Un peu comme on range son bureau avant de partir en vacances, des juges d'instruction viennent aujourd'hui de mettre un point final à deux volumineux dossiers. Deux affaires qui n'ont aucun point commun: une catastrophe aérienne et une affaire de faux listings.
A Pontoise, le juge d'instruction chargé du dossier de la catastrophe du Concorde a decidé de renvoyer 5 personnes et la société américaine Continental Airlines - en tant que personne morale - devant la juridiction de jugement afin de répondre d'homicides involontaires. Le crash de l'avion supersonique le 25 juillet 2000 à Gonesse avait provoqué la mort de la totalité des passagers, autrement dit 113 personnes. Huit ans d'instruction, à quelques jours près, ont permis à la justice française d'élaborer le scénario-catastrophe. Le Concorde aurait été victime d'une lamelle de fer qui serait détachée d'un avion de la dite compagnie américaine qui était passé quelques minutes plus tôt sur la même piste d'envol. C'est un enchainement d'incidents qui a provoqué la perte de l'appareil. Cette lamelle aurait provoqué l'éclatement d'un pneu, qui a ensuite facilité l'explosion d'un réservoir. On connait la suite. On se souvient des images amateur du Concorde qui était en phase de décollage et donc les réservoirs de kérosène pleins.
A cette négligence, se serait ajoutée celle reprochée au constructeur de l'avion supersonique franco-anglais. Pour les juges, des incidents du même ordre ayant déjà concernés les pneus, aurait du alerter les constructeurs. Résultat, outre deux salariés de la compagnie Continental Airlines, le tribunal correctionnel de Pontoise aura à se prononcer sur la responsabilité de deux membres de l'Aérospatiale ( devenue EADS). Le 5 ème homme n'est pas un inconnu de la justice. Il avait déjà comparu pour le crash de l'Airbus du Mont Saint Odile qui avait fait 87 morts en janvier 1992. Commes les autres prévenus, il avait été relaxé lors des deux procès. Une relaxe générale qui avait provoqué la colère des nombreuses parties civiles à Colmar
Le scénario se reproduira-t-il à Pontoise? Les familles des victimes sont moins nombreuses à s'être constituées parties civiles dans ce dossier. Elles ont préféré pour la plupart être indemnisées par Air France.
Quant au Concorde, il a été condamné à disparaître.
Second dossier: l'affaire Clearstream.
Les deux juges qui ont mis un point final à leur enquête, attendent désormais les réquisitions du parquet avant de décider de l'avenir des mises en examen. Un seul attire aujourd'hui l'attention: Dominique de Villepin, l'ancien Premier Ministre, poursuivi pour dénonciation calomnieuse. Il y a un mois, le parquet avait demandé aux deux juges de reprendre leurs copies, estimant qu'au vue du dossier, il n'y avait pas assez d'éléments pour le renvoyer devant un tribunal correctionnel. Ce mois supplémentaire d'instruction sera-t-il fatal à l'ancien Chef du Gouvernement? Il est trop tôt pour le dire. Si, les deux juges décident en tout cas de faire comparaître Dominique de Villepin, le procès sera dans sa forme assez surréaliste.
Imagez la scène. Imaginez l'image que l'on ne nous autorisera surement jamais à tourner. A votre droite, sur le banc des prévenus: le dernier Premier Ministre de Jacques Chirac. A votre gauche, sur le banc des parties civiles, son Ministre de l'Intérieur de l'époque devenu depuis Président de la République. Assis légérement au dessus, le procureur, dépendant hiérarchiquement du Garde des Sceaux. En face, trois magistrats du siège. Indépendants du pouvoir politique certes mais dont les supérieurs sont nommés par le CSM dont le Président n'est autre que le Chef de l'Etat. Du jamais vu dans une salle d'audience. Du jamais vu dans notre République.
A plusieurs reprises, des juristes ont rappelé que Dominique de Villepin pouvait demander l'incompétence du tribunal correctionnel et exiger la saisine de la Cour de Justice de la République. Différence notaire entre ces deux solutions. Dans cette dernière juridiction, les juges sont majoritairement des parlementaires et il n'y a pas de partie civile...