Dans un des nombreux couloirs du palais de justice de Paris, Maître Jean-Marc Florand, l'avocat d'Antonio Madeira, fait part aux journalistes de sa confiance totale dans la commission de révision. Pour lui, cette juridiction ne peut que lui donner raison dans sa requête d'obtenir un second procès dans l'affaire de ce père accusé de viol par sa propre fille. Il est alors 13h 57. L'avocat nous quitte pour rejoindre la salle d'audience où la presse n'a pas accès. A 14 h 05, M° Florand refait son apparition devant les caméras de télévision. Le visage est chiffonné, le sourire plus crispé. La réponse est non. La demande de révision est rejetée. Les magistrats de la commission ne transmettent pas le dossier à la cour de révision pour un second procès.
Les faits remontent à 1999. Une jeune fille agée de 14 ans fait une confidence à une de ses camarades. "J'ai été abusé par mon père". Ce secret se répand vite dans l'entourage scolaire de Virginie. Jusqu'à la directrice de l'école qui fera un signalement au procureur. Deux ans plus tard, Antonio Madeira, agé alors de 47 ans, est condamné à 12 ans de réclusion criminelle. Il faudra attendre septembre 2006 pour que Virginie revienne sur ses accusations. Sous la forme d'un livre intitulé "J'ai menti". Après une première demande de révision qui a échoué, après une demande de grâce adressée à la Présidence de la République, une seconde requête sera lancée par M° Jean-Marc Florand qui a obtenu par la même procédure l'acquittement de Patrick Dils.
Le lundi 27 février 2006, Antonio Madeira avait bénéficié à mi-peine d'une remise en liberté conditionnelle. Lors de la sortie du livre plaidoyer, le père et la fille étaient apparus réconciliés.
La défense avançait de son coté que les rétractations de la victime et une expertise révélant la virginité de cette dernière étaient des éléments inconnus lors du procès et de nature à semer le doute sur la culpabilité du père. Les magistrats n'ont pas eu la même approche du dossier. Dans leur arrêt que nous nous sommes procurés, il est rappelé que pour l'avocat général qui s'était opposé à cette révision "l'expertise privée produite ne saurait faire naître un doute sur la culpabilité d'Antonio Madeira partiellement avouée par ce dernier durant l'information judiciaire, puis totalement reconnue devant la cour d'assises aux termes même de la requête, culpabilité jusque là toujours affirmée de manière précise, réitérée et constante par une victime jugée crédible dans sa dénonciation".
De leur coté, les magistrats de la commission stipulent que les observations effectuées par les experts "n'apparaissent pas incomptibles avec les déclarations de la jeune fille" durant l'instruction. Ils rappellent également dans leur arrêt que "la jeune fille a, dès l'origine, pris conscience que ses accusations étaient susceptibles de conduire à l'incarcération de son père". Enfin, la commission note que " contrairement aux affirmations contenues dans l'ouvrage "J'ai menti", partiellement confirmées au cours du supplément d'information, Virginie Madeira a constamment réitéré ses accusations d'inceste" à plusieurs personnes: magistrat, éducateur, assistance maternelle, camarades, ainsi que sa propre mère.
Devant les journalistes, M° Florand s'est étonné de ce rejet, ultime preuve "d'une justice incapable de revenir sur la chose jugée".
Il nous est difficile ici de trancher. L'actualité judiciaire de ses dernières années nous a montré à quel point les dossiers de moeurs étaient les plus délicats à instruire, à interpréter, à commenter. Ce dossier comme beaucoup d'autres dans le passé repose en partie sur la parole d'un enfant. Nombreux seront ceux qui chercheront quand Virginie a menti. Pour la justice, c'est clair. C'est dans son livre.