La fête du slip

Si vous avez allumé votre télévision, votre ordinateur ou même votre radio depuis lundi, vous n'avez pu échapper au récit (illustré d'images) relayé par les chaînes d'information et les réseaux sociaux sous l'appellation désormais consacrée de « slipgate » : lors d’une intervention de la Ligue de Protection des Oiseaux destinée à lutter contre le braconnage des pinsons, M. Allain Bougrain-Dubourg et plusieurs membres de cette association ont été pris à partie par certains riverains au nombre desquels un homme, habillé d’un T shirt et d’un slip, et équipé d’une pelle.

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Si le côté cocasse des images publiées et de leurs nombreux détournements n’a échappé à personne, une approche juridique de la question paraît utile puisque l'ensemble des protagonistes a indiqué envisager de déposer mutuellement plainte, qu'il s'agisse des membres de la LPO, des journalistes violentés ou de « l’homme en slip ».

L'analyse paraît simple du côté des ornithologues et des journalistes, tant il paraît évident qu’ils aient été victimes de violences, commises en réunion (plusieurs agresseurs) et avec arme (la pelle, pas le slip), telles que prévues par les articles 222-13 du code pénal, la peine encourue dépendant des conséquences des violences en question. Ainsi en cas d’incapacité de travail supérieure à 8 jours pour l’une des victimes, les violences en réunion avec arme sont punies d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 100.000 € d’amende.

Du côté de l’homme en slip, il a été annoncé qu’une plainte serait déposée pour violation de domicile et atteinte au droit à l’image et à la vie privée.

Concernant la violation de domicile susceptible d’être reprochée aux protecteurs des pinsons, cette infraction est prévue par l’article 226-4 du code pénal. La question principale est de définir la notion de domicile. Selon la jurisprudence, il s’agit du local d’habitation où une personne à sa résidence habituelle, comprenant ses dépendances et jardin.

Cependant, s'agissant d'un jardin, il convient pour que l’infraction soit constituée qu’il soit entièrement clos ce qui, au regard des images publiées, n’est apparemment pas le cas.

Dans ces conditions, l’infraction de violation de domicile ne me paraît pas pouvoir être reprochée à M. Allain Bougrain-Dubourg et ses acolytes.

L’atteinte au droit à l’image et à la vie privée concerne, on s’en doute, la publication rapide et massive des images de « l’homme en slip » et des détournements qui ont suivi, notamment via Twitter.

Il est vrai que l’article 226-1 du code pénal punit l’atteinte volontaire à la vie privée notamment par la fixation, l’enregistrement, ou la transmission, sans le consentement de celle-ci, de l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.

La photographie de l’homme en slip porte-t-elle atteinte sa vie privée selon les conditions posées par ce texte de loi ?

La condition tenant au caractère privé du lieu me semble parfaitement remplie, « l’homme en slip » se trouvant apparemment dans son jardin.

Concernant l’absence de consentement, on peut supposer que ce monsieur visiblement peu frileux n'ait nullement signifié son accord pour être photographié dans cette tenue vestimentaire, non plus que pour la diffusion de cette image.

Dans ces conditions, les prises de vues de « l’homme en slip » dans son jardin ainsi que leur diffusion sont effectivement susceptibles de faire l’objet de poursuites pénales, de même que leur utilisation par d’autres médias par le biais de l’infraction de recel.

Ainsi, aussi drôle soit l’image de cet homme en presque tenue de Superman (à un ou deux éléments près) brandissant sa pelle, la loi nous rappelle que nous sommes en présence d’une atteinte à la vie privée d’une personne qui, malgré son attitude aisément perçue comme agressive, n’a pas demandé une telle publicité.