C'est probablement un signe de son malaise face à ses juges. Se tenant debout au micro, les bras croisés, Jérôme Kerviel penche régulièrement sa tête vers la gauche pour fixer le sol. Comme si celui ci allait se dérober sous ses pieds. Dans l'après midi, c'était le ciel qui ponctuait ses déclarations. Plusieurs fois des éclairs et des coups de tonnerre ont forcé le prévenu à interrompre sa déposition.
Au 5ème jour de son procès, le jeune homme reste sur ses positions. "Je suis d'accord avec vous, j'ai poussé le système un peu loin". Jean Michel Aldebert, l'un des deux procureurs, tente d'amener le prévenu à aller plus loin dans ses réponses.
"Pourquoi êtes vous le seul à avoir pris des positions de plusieurs milliards?". "Je ne suis pas allé voir sur les autres postes" répond du tac au tac J Kerviel. "Vous dîtes que votre hiérarchie savait. C'est par déduction ou vous en avez la preuve?". "Ils avaient des indicateurs devant eux" rétorque l'ex-trader.
Depuis le début d'après-midi, le tribunal a amorcé le second volet du dossier: les opérations fictives. Pour le président du tribunal, il s'agissait de masquer soit des positions directionnelles et leurs conséquences, soit de masquer un résultat acquis. Autrement dit, masquer des pertes ou des gains comme ceux que J Kerviel a réalisé en décembre 2007 et qui s'élevaient à 1,4 milliards d'euros. "Les chiffres que je sortais étaient complétement délirants. Tout ce que je faisais l'était au su et au vu de tout le monde" répète inlassablement Kerviel. "Pourquoi le faisiez-vous ?" interroge le président Pauthe. "Pour maintenir l'apparence du respect des positions" enchaîne le prévenu.
Des réponses qui ne satisfont visiblement pas le président du tribunal. "Vous dîtes que ce n'était pas crédible et dans le même temps vous dîtes que c'était pour sauver les apparences". "C'est délirant, je vous le concède mais ce sont des pratiques qui existaient avant moi".
Amenée à donner la position de la banque, Claire Dumas, cadre de la Société Générale assis sur le banc des parties civiles, reconnait qu'à chaque fois que des explications étaient demandées au trader, ce dernier était très convaincant. "Vous vous êtes livrés à une forme de cache-cache?" s'inquiète alors le magistrat. "C'est un peu un sport national dans les salles de marchés" réplique Jérôme Kerviel.
Et c'est le sentiment que l'on éprouve à l'issue de cette audience. Il savait qu'il "misait" gros. Il était persuadé que les systèmes de controle étaient suffisamment performants. Alors Jérôme Kerviel s'est-il comporté comme un joueur invétéré qui a tout fait pour se faire prendre?