Maître Patrick Maisonneuve, de Maître Achoui au juge Burgaud

M° Patrick Maisonneuve défend toutes les robes avec la même force, la même virulence, la même croyance. Qu'elle soit celle de l'avocat comme c'est le cas actuellement devant les assises de Paris où il est le conseil de M° Karim Achoui. Ou bien qu'elle soit celle du magistrat comme ce sera le cas pour le juge Fabrice Burgaud du 16 au 20 février prochain lors de l'audience disciplinaire devant le CSM. Ces deux hommes aujourd'hui sont cloués au pilori. Le premier a la réputation d'être un avocat trop proche du grand banditisme. Le second incarne la catastrophe judiciaire de ces dernières années. Aux yeux de certains, ils sont tous deux indéfendables. M° Maisonneuve relève le défi. 

Il fait partie de ces avocats qui aiment les combats difficiles. Même si lorsqu'il se retrouve devant les jurés, cela lui donne la peur au ventre. C'est ce qu'il avoue ce matin aux jurés parisiens qui continuent de juger les 21 accusés du dossier Ferrara. "Plaider devant une cour d'assises est toujours très difficile. Plaider pour un avocat qui comparait devant vous est encore plus difficile" lance la voix émue M° Maisonneuve.

Avec M° Francis Pudlowski et M° Francis Spziner, il assure la défense de M° Karim Achoui. Ce dernier est poursuivi pour complicité de tentative d'assassinat. Sur le papier, il encourt la perpétuité. L'avocat général lors de ses réquisitions a baissé la barre. Il ne retient plus que l'association de malfaiteurs et requiert 7 ans d'emprisonnement.

"Vous avez entre vos mains sa liberté. Vous avez entre votre mains sa vie ou sa mort"  plaide en s'adressant aux 12 jurés populaires l'avocat en robe qui défend l'avocat vêtu d'un costume sombre.

Pendant une heure, M° Patrick Maisonneuve va, avec force et conviction, démonté le dossier d'accusation.

Il va d'abord se livrer à un cours à l'intention des jurés. Leur raconter, les informer de ce qu'est le quotidien d'un avocat, dans son cabinet, avec ses collaborateurs, lors de ses visites régulières en détention. L'accusation relève comme élément à charge contre M° Achoui d'avoir demandé à un de ses collaborateurs de se rendre au parloir pour informer Ferrara que le lendemain, il serait extrait de sa cellule pour un rendez-vous au TGI. Pour l'accusation, cela constitue le "top départ" de l'évasion donné à Ferrara. M° Maisonneuve raye d'un trait de plume cet argument. "Envoyer un collaborateur visité un détenu au dernier moment, dans l'urgence, cela ne me choque pas. Nous le faisons régulièrement". détaille l'avocat. Il évoque à ce propos un souvenir personnel lorsque lui même était le collaborateur de Maître Philippe Lemaire. Ce dernier avait recu la visite d'un ami d'un de ses clients. L'ami en question s'inquiétait de l'état psychologique du détenu qui encourait une peine de réclusion criminelle à perpétuité. M° Lemaire dans le seul souci d'informer son client qu'il n'était pas oublié lui a écrit ces quelques mots: "on s'occupe de votre avenir". Quelques jours plus tard, le détenu s'est évadé. Le juge chargé de l'information s'est étonné auprès de M° Lemaire de la teneur de son courrier. " Un homme qui encourt perpétuité n'a pas d'avenir" lui a dit le magistrat. "Mais cela n'a pas été plus loin conclu M° Patrick Maisonneuve. M° Lemaire ne fut pas inquiété contrairement à M° Achoui aujourd'hui.

En regardant l'avocat général, M° Patrick Maisonneuve s'interroge à voix haute sur les zones d'ombre du dossier d'accusation. "Existe-t-il une trace d'une écoute téléphonique entre M° Achoui et un des membres du commando? A t-il assisté à une quelconque rencontre préparatoire de l'évasion? M° Achoui et Antonio Ferrara se sont-ils vus après les faits du 11 mars 2003? Quel mobile aurait poussé l'avocat à faire évader son client? Qu'est ce qui l'amène à se lancer dans une telle folie? On ne se pose même pas la question" argumente M° Maisonneuve. Evidemment, il n'aura jamais les réponses.

L'avocat finit sa plaidoirie dans une supplique. " Vous ne pouvez pas envoyer cet homme en prison, le casser professionnellement. Il ne faut pas que le pire arrive. Rendez-le à son gamin de 6 ans".

L'avocat de l'avocat a -t-il convaincu les jurés? Ils donneront leur réponse dans l'après-midi de samedi.

Publié par Dominique Verdeilhan / Catégories : Ma chronique