Une audience à huit clos. Un verdict commenté publiquement. C'est la constatation qu'il convient de faire aujourd'hui à propos du procès de Youssouf Fofana.
Rappelons ici quelques éléments de réflexion.
Pendant deux mois et demi, les audiences se sont déroulées en l'absence des journalistes. Seuls pouvaient assister aux débats les parties civiles, les avocats et les magistrats. la plupart des chroniqueurs judiciaires a déserté les couloirs du palais de justice. La cour d'assises des mineurs n'a fait qu'appliquer la loi. Lorsqu'un mineur devient majeur au moment de son procès, il peut choisir entre le débat public ou le huit clos. En son temps, Patrick Dils avait choisi la première solution. Dans le procès Fofana, les deux mineurs ont opté pour la seconde. C'est leur droit.
Certains journalistes ont néanmoins souhaité relater ce qui se passait dans une salle où ils n'avaient pas accès. Leurs seules sources d'informations furent alors des participants du procès qui étaient par nature, juges et partis.
Exclus du débat judiciaire, nous sommes dans l'impossibilité depuis vendredi soir de décrypter ce verdict. Ne sachant pas comment les accusés se sont défendus, ne sachant rien de leur itinéraire tant avant qu'après les faits, nous ne pouvons dire si les peines prononcées sont, comme le disent leurs avocats, mesurées, adaptées à leur personnalité.
Dès le soir du verdict, la famille Halimi par la voie de leur avocat a fait part de sa déception face aux peines infligées aux complices présumés de Fofana. Elle avait déjà exprimé sa déception après le réquisitoire qu'elle jugeait trop faible. Si la loi ne permet pas aux parties civiles de demander un quantum de peine, entendre les proches d'une victime dire leur amertume après un verdict n'a rien de choquant. C'est même légitime. Au surlendemain du verdict, des organisations juives ont apporté leur voie aux protestations des parties civiles. Des organisations qui n'avaient pas assistées et qui n'étaient, en aucune manière, parties prenantes au procès.
Sortant lundi du conseil des ministres, la nouvelle ministre de la justice a annoncé qu'elle avait saisi le parquet général de Paris pour un appel sélectif. Seuls 14 complices de Fofana seront rejugés. Ceux dont les peines prononcées sont inférieures à celles requises par l'avocat général.
On se souvient de l'expression de Rachida Dati. "Je suis le chef des procureurs". Sans reprendre à son compte cet axiome, M. Alliot-Marie exerce là des prérogatives que lui donne la constitution. Cet appel ministériel choque. Beaucoup voit là une intrusion du politique dans le judiciaire. Comme si cela était une nouveauté. Cet appel en haut lieu n'est pas exceptionnel. Mais reconnaissons qu'il est rare. Sur un plan purement juridique, il est bon de rappeler qu'en droit, une partie civile ne peut pas faire appel d'une condamnation ou d'un acquittement. La partie civile alors se tourne vers le parquet général. Dans cette affaire, M° Spziner a visé plus haut. Il a été entendu.
Tout au long du week-end, l'avocat général Philippe Bilger a défendu le verdict et par là même son réquisitoire. Il n'a pas ménagé sa peine. Il n'a pas hésité à donner de sa personne. Allant - du jamais vu - jusqu'à répondre en direct aux questions des auditeurs de France Inter, à accorder à France 3 une interview en bras de chemise dans son appartement parisien, avant de se faire rappeler à l'ordre par sa hiérarchie et ne de réserver ses états d'âme qu'aux lecteurs de son blog.
Le procès en appel ne devrait pas se tenir avant l'automne 2010. D'ici là, M° Szpiner par l'entremise des députés François Baroin et Jack Lang, aura peut être réussi à faire voter un projet de loi. Dans ce cas, la publicité des débats ne dépendra plus du mineur devenu majeur mais du président de la cour d'assises. Youssouf Fofana sera absent de ce second procès donc plus de risque de débordements, de dérapages, de provocations.
Mais un procès qui aux dires des juristes et des avocats de la défense sera tronqué. 14 accusés sur 27. Un peu plus de la moitié. Une partie du dossier sera donc rejugé en l'absence de l'autre. Un dossier saucissonné. Rappelons que le parquet général de Paris avait exclu l'hypothèse de disjoindre le cas des deux mineurs, considérant que l'on ne pouvait pas juger ce dossier sans toutes les pièces du puzzle. Ainsi en appel, on va rejuger l'un des mineurs et pas l'autre. Ce qui était valable hier ne l'est donc plus aujourd'hui?
Question? Qui soutiendra l'accusation en appel? SI les jurés et les magistrats changent, rien n'interdit le ministère public d'être représenté par la même magistrat. Quid d'un avocat général dont certains diront qu'il a subi un désavoeu de sa ministre après avoir dit qu'il s'agissait d'un verdict "exemplaire"? Quelqu'il soit, rien n'interdit le représentant de l'accusation de prononcer les mêmes réquisitions qu'en premiere instance?
Comme rien n'interdit non plus les 15 jurés de la cour d'assises d'appel des mineurs de prononcer des peines plus légères que celles de vendredi dernier.