Quatre voix se sont exprimées vendredi après midi pour être celle du prévenu Chirac absent. On oubliera celle de M° Marie Burguburu, trop agressive et en totale décalage avec la sérénité des débats. Celle de M° Eric Deceuze, qui fut pourtant le seul à plaider uniquement le dossier.
Jacques Chirac n’a pas entendu les deux ténors du barreau s’efforcer de le réhabiliter aux yeux de la justice.
M° Jean Veil a pour axe de défense de recadrer le dossier d’accusation dans le contexte de la mairie de Paris. « 35 emplois présumés fictifs litigieux, redescendus à 21 après l’application de la prescription. Sur 10 ans. Sur 40 000 employés de la mairie. Peut-on parler de système ? » interroge l’avocat.
Ce dernier reconnait qu’il a poussé l’ancien président à accepter, avec l’UMP, l’idée d’une transaction avec la Ville de Paris qui était alors partie civile. « Est-ce un aveu de culpabilité ? Surement pas. Un simple aveu administratif ». Nous verrons si le tribunal fait le même cheminement juridique.
M° Veil, qui a accompagné Jacques Chirac tout au long de la procédure après son départ de l’Elysée, a dressé un portrait de son « Chirac ». « Derrière la Corona, la tête de veau, les gauloiseries, il faut creuser profond. C’est d’abord un intellectuel, et un homme blessé par la vie, par la maladie de sa fille, ce qui le rend très attentif aux autres ». Sous entendu, vous ne pouvez pas lui reprocher d’avoir cherché à aider des proches en leur offrant un emploi…
Au début de sa plaidoirie, l’avocat a lu la déclaration que Jacques Chirac a écrite en mars et qu’il pensait lire au tribunal avant de quitter les débats. M° Veil assure que si Jacques Chirac « n’est pas venu, c’est qu’il ne pouvait pas le faire ». « J’aurai préféré qu’il fût là ».
Les mots de la fin allaient revenir à Maître Georges Kiejman.
Sans véritable note, l’ancien ministre de gauche a pendant près d’une heure mis toute son énergie de vieux ténor au service de celui qui est le personnage le plus emblématique de la droite.
Après avoir rappelé aux juges du tribunal qu’il avait « une responsabilité morale et politique immense », que leur « jugement transformera la vie de Jacques Chirac en destin », il souligna avec un brin de perfidie et de provocation que nous étions tous responsables du délai déraisonnable de cette procédure. M° Kiejman parti d’un postulat. Nous avions tous, tribunal, parquet, avocats compris, voté pour Jacques Chirac en 2002 pour faire barrière à l’arrivée de JM Le Pen. « Nous lui avons donc redonné 5 ans d’immunité présidentielle… »
« Quand on plaide l’homme, c’est qu’on veut obtenir les circonstance atténuantes » reconnait M° Kiejman. « Mais Jacques Chirac représente 50 ans de notre univers politique »
Alors l’ancien ministre va plaider l’homme. Plus exactement l’ancien Chef de l’Etat. Autrement dit peut-on condamner l’ancien maire de Paris quand on sait ce qu’il est devenu après?
Dans la première chambre civile du TGI de paris, c’est une page d’histoire que l’avocat nous fait feuilleter en énumérant ce qu’il considère comme les meilleurs faits d’armes du prévenu Chirac : l’inscription de l’abolition de la peine de mort dans la constitution, son soutien à Simone Viel dans la loi IVG, le referendum de Maastricht, sa position face aux Etats-Unis dans la guerre d’Irak, la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat français de Vichy dans la déportation des juifs, la création du Musée des arts primitif……
Comme les trois autres avocats, M° Kiejman a demandé la relaxe de l’ancien président. « Vous ne pouvez pas le rabaisser sans rabaisser la France ».
Quelques minutes plus tard, la salle d’audience se vidait. Ainsi s’achevait ce procès sans prévenu principal présent, sans accusation, sans authentique partie civile, sans témoin phare après la défection d’Alain Juppé.
A nos oreilles, restait simplement cette phrase en forme de vœux exprimés plusieurs fois par Jacques Chirac dans la bouche de ses avocats « Je veux être jugé comme un citoyen ordinaire »