Le 7 janvier 2009, lors de l’audience solennelle de la cour de Cassation, Nicolas Sarkozy confirmait ce qui avait filtré quelques jours plus tôt dans la presse. Il formait en ce début d’année les vœux les plus chers pour que le juge d’instruction passe l’arme à gauche.
Un an plus tard, la mobilisation contre cette réforme actuellement en chantier à la Chancellerie se poursuit. Lors de l’audience solennelle de la cour de cassation le jeudi 14 janvier prochain, la place occupée l’an passé par le Chef de l’Etat le sera cette fois-ci par le Premier ministre. On ne sait pas encore si François Fillon prendra la parole. Seuls les personnalités, les avocats et les magistrats, pour la plupart des chefs de juridiction ou qui occupent un poste haut placé de la hiérarchie, munis de leur invitation pourront pénétrer dans la grande salle de la plus haute juridiction française.
A l’autre bout du palais de justice, probablement maintenus à distance par un cordon de gendarmeries renforcées, d’autres magistrats, avocats et greffiers feront part de leur mécontentement.
Deux heures avant l’arrivée du Premier ministre, ils se rassembleront sur les marches du palais dans la cour de mai à l’appel des « Etats généraux de la justice ». Une initiative soutenue par l’ensemble des syndicats de magistrats, par l’association professionnelle des magistrats instructeurs et par le Syndicat des Avocats de France.
Ils tenteront de remettre au chef du Gouvernement la pétition contre la suppression des juges d’instruction qui à ce jour a recueilli plus de 1 350 signatures. Parmi eux figurent des membres de la cour de Cassation dont certains seront présents dans la salle d’audience aux cotés de F Fillon.
Dans son appel, les « Etats généraux de la justice » demandent purement et simplement d’abord l’abandon du rapport Léger, qui a entériné les souhaits présidentiels et ensuite l’application de la loi du 5 mars 2007. Cette dernière institue la collégialité de l’instruction au lendemain du scandale de l’affaire Outreau. Rappelons qu’en quelques mois, le gouvernement a changé son fusil d’épaule. Après avoir adopté la mise en place des pôles d’instruction, il a rayé de la carte le magistrat instructeur.
Encore une fois, comme nous l’avons déjà évoqué ici, certains, à commencer par certains avocats et certains magistrats soutiennent cette révolution culturelle.
Au ministère de la justice, on persiste. On met en avant comme garde fou, le juge de l’enquête et des libertés, juge arbitre entre le procureur et les parties. Au ministère de la justice, on écarte toujours une ébauche de réflexion sur le statut du parquet.
Jusqu’où ira la grogne des professionnels de la justice ? Dans le passé, on les a vus boycotter des audiences solennelles, on les a vus défiler en robes noires autour des enceintes judiciaires. On se souvient il y a dix ans de cette marée humaine déferlant devant le ministère de la justice, image rare de ces magistrats jetant de dépit leurs codes de procédure pénale sur le pavé de la place Vendôme.
Sous les dorures de la salle de l’assemblée plénière de la cour de Cassation, le Premier ministre entendra-t-il cette colère qui monte ?