Jérome Kerviel attendait beaucoup des comparutions de ces supérieurs hiérarchiques. Pas sûr que l’essai ait été transformé.
Eric Cordelle était son N+1. Autrement dit son chef de service direct. Il a pris es fonctions en avril 2007. Depuis trois mois, son siège était resté vide. Son prédécesseur n’avait pas été remplacé. A l’audition de son témoignage, un point frappe tout de suite les esprits. Eric Cordelle était-il le bon casting ? Car l’homme, polytechnicien et ingénieur de formation semblait totalement étranger au monde des traders. « Je ne maîtrisais pas leur vocabulaire » reconnait-il. Conséquence, Eric Cordelle évoque son rôle comme celui d’un manager, charger de recruter des titulaires et des stagiaires, mais aucunement comme étant un homme de terrain, capable de donner un coup de main à ceux qu’il est chargé d’encadrer.
Eric Cordelle travaillait aux cotés de ses traders mais ne faisait en aucune façon le même métier. « Entre Kerviel et moi, il y avait 25 écrans, dit-il, et je ne voyais aucunement les ordres qu’il passait ». Un argument que reprendra dans l’après midi Martial Rouyère, le N+2 de Kerviel.. « Rien ne différencie le clic d’une souris qui fait acheter 100 000 euros de celui qui vous fait acheter des milliards ».
Les deux supérieurs hiérarchiques, entendus séparément, sont d’accord. Rien dans le comportement de Kerviel ne les a alertés. « Il avait notre confiance. Pour nous c’était quelqu’un de sérieux, qui travaillait bien, de performant. On pouvait compter sur lui. »
Pour Eric Cordelle, le problème dans une salle de marchés « n’est pas de gagner ou de perdre de l’argent, c’est celui de mentir. Le devoir n°1 est d’être honnête, transparent ».
Pour les transactions, la limite était fixée à 125 millions. « Elles étaient dépassées assez régulièrement » reconnait M. Cordelle. « Jusqu’à 130, 140. Une fois jusqu’à 200 » Mais jamais au niveau où Kerviel est monté.
Les deux témoins sont d’accord. A aucun moment, ils ne pouvaient suspecter une telle fraude. « Ce n’est pas notre culture dans une banque. A aucun moment, nous n’avons été sensibilisé à un tel risque » disent-ils en chœur.
A la barre, les 2 ex-collègues n’ont jamais accablé le prévenu d’une manière violente comme l’avait fait d’autres cadres au début du procès. Mais leur jugement est tout autant sévère. « Il a bien démoli ma vie personnelle et ma vie professionnelle » lâche Eric Cordelle. « Par cette fraude, il a détruit des années de travail. C’est une immense blessure » ajoute Martial Rouyère.
La direction générale de la banque écarte toutes responsabilités dans le crash qu'elle a subi en janvier 2008. Elle en a pourtant tiré des conclusions. Les deux supérieurs de Kerviel ont été licenciés par la Société Générale dans les mois qui ont suivi. Le premier cherche un emploi. Le second a trouvé un poste dans une autre banque. Deamin, le tribunal entendra dans l'après midi, l'ex PD-G, Daniel Bouton. Poussé à la démission en 2009.