Trois heures de réquisitoire pour dire aux 5 prévenus corses leurs 4 vérités. Logiquement le procureur Alexandre Plantevin s’est focalisé sur les complices présumés de la cavale d’Yvan Colonna. Comparaissant détenu dans un box vitré, le berger de Cargèse jugé pour détention d’armes et de munitions retrouvés dans la bergerie d’Olmeto a joué hier, malgré lui, les seconds rôles de cette audience.
Trois heures durant les mots claquent comme des petits tonnerres, comme pour mieux jeter la foudre contre des individus que l’on ne veut surement pas blanchir. « Duplicité », « lâcheté », « petite main sale et laborieuse » à l’intention de Marc Siméoni, suspecté d’avoir prêté à plusieurs reprises son appartement de Bastia au fugitif. Le procureur provoque même la stupéfaction du public, en majorité favorable aux prévenus, en lançant un étonnant « je vous ai trouvé d’une triste médiocrité »
Rejetant la thèse de l’hospitalité avancée par Patricia Gattececa, le procureur parle « d’imposture ». Faisant allusion à Colonna, Alexandre Plantevin s’adresse à l’enseignante chanteuse par ses mots : « Vous l’avez acquitté d’office, sans le moindre procès, sans lui poser la moindre question (…) Il faudrait trouver d’autres idoles pour vos enfants que cette triste figure qui est dans le box ».
Marc Siméoni et Patricia Gattececa sont sortis de la salle d’audience en furie, dénonçant les propos « racistes » du représentant de l’accusation. "Un réquisitoire contre la Corse" dira la prévenue. "On n'a pas vu cela depuis la cour de sureté de l'Etat" renchérira M° Pascal Garbarini. Le procureur avait pourtant terminé son réquisitoire en prônant la clémence et l’apaisement. Soulignant que la situation était plutôt calme sur l’île de Beauté, le procureur a requis des peines de prison qui se voulaient symboliques. « Prononcer une peine de prison ferme n’aurait pas de sens » sont ces propres termes.
Alexandre Plantevin a énoncé un quantum de peine qu’il est assez rare d’entendre dans un réquisitoire. 4 ans contre Frédéric Paoli, le propriétaire de la bergerie dans laquelle Colonna a été arrêté. 4 ans contre Patricia Gattececa et 5 ans contre Marc Siméoni. Des peines lourdes compte tenu que les prévenus encourent jusqu’à 10 ans. Mais des peines pour marquer le coup puisque le parquet demande qu’elles soient assorties totalement du sursis.
En revanche en peine complémentaire, le procureur requiert pour ces trois prévenus une privation des droits civiques et civils d’une durée de 5 ans. Si le tribunal suit cette dernière demande du parquet, ces peines complémentaires auront des conséquences évidentes pour leurs carrières. Pas de sanction de liberté en vue mais une sanction professionnelle.
Deux ans ont été requis contre Yvan Colonna. « Après 4 ans de clandestinité, il n’a pas renoncé à la violence » devait préciser le procureur. Le 23 juin prochain, la cour de cassation se penche sur le pourvoi formé par ses 5 avocats. Ses derniers se disent confiants dans une cassation et un nouveau procès. Maître Philippe Lemaire, avocat de Dominique Erignac, écarte vivement cette hypothèse, souhaitant que la justice mette un point final à cette affaire après 11 ans de procédure.