Il est désormais plus facile de voir Jacques Vergès sur les planches que dans une salle d'audience d'un palais de justice. Après avoir été le personnage principal du film de Barbet Schroeder " Avocat de le terreur" présenté en 2007 à Cannes, il occupe seul la scène du Théâtre de la Madeleine. Son bureau a été reconstitué. Certains de ces objets fétiches composent désormais les éléments de décor. "Je me sens comme chez moi" nous dit-il lorsque nous le rencontrons au cours d'une des rares répétitions. Pendant plus d'une heure, M° Jacques Vergès se propose d'emmener le spectateur dans une réflexion judiciairo-littéraire. Il s'appuie sur quelques grandses pages judicaiares pour démontrer que chaque procès recèle un drame digne d'un roman. Avec une différence importante, c'est que l'enjeu n'est pas le même lorsque l'action se situe dans une authentique salle de justice.
Seul Jacques Vergès pouvait se permettre un tel pari. Récemment, d'autres avocats ont essayé de se faire narrateur, hors enceinte judiciaire. Signalons le cas de Maitre Georges Kiejman qui dans un documentaire a raconté des procès marquants de notre histoire. Mais attendre que le rideau se lève pour affronter un public qui a payé sa place, appartient à une autre dimension. Pour Philippe Bilger, avocat général près la cour d'appel de Paris, connu pour ses prises de position tranchées, le choix de Vergès n'est pas étonnant. Pour lui, cet itinéraire apparemment surprenant est logique et peu choquant dans la mesure où Vergès n'est "plus avocat" (sic) et qu'il incarne une figure médiatique d'une institution judiciaire d'un autre temps.
Vergès entretient avec délectation l'image sulfureuse "d'avocat du diable", de "salaud lumineux". La provocation, la rupture sont depuis longtemps ses armes. Il est connu pour être souvent plus prolixe devant les caméras que devant les magistrats. Alors que je lui demande si il appréhende désormais les critiques de théâtre, il me répond: "je ne crains personne. J'obéis aux caprices de mon coeur et le reste je m'en fous...."