Un sentiment de déjà vu. Plusieurs des avocats des co-accusés de Fofana ont organisé hier une conférence de presse dans un des salons de la Maison du Barreau derrière le palais de justice de Paris. Il y a quelques mois, nous étions à la même place face à d'autres avocats alors que venait d'être rendu le verdict d'Yvan Colonna.
Autant les conseils du berger corse avaient réagi dans l'urgence, autant ceux des condamnés du dossier dit "gang des barbares" convoquent la presse à retardement. Plus d'une semaine après l'appel du parquet général à la demande pressante du gouvernement. 4 jours après que Fofana décide à son tour d'être rejugé.
Ils sont donc 20 conseils face à nous. Ils ne décolèrent pas. Aucun ne se souvient d'une telle intervention d'un ministre de la justice au lendemain d'un verdict. Récemment Rachida Dati avait exigé que le parquet fasse appel d'un jugement du tribunal civil de Lille dans une affaire de mariage annulé suite à un mensonge sur la virginité de la mariée.
Les avocats considèrent que cet appel est un précédent facheux dans la mesure où il vise au départ à critiquer des peines légèrement inférieurs aux réquisitions. "Est-ce une pression pour que les jurés rendent désormais des verdicts conformes au réquisistoire ? " s'interroge à juste titre M° Didier Seban.
Ils ne décolèrent pas non plus après leur confrère de la partie civile M° Szpiner. Non seulement pour eux, il a fait pression auprès des autorités politiques pour interjeter appel mais il mène également un combat pour faire passer une loi qui faciliterait la tenue de tels procès en audience publique et non plus à huit clos. Une "loi Spziner" soutenue aujourd'hui par Jack lang et par François Baroin, qui a un moment travaillé dans le cabinet de l'avocat de Mme Halimi. Une loi de circonstance, qui si elle était votée par le Parlement avant l'appel, sera applicable; N'oublions pas que la cour d'assises garderait la possibilité de maintenir la publicité restreinte des débats au regard du trouble à l'ordre public. Une éventualité que l'on ne peut écarter avec la présence à nouveau de Fofana dans le box.
Un autre avocat, M° Jean Balan, s'insurge de voir un ministre décidé d'un appel sur un dossier qu'il ne connait pas. Il semble d'ailleurs établi que la décision a été prise sans que le Procureur Général de Paris ne soit consulté, et même averti. Pourquoi tant de précipitation? Michèle Alliot-Marie répond à cela qu'elle souhaitait rendre public cette décision avant la manifestation prévue sous ses fenêtres en fin de journée par les organisations juives.
Sans conviction, ils demandent à être reçu par la Garde des Sceaux. Sans conviction, ils demandent que le parquet général retire son appel. Juridiquement ce dernier a pour cela tout son temps. Evidemment de préférence avant l'organisation du second procès. Si par miracle, le Procureur Général les suivait dans cette supplique, Fofana serait alors le seul à être rejugé.
Raisonnablement le second procès ne pourra pas se tenir avant l'automne 2010. Les avocats s'interrogent d'ores et déjà sur la légitimité de cette seconde cour d'assises qui aura été "saisie sur ordre politique" selon les propres mots de M° Françoise Cotta.
Dans quelques mois, la cour de cassation devra dire où ce dossier sera rejugé. La coutume veut qu'un dossier change de cour d'assises dans le ressort de la même cour d'appel. Le procès pourrait donc être audiencé à Bobigny, Créteil, Evry, Melun, Auxerre. mais la cour suprême peut également décider pour des raisons d'organisation et de sécurité de renvoyer le dossier devant la cour d'assises des mineurs de Paris autrement composée.