Il faut bien l'avouer. Les chroniqueurs judiciaires que nous sommes, nous nous sommes trompés. Avant le début de ce procès en appel, nous pensions que nous allions assisté à un "remake", avoir un sentiment de déjà vu par rapport aux audiences de fin 2007. Erreur.
D'abord, on l'a dit déjà, l'ambiance n'est pas du tout la même. Plus électrique, plus volcanique entre la défense et la cour parce que la première joue son va-tout. Ensuite, certains témoins créent la surprise. Didier Vinolas en tête. D'autres ne sont plus aujourd'hui dans le même registre. Les membres du commando et leurs épouses. Leurs dépositions ne sont pas de la même veine. Plus péremptoires, plus affirmatives. C'est sans détour et en allant droit au but, comme si ils avaient envie d'en finir au plus vite avec les assises, qu'ils déclarent très rapidement à la barre qu'Yvan Colonna ne fait partie du groupe et qu'ils l'ont accusé à tort parce que son nom a été soufflé par les policiers lors de la garde à vue. Aujourd'hui ce fut au tour de Pierre Alessandri de tenter de convaincre les magistrats. "Quand j'ai vu le nom d'Yvan Colonna dans le PV de Maranelli, j'y ai vu une porte de sortie. Quand on m'a dit qu'il était en fuite, cela m'a convaincu dans ma mise en cause. Je n'étais pas prêt à reconnaître et à assumer ma responsabilité". L'argument est peut être difficile à entendre mais il est prononcé avec une certaine conviction.
Troublant, Alessandri rejoint Versini, Maranelli et Ferrandi, trois autres membres du commando déjà auditionnés ces jours derniers mais aussi Didier Vinolas, en disant que le groupe qui a agit à Pietrosella et à Ajaccio était composé de plus d'hommes que ceux qui ont été arrêtés et condamnés définitivement. le procès depuis plusieurs jours se resume à une équation assez simple. Il faut rajouter d'autres individus mais retirer Yvan Colonna. Une opération que ni l'accusation, ni la partie civile n'acceptent.
Dans ses rétractations réitérées au procès en appel chaque mot compte. Ainsi cet après-midi, Pierre Alessandri, qui a une nouvelle fois endossé le rôle du tireur, lache cette petite phrase. " A Yvan Colonna, je lui reproche d'avoir laissé Ottaviani et Maranelli aller au charbon. Il aurait pu franchir le pas. Il ne l'a pas fait". Enigme. Comment interpréter cette remarque? Colonna n'a-t-il pas participé du tout à l'action ou n'a-t-il pas rempli la mission qui lui était fixée par avance? Mystère. La question ne lui sera posée par aucune des parties.
Audience en tout cas surréaliste puisqu'il y a dans le box celui que l'accusation décrit comme l'assassin du préfet Erignac et qu'à quelques mètres de lui à la barre des témoins entre deux gendarmes, se trouve Pierre Alessandri qui s'accuse de ce crime depuis que sa condamnation est définitive.
Yvan Colonna, l'accusation et la partie civile sont au moins d'accord sur un point. Aucun ne comprend pourquoi les memebres du commando, hier accusateurs ont attendu si longtemps avant de le disculper. L'accusé interpelle en fin d'audition son ami. "Cela fait 10 ans que cela dure. Je ne comprends pas pourquoi vous avez tant de temps à dire le vérité!". La réponse revient comme un boomerang. " Pourquoi toi aussi tu as mis du temps. Personne n'imaginait que tu fasses une cavale aussi longue. Cela a conditionné ta culpabilité". Plus tôt dans la journée, Pierre Alessandri avait déclaré: "Moi, je n'aurais pas continué à couper des plantes dans le maquis".
Prenant la parole Yvan Colonna affiche une nouvelle fois sa méfiance vis à vis de la cour d'assises spéciale qui le juge. "On a longtemps dit qu'il fallait sauver le soldat Colonna. Maintenant, il faut sauver l'enquête, l'institution judiciaire, les juges Thiel, Le Vert et Bruguière, les policiers de la DNAT et Sarkozy. Lui, il faut surtout pas le déjuger. Vous allez me condamner au nom de la raison d'Etat.
Ce à quoi, le Président a répondu, "la cour est seulement là pour vous juger". Dont acte.