les meilleurs amis du monde, en tout cas de la chanson française. On se dit que 4 ans seulement les séparent mais que visiblement rien ne les rassemble. On sait que le milieu du show bizness est fait de jalousies, d’inimités mais qu’après tout cela il n’est question que de paroles et musique et d’un art que Gainsbourg qualifiait de mineur.
Ils sont en cette fin d’après midi de ce mardi assis à quelques mètres de distance dans la salle d’audience de la 17 ème chambre correctionnelle de Paris. L’un est plaignant. L’autre est témoin de la défense. Ils ne se regardent pas. On peut même dire qu’ils s’ignorent.
Ce n’est pas un spectacle mais une affaire de justice qui les réunit tous les deux sur la même affiche. Ils ont débuté leur carrière dans les mêmes années, dans les mêmes cabarets. Avec les mêmes ustensiles : des mots et des notes. Avec la même arme : une guitare.
Chacun a un bon compte à la SACEM. Leurs droits d’auteur leur assurent une fin de carrière aisée. Chacun vient de sortir de nouvelles chansons. « Le meilleur des choses » pour celui qui réside à Garches. « La femme voilée » pour celui qui vit à Nangis.
Et pourtant, alors que selon la formule consacrée, on dit que la musique adoucit les mœurs, il règne une tension énorme dans cette salle du palais de justice.
Pierre Perret poursuit en diffamation et en injures publiques une journaliste du Nouvel Observateur. Celle-ci a écrit que, contrairement à ce qu’il avance depuis des années, l’auteur des « Lili » n’a jamais rencontré Paul Léautaud, un écrivain misanthrope un peu oublié aujourd’hui. Dans son article, la journaliste dresse un portrait peu flatteur du chanteur, le décrivant comme menteur, imposteur et pilleur des œuvres de Brassens….
L’ennui, c’est que notre consœur a publié son enquête avant de rencontrer l’intéressé. « Cela fait 4 mois qu’elle préparait son coup, a dit Pierre Perret à l’audience, elle ne pouvait pas attendre 3 semaines ».
Interrogé à la barre, le chanteur évoque avec visiblement de l’émotion dans sa voix ses nombreuses rencontres avec Léautaud. Son avocat, Maître Szpiner présente au tribunal un livre de l’écrivain dédicacé par l’auteur en août 1954. Un autographe est-il une preuve suffisante ?
Face à ces attaques, Perret se défend : « Je bois dans ma tasse. Je ne dois rien à personne (…) Pourquoi j’aurais inventé tout cela. Pour briller auprès de qui ? »
Qu’est ce qui vaut à Perret ce qu’il qualifie de « tissu d’ignominies » ?
On a un élément de réponse quand Guy Béart fait son entrée dans la salle d’audience. L’auteur de « la Vérité» s’assoit devant le micro et raconte sa vérité sur Perret. Un énorme contentieux existe entre les deux artistes. Béart, qui vit entouré de chats, sort ses griffes. Sur Brassens, Léautaud, Fallet et leurs propres parcours artistiques, ils n’ont pas la même version. Dans son ouvrage paru en 2008, « A Capella », Perret égratigne Béart. Résultat, ce dernier appelle le Nouvel Observateur pour rétablir sa vérité. S’en suit l’article de Sophie Delassein et le procès de ce jour.
En guise de réparation, Perret demande contre la journaliste et l’hebdomadaire la somme de 215 000 euros.
A cette rancœur entre deux interprètes, à ce règlement de comptes qui n’a rien de mélodique, à ces accusations sur des faits qui remontent pour certains à près de 60 ans, la justice consacre deux jours d’audience….